Le sel, essentiel à la vie…mais risqué !

Publié le 21 juin 2019
Écrit par Louis Lapointe et Yves Prescott

Le sel, essentiel à la vie…mais risqué !

Depuis toujours, le sel occupe une place incontournable dans toutes les sociétés du monde, et pour s’en convaincre, on a qu’à penser à Salt Lake City, à Salzburg, à la fascination qu’exerce la mer Morte ainsi qu’aux caravanes qui faisaient autrefois transiter l’or blanc en Afrique et en Asie. D’ailleurs, le mot « salaire », du latin salarium, tire sa source de la rémunération sous forme de sel jadis versée aux soldats romains.

 

Si à une certaine époque, l’achat du sel était chez nous une affaire fort simple, de nos jours — par contre —, la palette offerte aux consommateurs est beaucoup plus appréciable : sel de l’Himalaya, sel casher, fleur de sel, etc. Retournons donc un peu en arrière dans l’histoire du Québec, c’est-à-dire à l’époque où ce produit de consommation était une denrée de luxe. Dans les premiers temps de la colonie, celui employé dans nos cuisines était importé de France bien que les Premières Nations connaissaient pour leur part un succédanée sous forme de cristaux obtenu par combustion de certaines plantes. Comme le sel importé était une denrée onéreuse, la spéculation amène inévitablement des mouvements de contestation populaire dont le plus célèbre se serait manifesté en 1704.

En dehors des centres urbains, des préparations mettant en vedette cet agent de conservation devenu de plus en plus abordable ont été mises au point sur les deux rives du Saint-Laurent (et non seulement dans la région du Bas-du-Fleuve). On incorpore des herbes et des légumes finement hachés à de la saumure, mélange qui servira au besoin à rehausser le goût des soupes et du traditionnel bouilli.

Parlant de tradition, certains sont familiers avec cette superstition implantée chez nous, soit celle de renverser les précieux cristaux, incident qui serait de mauvais augure (renverser le sel, signe de querelle). Cette croyance populaire serait imputable au fait que l’apôtre Judas Iscariote aurait renversé une salière durant la dernière Cène et ce, juste avant de trahir le Christ. Cela dit, il s’agit d’un des rares cas où le sel a une connotation funeste. En Russie, par exemple, il symbolise l’amitié indéfectible, et par marque d’hospitalité, on le présentera aux invités dans un contenant surmontant un pain rond. Au Japon, il est un des éléments indispensables de rites purificatoires à caractère spirituel et dont la présence est apte à écarter les esprits malins.

Le lien existant entre le sel et certaines traditions religieuses trouve sa parfaite illustration dans le contexte de la foi hébraïque. Ce qu’il est convenu d’appeler le sel casher se caractérise par l’absence d’iode ; le terme « casher » est employé de façon générique, ce qui veut dire qu’un produit identifié comme tel n’a pas nécessairement été approuvé par les autorités juives compétentes.

Notons que le sel casher a gagné en popularité au cours des dernières années grâce aux chefs vedettes qui sont convaincus qu’il est plus facile à manier que les grains raffinés. Comme il a tendance à se dissoudre rapidement, il est idéal pour récurer les articles de cuisine.

Autre sel connaissant une popularité accrue, soit le sel de l’Himalaya, qui est extrait de mines situées dans la province pakistanaise du Punjab. La présence de minéraux lui confère sa coloration particulière oscillant entre le rouge, le rose et le saumon.

Selon une légende, les mines auraient été découvertes par les troupes d’Alexandre le Grand dont les chevaux avaient été attirés par la présence de résidus de sodium se trouvant à proximité des mines en question (IVe siècle avant J.-C.). Toutefois, il n’existe aucune preuve historique pour corroborer son exploitation avant le XIIe siècle.

Outre son utilisation dans la cuisine, on fabrique des articles de décoration, dont le plus connu est probablement les lampes en cristal de sel (lampes de pierre de sel rose) réputées pour posséder plusieurs bienfaits pour la santé (insomnie, migraine, etc.).

Plus onéreux que les produits précités, la fleur de sel résulte de la cueillette d’une mince couche de cristaux présente à la surface des marais. Ce produit se dissout rapidement, et il est donc conseillé de l’ajouter en toute fin de cuisson à moins que vous ne préfériez le consommer déjà incorporé dans une douceur faite à base de chocolat ou de caramel.

Y a-t-il en bout de piste un type de sel qui soit particulièrement recommandé ? L’élimination complète du sel reste impossible dans la mesure où cette substance essentielle prévient notamment la déshydratation, et ce, tant chez l’être humain que chez les animaux. La modération – comme dans toutes choses – reste donc la meilleure voie à suivre.

Mais comment nous positionnons-nous sur le plan mondial à cet égard ? Chose surprenante – et même si notre consommation excède celle prônée par l’Organisation mondiale de la Santé –, l’Amérique du Nord ainsi que l’Australie et la Nouvelle-Zélande se situent favorablement en matière strictement statistique. À l’opposé, les champions mondiaux de l’excès en cette matière seraient sans conteste les Chinois, dont la consommation de sodium serait très largement supérieure à la dose quotidienne recommandée.

Ces statistiques surprenantes s’expliquent bien sûr par l’emploi enthousiaste de la sauce soya, mais aussi par le fait que les Chinois sont friands de marinades faites de fruits et de légumes ; comme la réfrigération des aliments gagne de plus en plus de terrain dans le pays le plus peuplé du monde, le gouvernement chinois se voit encouragé par la diminution progressive de sodium au fil des ans grâce à des campagnes souhaitant sensibiliser la population aux bienfaits des fruits et des légumes frais. Chez les peuples des steppes et ceux de l’Himalaya, le thé au beurre salé est aussi un des grands responsables de cette sur-consommation. Bien que ce thé aide l’hydratation et qu’il prévienne la gerçure des lèvres, les nomades des minorités tibétaines et mongoles vivant en Chine peuvent en boire jusqu’à 40 tasses par jour !

En guise de conclusion, soulignons que selon l’Organisation mondiale de la Santé, les trois quarts des adultes de par le monde dépassent le seuil recommandé. On pourrait en effet prévenir près de 2,5 millions de décès chaque année à l’échelle planétaire en réduisant la consommation et en privilégiant des substituts capables de rehausser le goût des aliments, comme le vinaigre et le jus de citron…