Publié le 15 janvier 2017
Écrit par Gabriel Parent-Leblanc. B. Sc., M. Env.
En avril dernier, la caisse de dépôt et placement du québec (cdpq) annonçait un projet fort ambitieux : la construction d’un train électrique complètement automatisé dans la communauté métropolitaine de montréal.
Le réseau électrique métropolitain (REM), long de 67 kilomètres, devrait relier la Rive-Sud (Brossard), l’Ouest-de-l’Île (Sainte-Anne-de-Bellevue), la Rive-Nord (Deux-Montagnes) et l’aéroport Pierre-Elliot-Trudeau au centre-ville de Montréal. La CDPQ nous promet l’ouverture officielle pour 2021, avec la mise en service des premières rames dès 2020. Le projet demande un investissement de 5,5 milliards de dollars, qui sera financé en partie par la CDPQ (3 milliards).
Lors de l’annonce, le ministre des Transports, Jacques Daoust, nous présentait déjà le projet comme étant « la Baie-James de Montréal ». Je dois avouer que c’est dur de ne pas être enthousiaste devant un tel projet ; on parle de l’électrification des transports depuis des décennies, et on le fait finalement ! En fait, le REM deviendra le troisième plus grand réseau automatisé au monde, après ceux de Dubaï (80 km) et de Vancouver (68 km).
TRANSPORT EN COMMUN RAPIDE ET FRÉQUENT
Avouons-le, le nombre de stations, la nature du projet et l’échéancier tels qu’annoncés par la CDPQ sont tous impressionnants. Mais il ne faudrait pas oublier la rapidité du service et la fréquence des trains !
Évidemment, ce sont des estimations, et il se pourrait que les données changent d’ici la construction et la mise en service. Tout de même, le temps de parcours et la fréquence des départs sont très impressionnants.
UN PROJET ÉCOLOGIQUE ET ÉCONOMIQUEMENT VIABLE
Évidemment, l’attrait d’un tel projet est l’utilisation de l’électricité pour se déplacer au lieu du pétrole (REM en comparaison aux automobiles individuelles utilisant l’essence). Cela importe, parce que notre hydroélectricité provient d’une source renouvelable et émet très peu de gaz à effet de serre (GES). Si un projet de transport électrique voit le jour dans une partie du monde où l’électricité provient d’une source non renouvelable (le charbon, par exemple), alors le projet ne ferait pas de sens du point de vue écologique.
Les estimations de la CDPQ révèlent que les lignes de Deux-Montagnes, de Sainte-Anne-de-Bellevue et de l’aéroport diminueraient de 12 000 à 15 000 tonnes de CO2 par année en émissions de GES. La ligne Rive-Sud, quant à elle, permettrait de réduire les émissions de GES de 4125 tonnes de CO2 par année.
Le Québec a confirmé, à la conférence des Nations Unies sur le changement climatique à Paris en novembre 2015, qu’il compte, d’ici 2030, réduire de 37,5 % les émissions de GES par rapport au niveau de 1990. Les dernières données de 2013 révèlent que nous les avons diminuées de 8,6 %, toujours depuis 1990. Il reste donc du travail à faire, et c’est avec ce genre de projet que nous allons nous rapprocher de l’objectif.
En plus de nous aider à réduire notre empreinte carbone, le projet semble être économiquement viable. Toujours selon les données préliminaires de la CDPQ, la construction du REM va générer 7500 emplois directs et indirects par année (4 ans de construction).
Une fois en service, le REM va réduire les pertes économiques reliées à la congestion routière (1,4 milliard de dollars par année dans la région métropolitaine).
La CDPQ prévoit aussi que le REM va attirer près de 5 milliards de dollars en investissement privé pour le développement immobilier le long du tracé.
PAS QUE DU POSITIF
Le projet a beau utiliser le plus possible les infrastructures déjà existantes (le centre de l’autoroute 10, la bordure de l’autoroute 40, le tablier central du nouveau pont Champlain, la ligne Deux-Montagnes de l’AMT), de nombreux terrains devront être utilisés pour le tracé. En tout, c’est entre 150 et 160 terrains qui devront changer de vocation. Sur ce nombre se trouvent 60 bâtiments, dont 30 de type résidentiel. Ces personnes devront être relocalisées, à moins d’un changement du tracé.
Le REM menace aussi deux espèces menacées ou en péril : la couleuvre brune (amphibien rare dont la répartition est limitée à la grande région de Montréal) et le petit blongios (oiseau rare dont la population nicheuse du Québec ne totaliserait qu’environ 200 à 300 couples).
Quatre endroits en particulier sont problématiques dans le tracé, mais le pire est la portion du Technoparc Saint-Laurent à l’aéroport. En effet, le REM traverserait un « boisé de plusieurs kilomètres carrés où l’on trouve trois marais. On peut y observer des castors, des chevreuils, des coyotes, des renards, ainsi que […] 70 espèces d’oiseaux ».
Le promoteur ne semble pas prendre cela à la légère cependant, proposant dans son document Fiches techniques (optimisations récentes au tracé) – Étude d’impact sur l’environnement de « plonger en souterrain avant le milieu humide, soit en amont de la rue Alexander-Fleming. Le profil du tracé serait ainsi en souterrain complet, au niveau du roc, dans le secteur du milieu humide, ce qui permettrait d’éviter les impacts temporaires durant la construction sur le futur parc-nature des Sources. »
Bref, ça fait du bien de voir un projet d’envergure nous propulsant vers l’électrification des transports ! Le réseau électrique métropolitain ne manque certainement pas d’ambition avec ses 67 km de voies, son budget de 5,5 milliards de dollars et sa mise en service prévue dès 2021. Malheureusement, avec le tracé actuel, plusieurs personnes devront être relocalisées et deux espèces menacées seront affectées. Espérons que des solutions seront apportées lors de la consultation publique du BAPE.
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