Le miel, de l’hiéroglyphe à l’apiculture urbaine

Publié le 25 janvier 2021
Écrit par Louis Lapointe et Yves Prescott

Le miel, de l’hiéroglyphe à l’apiculture urbaine

Le miel est consommé presque partout sur la planète, et depuis toujours, l’être humain a su apprécier ses vertus exceptionnelles. Il est notamment reconnu pour sa richesse en vitamines et en minéraux.

En Occident, la commercialisation du sucre de canne et de betterave, moins coûteux, a eu pour effet de diminuer la consommation de miel. De nos jours, il est davantage employé dans les desserts et les sauces aigres-douces qui accompagnent certains plats carnés. Retenons aussi son utilisation dans la « laque » du canard de Pékin et dans l’eau qui servira à faire bouillir les bagels tout juste avant leur cuisson au four. 

Le miel sert également à la fabrication de produits alcoolisés, dont l’hydromel – boisson consommée tout autant en Bretagne qu’en Afrique subsaharienne. Selon certains historiens, l’hydromel était servi chez les Celtes ou les anciens peuples germaniques, lors de mariages, et ce, tout juste avant que ne débute la « lune de miel ». 

Selon les époques et les cultures, on attribue au miel un potentiel curatif capable d’enrayer la toux sèche et l’asthme, en plus de favoriser la cicatrisation ; son potentiel énergétique, antiseptique, antibiotique et antifongique ne fait aucun doute. 

Cela dit, il faut rappeler que le processus de pasteurisation prolonge la durée de conservation de cette denrée et retarde sa cristallisation – phénomène naturel qui n’affecterait en rien sa qualité. Toutefois, certains miels, dont ceux produits en Amazonie ou au Népal, sont toxiques et sans être nécessairement mortels, peuvent causer de fortes hallucinations ainsi que de puissantes diarrhées.

Les sous-produits de la ruche possèdent aussi un potentiel énergisant, tel le pollen, qui contient plus de vertus nutritives que la viande et qui permet de lutter contre la fatigue, bien que les enfants en bas âge et certains adultes auraient aussi peine à l’assimiler. La gelée royale, quant à elle, jouit d’une place privilégiée dans la pharmacopée chinoise. Cette gelée, riche en vitamine B5 et en oligoéléments, est reconnue pour ses propriétés revitalisantes, stimulantes et quelque peu euphorisantes.

Le propolis, matière gommeuse récoltée par les abeilles et rapportée à la ruche, est considéré comme un antibiotique naturel, et ses propriétés antimicrobiennes sont utilisées en médecine. Il est également recommandé pour la santé buccodentaire.

D’autres sous-produits de la ruche, comme la cire, servent à la fabrication de bougies, en plus d’être employés dans le domaine des cosmétiques. La cire est également utilisée dans l’entretien des meubles et dans une ancienne technique de peinture dite à l’encaustique, c’est-à-dire un amalgame fait de pigments délayés dans la cire fondue.

 

Tour du monde

En Égypte ancienne, l’abeille était un des symboles se retrouvant parmi les hiéroglyphes. De plus, la cire était une matière indispensable au processus de momification comme l’étaient le lin, le lichen, la résine, la myrrhe et la boue du Nil.

Ce sont les Romains qui ont introduit le mot « ruche » dans les langues de la grande famille latine – le mot « rusca » (que certains croient être d’origine gauloise) était simplement le matériau avec lequel on construisait les ruches, soit l’écorce. L’Italie a aussi légué à l’Occident le patron des apiculteurs : saint Ambroise de Milan. Saint Ambroise était célèbre pour la douceur de ses paroles ; on retiendra aussi une légende selon laquelle des abeilles auraient élu domicile dans sa bouche, alors qu’il était encore nourrisson.

Dans la culture juive, on donnait aux écoliers des biscuits et des friandises en forme de lettres de l’alphabet recouvertes de miel, et ce, dans l’espoir d’inculquer aux jeunes la notion voulant que l’acquisition de la connaissance se fasse tout en douceur.

En Afrique subsaharienne, on a observé un phénomène étrange ; le coucou guide l’être humain dans sa recherche de miel. Cette espèce d’oiseau attire donc son complice vers une ruche. Après que ce dernier s’est régalé, le volatile se délecte à son tour de cire et de larves qu’il est seul à pouvoir digérer.

La fabrication et la décoration des ruches, notamment en Pologne, en Russie et en Slovénie, dépassent le domaine utilitaire et constituent de véritables œuvres d’art. Certaines d’entre elles prendront l’allure d’une église alors que d’autres seront couvertes de peintures inspirées du folklore local. 

 

Apiculture au Québec

Les abeilles au Québec auraient été importées par les premiers colons français soucieux de maintenir une continuité alimentaire avec leur terre d’origine, ces derniers étant méfiants des produits de l’érable consommés par les Premières Nations. Les Mohawks appelaient d’ailleurs l’abeille la « mouche anglaise », ce qui viendrait confirmer l’arrivée tardive de cet insecte chez nous.

Notons d’autre part que l’apiculture urbaine a fait un retour en force au Québec depuis environ 20 ans et bien que nous soyons épargnés des aléas climatiques qui ont eu des effets désastreux sur la production en France et en Italie, la situation chez nous reste néanmoins problématique. L’utilisation des pesticides urbains a contribué, comme ailleurs sur la planète, au déclin des abeilles dont il existe chez nous 350 espèces (il y en aurait environ 20 000 de par le monde).

L’apiculture québécoise connaît des adeptes à des endroits inattendus, que ce soit les ruches posées sur le toit du Musée des beaux-arts de Montréal, voire celles de l’aéroport international Jean-Lesage de la Vieille Capitale, qui s’est notamment impliqué dans un projet de philanthropie écologique. Cette initiative permet à la Maison Gilles Kègle du quartier Saint-Roch d’offrir une partie des surplus de cette production aux personnes seules et démunies, qui constituent sa clientèle.

En conclusion, une question importante demeure, soit celle de la traçabilité des aliments. On soupçonne que le miel en provenance de Chine et du Vietnam serait reconditionné, c’est-à-dire qu’il contient des ingrédients sucrés qui n’ont rien à voir avec le travail des abeilles. La question de la fraude alimentaire a d’ailleurs été soulevée lors du Congrès mondial de l’apiculture (Apimondia), qui s’est tenu à Montréal en septembre dernier.

Heureusement, les produits québécois sont clairement identifiés comme « miel 100 % Québec », alors que depuis 2016, les lois fédérales obligent l’étiquetage à indiquer le ou les pays de provenance lorsqu’il s’agit d’un mélange.