Le projet du microbiome humain : quelques découvertes

Publié le 9 février 2016
Écrit par Sylvie Rousseau, nd.a.

Le projet du microbiome humain : quelques découvertes

À la suite du Projet du génome humain, une étude d’envergure internationale a été amorcée par le National Institute of Health (NIH) en 2008, soit le Projet du microbiome humain, qui vise à répertorier tous les micro-organismes habitant le tube digestif et leur ADN, dans l’objectif de comprendre leur rôle dans la santé humaine. Le projet vise à séquencer le génome des micro-organismes habitant cinq régions majeures du corps humain : le système gastro-intestinal, la cavité orale, la peau, le système urogénital et le système respiratoire.

CETTE ÉTUDE EXHAUSTIVE est d’autant plus nécessaire, car on a dénombré plus de cent mille milliards de microbes dans le tube digestif, soit dix fois plus que le nombre de cellules composant notre corps. On a également découvert que les bactéries de l’intestin contiennent cent fois plus d’ADN que notre propre ADN humain. Les recherches montrent que c’est l’ADN des bactéries qui influence le plus notre santé, même si les gènes microbiens travaillent étroitement avec nos gènes humains pour nous garder en santé.

L’étude de ce microbiome nous dévoile que l’on retrouve surtout des bactéries, mais aussi des protozoaires, des levures et des virus dans l’organisme. La majorité de ceux-ci réside dans le gros intestin et fonctionne presque comme un organe autonome. Plusieurs effets bénéfiques des bactéries ont été répertoriés dans l’organisme, dont la capacité de déplacer les bactéries nuisibles, de permettre la synthèse des vitamines et la dégradation des fibres, de maintenir l’intégrité de la muqueuse intestinale et de stimuler le système immunitaire. Il faut savoir que les aliments ingérés passent peu de temps dans l’estomac, où l’environnement est très acide pour les micro-organismes, mais peuvent passer de deux à six heures dans l’intestin grêle, où l’absorption est à son sommet, et le reste peut prendre jusqu’à un maximum de 40 heures dans le côlon pour permettre aux bactéries de décomposer les fibres qui ne peuvent être digérées. Pour cette raison, la majorité des bactéries humaines se retrouve dans le côlon. D’ailleurs, les selles peuvent être composées jusqu’au trois quarts de bactéries.

 

LA CONFÉRENCE SUR LE MICROBIOME HUMAIN

En octobre 2014, au Texas, a eu lieu la première grande conférence mondiale touchant l’incidence du microbiome sur le vieillissement. Plusieurs conférenciers internationaux ont fait part de leurs recherches. Voici le résumé de certaines de ces recherches :

  1. Georges Weinstock, Ph. D, professeur au Jackson Laboratory for Genomic Medicine dans l’État du Maine et l’un des principaux instigateurs du projet, étudie actuellement le virome humain, soit le comportement et l’évolution des virus habitant le corps humain. Il mentionne, à cet effet, que certains virus causent la maladie, mais que d’autres peuvent être, au contraire, protecteurs pour la santé humaine. Il ajoute que les micro-organismes dans la cavité orale sont beaucoup plus difficiles à étudier, car la plupart de ceux-ci ne peuvent être cultivés en laboratoire. On a toutefois démontré que plusieurs bactéries orales sont liées au diabète, à l’infarctus, à la pneumonie et aux maladies cardiovasculaires. En effet, on retrouve le même type de bactéries dans les plaques dentaires et les plaques d’athérome. Également, il mentionne que la croissance de certaines bactéries augmente l’acidité dans la bouche lors de surconsommation de sucre raffiné.

Une flore vaginale saine est dominée principalement par les bactéries de type lactobacilles, celles-ci transformant le lactose en acide lactique. C’est grâce à cet environnement légèrement acide que l’organisme peut contrôler la prolifération des bactéries pathogènes.

  1. Tyler Curiel, M.D., professeur à l’Université du Texas Health Science Center, s’est intéressé, quant à lui, aux liens entre les maladies inflammatoires de l’intestin et les bactéries. Il rapporte que les fibres alimentaires qui se retrouvent dans l’intestin sont majoritairement fermentées et transformées par les bactéries coliques en acides gras à chaîne courte (AGCC), dont l’acétate, le propionate et le butyrate. Ces bactéries sont rapidement absorbées par la muqueuse intestinale et deviennent des sources d’énergie pour les muscles, le cœur, les reins et le cerveau.

Plus particulièrement, le butyrate est la source majeure d’énergie pour l’épithélium de l’intestin grêle et du côlon. D’une part, il augmente l’effet anti-inflammatoire du système immunitaire en diminuant entre autres la sécrétion de marqueurs inflammatoires. D’autre part, il diminue la perméabilité intestinale et l’infiltration des molécules toxiques dans le sang. Il peut modifier la motricité intestinale positivement.

  1. Dr Filipe Cabreiro, Ph. D., de la London University, au Royaume-Uni, a découvert que Helicobacter pylori est une des rares bactéries à pouvoir supporter les conditions acides de l’estomac. On reconnaît sa dangerosité dans les ulcères d’estomac.

Toutefois, on a découvert que cette bactérie a aussi des actions bénéfiques sur la régulation des acides stomacaux et des hormones contrôlant l’appétit. Avec l’utilisation abusive des antibiotiques, cette bactérie est maintenant rarement observée dans l’estomac et on considère que cela peut être un facteur de risque pour l’augmentation de l’obésité et des reflux acides.

  1. Stephen O’Keefe, M.D., professeur à l’Université de Pittsburgh, en Pennsylvanie, est un spécialiste des maladies intestinales inflammatoires comme la colite ulcéreuse, la maladie de Crohn et le cancer du côlon. Il mentionne que la maladie de Crohn n’est pas une maladie auto-immune, mais plutôt une résultante causée par l’effet de certaines bactéries intestinales et la génétique. Les acides biliaires synthétisés dans le foie servent à émulsifier les gras dans l’intestin. Mais lorsque quelqu’un a une alimentation riche en gras saturés et pauvre en fibres, certaines bactéries coloniques augmentent la production d’acides biliaires toxiques, soit les acides lithocholiques et désoxycholiques, qui peuvent augmenter le risque de cancer du côlon. Heureusement, l’acide chlorogénique présent dans la caféine et les petits fruits, notamment les bleuets, peut protéger le côlon de ces acides biliaires toxiques. Plus la diversité des bactéries intestinales est élevée chez un individu, moins on retrouve de bactéries inflammatoires. Ce chercheur note que les antibiotiques, même à court terme, les césariennes et le faible taux d’allaitement peuvent altérer le microbiote intestinal pour des années. En effet, dans un accouchement naturel, le bébé acquiert son microbiote par la mère dans le passage vaginal. En cas de césarienne, le premier contact vient plutôt de la peau de la mère, ce qui change nettement la diversité de ses bactéries.
  2. Maria Marco, Ph. D., de la Food and Technology University of California, décrit les bienfaits d’une alimentation riche en fibres comme les lentilles, les haricots, les artichauts et les petits fruits qui, comme ils sont digérés beaucoup plus lentement, permettront la production des AGCC, dont le butyrate, qui prévient le cancer du côlon. Les prébiotiques, qu’on trouve notamment dans la chicorée, les asperges, les oignons, les topinambours, les feuilles de pissenlit, l’ail et les poireaux ont également un rôle à jouer, car ces molécules, qui ne peuvent être digérées dans l’estomac et l’intestin grêle, mais plutôt dans le côlon, augmentent les bifidobactéries à cet endroit. Les probiotiques sous forme de supplément de type lactobacilles et les bifidobactéries sont des bactéries vivantes capables de survivre dans l’environnement acide de l’estomac et peuvent être une assurance santé à considérer.

 

RÉFÉRENCES

  1. BEST, Ben. « The Microbiome of aging and Age-Related Disease conference », Life Extension Magazine, novembre 2015, pp. 89-97.
  1. ENDERS, Giulia. Gut, the inside story of our body’s most under-rated organ, Scribe Publications, Melbourne, Londres, 2015.
  2. WATSON, Brenda CNC. Skinny gut diet, Harmony Books, New York, 2014.