Le secret de la longévité se trouve-t-il en Grèce ?

Publié le 22 novembre 2018
Écrit par Louis Lapointe et Yves Prescott

Le secret de la longévité se trouve-t-il en Grèce ?

La cuisine grecque est le résultat d’une longue évolution qui a pris sa source durant l’Antiquité, comme en témoignent les fresques et les céramiques parvenues jusqu’à nous.

 

LES ÉTRANGERS et envahisseurs ont certes enrichi cette gastronomie au fil des siècles, la rendant ainsi plus apparentée à celles du reste du bassin de la mer Méditerranée. Une question s’impose : en quoi la cuisine méditerranéenne grecque se distingue-t-elle du régime méditerranéen ?

Selon les adeptes du régime méditerranéen, la cuisine idéale serait celle développée en Grèce, plus particulièrement sur l’île de Crète ; l’UNESCO est également de cet avis, puisqu’en 2013, elle a inscrit la Crète officiellement au registre du patrimoine culturel immatériel de l’humanité. Les habitudes alimentaires des insulaires prolongeraient l’espérance de vie et aideraient à prévenir le risque de cancer et d’accidents cardiovasculaires. Ce modèle nutritionnel, pratiquement libre de protéines animales et de produits laitiers, se veut frugal et favorise la variété de fruits et de légumes consommés préférablement en saison.

Les études ayant mené à créer le régime méditeranéen ont débuté dans les années 1950 et ont été réalisées en pleine guerre froide, période durant laquelle les Soviétiques tentaient de convaincre le reste du monde que les habitants du Caucase (région située au sud de la Russie) possédaient la clé de la longévité. La cuisine de cette zone montagneuse est riche en produits laitiers fermentés, en fromages, en viandes rouges (mouton, agneau et boeuf), en poulets et, à plusieurs égards, se positionne à l’antithèse de celle développée en Crète, même si ces deux types d’alimentation semblent avoir comme dénominateur commun la consommation modérée de vin rouge.

Les études scientifiques effectuées en Crète ont été essentiellement faites en milieu rural, où les repas étaient entrecoupés de périodes de jeûne imposées par l’Église orthodoxe. Les Crétois seraient adeptes de la cuisson à basse température et friands d’aliments crus (salades de pissenlit, chicorée, fenouil, etc.) ; ils consomment de préférence le paximadi ou pain de seigle biscotté qui sert d’accompagnement aux plats à base de lapin, d’escargot ou de poisson. Enfin, le « thé des montagnes » (malotira) – véritable panacée miracle – serait capable de traiter les blessures et les maux de tête, et serait reconnu pour son potentiel diurétique.

Depuis le début de ces études, le régime crétois s’est peu à peu arrimé à celui du reste du pays et plusieurs personnes sont d’avis que les données recueillies à l’époque devraient probablement être revues et corrigées. Au cours des dernières décennies, on a adopté des aspects qui sont certes moins « santé », à savoir des baklavas et des desserts hypercaloriques, des cafés et des thés noyés dans de grandes quantités de sucre, sans compter les miches de pain à base de farine blanchie. Il est difficile d’obtenir des statistiques à jour et fiables en ce qui a trait à l’espérance de vie des Crétois au lendemain d’une crise économique qui, selon certains médecins, serait responsable d’une augmentation spectaculaire des maladies cardiovasculaires.

Contrairement à la cuisine crétoise, la cuisine grecque repose quant à elle sur trois ingrédients : le blé, le raisin (sec, frais ou transformé en vin) et les olives. Compte tenu de la place incontournable occupée par les olives partout en Méditerranée, une présentation de ce fruit – puisqu’il s’agit bien d’un fruit – s’impose. On ne peut les consommer immédiatement après la cueillette, car elles doivent préalablement être marinées dans la saumure ou dans un mélange de sel et d’huile – surtout lorsqu’elles sont rendues à maturité (olives noires de type Kalamata). Reconnus pour leur bon gras, ainsi que leur potentiel antioxydant, le fruit de l’olivier, et surtout l’huile qui en est extraite, sont fortement recommandés, et ce, tant pour la cuisson à basse température que pour l’assaisonnement. En Méditerranée, le beurre cède définitivement sa place à ce corps gras aux vertus incontestables.

Malgré les principes de base du régime méditerranéen, il est indéniable que le peuple hellénique en général est friand de produits laitiers ; on n’a qu’à penser au yogourt grec qui a pris d’assaut les tablettes des supermarchés depuis quelques années, et pour cause. Cet aliment est notamment riche en protéines, en probiotiques et en vitamine B12, et ce produit est en fait un résidu solide obtenu après égouttement du yogourt dans une gaze. Il est souvent conseillé comme substitut à la crème sure et à la mayonnaise.

Autre produit laitier longtemps connu chez nous comme à Athènes, le fromage feta doit être consommé avec modération, compte tenu de sa teneur élevée en sodium. On peut toutefois éliminer une partie du sel qu’il contient en le laissant préalablement tremper dans un bol d’eau ou de lait. Mentionnons d’autre part que le régime méditerranéen préconise l’abandon du sel au profit d’herbes, d’épices, d’oignon et d’ail pour rehausser le goût des aliments ; cela dit, la cuisine grecque est tout en douceur et s’accommode assez rarement de piments incendiaires.

D’autres statistiques nous obligent à porter le regard vers le Japon, plus particulièrement sur l’île d’Okinawa, autre épicentre reconnu pour sa longévité. Contrairement au régime méditerranéen, la cuisine de cette île japonaise reste moins facile à reproduire dans nos cuisines ; certains ingrédients fondamentaux sont difficiles à se procurer, comme la patate douce pourpre et le melon amer, plante potagère connue ailleurs en Asie et réputée efficace dans la lutte au diabète. Par contre, le kombu est offert chez nous et il est intéressant de constater que son potentiel nutritif, de même que celui d’autres types d’algues, ne figure pas dans les habitudes alimentaires des peuples du bassin méditerranéen.

En résumé, le mystère de la longévité n’a pas été expliqué de façon tout à fait satisfaisante ; on invoque des facteurs génétiques ou culturels, des conditions climatiques rêvées, de même qu’un mode de vie comportant un minimum de stress. Modération, variété et fraîcheur des aliments sont néanmoins des valeurs sûres communes à tous les régimes devant assurer la longévité.