Le sibo, ou colonisation bactérienne chronique de l’intestin grêle, un trouble de la santé méconnu

Publié le 9 novembre 2019
Écrit par Sylvie Rousseau nd.a

Le sibo, ou colonisation bactérienne chronique de l’intestin grêle, un trouble de la santé méconnu

On parle depuis quelques années d’un problème de santé méconnu dans la population, soit le sibo (pour small intestinal bacterial overgrowth), Caractérisé par des ballonnements et des fermentations chroniques de  l’intestin causés par  un  affaiblissement généralisé des muqueuses digestives.

 

Cette prolifération excessive et pathologique de bactéries se concrétise dans l’intestin grêle au lieu de se concentrer dans le côlon, où se trouve la majorité du microbiote intestinal (1 à 2 kilos). La lumière et la paroi de l’intestin grêle et du duodénum abritent alors en excès bactéries et virus, qui détruisent le mucus protecteur de l’intestin et altèrent la barrière intestinale, rendant ainsi l’intestin poreux et affaiblissant le système immunitaire. Il s’ensuit une malabsorption des nutriments, dont se nourrissent les bactéries. Un cercle vicieux s’installe alors, alimenté par les carences nutritionnelles de plus en plus importantes, les infections chroniques et un dysfonctionnement du système immunitaire.

 

Facteurs de risque du SIBO

Plusieurs facteurs de risque pour le SIBO sont à l’étude actuellement : la dysbiose, soit l’appauvrissement de la qualité et de la diversité du microbiote intestinal, est le premier facteur à considérer. Cette faiblesse peut être héritée de nos parents ou encore découler d’un excès d’antibiothérapie, surtout dans la petite enfance. Les infections bactériennes ou virales peuvent aussi créer un déséquilibre chronique s’accompagnant d’une inflammation du microbiote.

Les carences nutritionnelles venant d’une alimentation raffinée et chimique empêchent la digestion et la détoxication de se faire correctement, provoquant fermentations et déséquilibres bactériens. Ce problème est amplifié lorsque la personne est dans une situation de stress élevé, car cela ralentit le fonctionnement du système nerveux parasympathique et particulièrement du nerf vague, qui est responsable de gérer l’ensemble des organes digestifs.

L’insuffisance de sécrétions digestives, dont l’hypochlorhydrie, amplifie aussi le problème en favorisant la prolifération des bactéries et levures dans l’estomac, ralentit le péristaltisme et perturbe le pH du milieu intestinal.

La pollution environnementale est une cause importante du SIBO, ayant des conséquences sur la santé intestinale. Pensons aux additifs et aux conservateurs alimentaires, aux adjuvants dans les médicaments et les vaccins, aux métaux lourds, aux moisissures, aux pesticides et plus particulièrement au glyphosate (pesticide largement utilisé dans l’agriculture moderne), qui entraînent la surcharge toxique de l’organisme. Ces produits altèrent le microbiote intestinal, soit directement ou indirectement, en inhibant les capacités détoxifiantes du foie.

Finalement, les chercheurs ont identifié quelques polymorphismes génétiques (SNP) pouvant influencer grandement la susceptibilité à développer cette maladie. Entre autres, un SNP d’intérêt nommé FUT2 (fucosyl transférase 2) non sécréteur serait responsable d’empêcher la sécrétion d’un mucus de qualité intestinale.

 

Le concept de sécréteurs / non-sécréteurs

Pour bien comprendre ce qu’implique ce polymorphisme, il faut se rapporter aux recherches du Dr Peter J. D’Adamo, l’auteur du livre 4 groupes sanguins, 4 régimes, sur l’effet des groupes sanguins sur la santé. Selon D’Adamo, chaque type sanguin possède une composition chimique particulière, dont des antigènes différents ayant une influence unique sur la santé.

De plus, il présente le concept de sécréteurs / non-sécréteurs, soit un sous-groupe sanguin qui est indépendant du type sanguin et contrôlé par un gène séparé. Le gène du sécréteur / non-sécréteur détermine la capacité à sécréter les antigènes du groupe sanguin dans les fluides du corps ou non.

En effet, les individus sécréteurs produisent des antigènes dans leurs fluides corporels, dont la salive, le mucus, le sperme et autres. Ceux-ci représentent environ 80 % de la population. Or, sécréter les antigènes de son groupe sanguin dans les fluides donne une meilleure protection immunitaire contre l’environnement. Cela permet d’avoir un écosystème bactérien plus stable, car les bactéries bénéfiques utilisent le groupe sanguin comme nourriture préférentielle. Les sécréteurs ont aussi des niveaux plus élevés d’anticorps IgG et IgA les protégeant de troubles de l’intestin perméable.

Les individus non sécréteurs, de leur côté, ne produisent des antigènes que dans leur sang. Ils ont plus tendance à avoir des problèmes de santé touchant le système digestif, dont la cavité orale, avec plus d’ulcères duodénaux et peptiques. Ils sont moins résistants aux infections de type Helicobacter pylori et sont plus à risque de développer des troubles de la santé comme la maladie cœliaque, l’asthme, le diabète, l’infarctus du myocarde, l’obésité, l’alcoolisme, le syndrome métabolique et les infections récurrentes, dont la candidose chronique.

 

Quelques solutions naturopathiques

Lorsqu’on est aux prises avec le SIBO, une approche globale est privilégiée. Il est recommandé, premièrement, d’adopter une alimentation pauvre en FODMAP (oligosaccharides, polysaccharides, monosaccharides et polyols), pour un certain temps et aussi d’éviter les aliments qui peuvent être irritants par exemple les produits laitiers, les légumineuses, le gluten, les charcuteries et les aliments transformés, entre autres. Il faut également éviter la gomme à mâcher, les boissons gazéifiées, les édulcorants, l’alcool et le café, ainsi que les aliments auxquels on est intolérant ou allergique.

Il est prioritaire de rééquilibrer le microbiote intestinal, mais il faut se questionner sur la qualité des muqueuses où nous voulons implanter les bonnes bactéries (probiotiques). En effet, les gens aux prises avec ce problème de santé ne voient pas toujours leur état de santé s’améliorer avec l’apport de pré et de probiotiques, car ceux-ci n’agissent pas sur l’affaiblissement des muqueuses digestives caractéristiques du SIBO.

Il est plutôt important de renforcer l’intégrité de la muqueuse intestinale par certains nutriments, comme la glutamine, la vitamine A et D ainsi que le colostrum, en plus d’améliorer la digestion grâce à des enzymes ou à des plantes amères, par exemple. On peut aussi utiliser certains suppléments, dont l’huile d’origan, l’extrait d’ail concentré ou la berbérine pour contrôler la prolifération microbienne.

 

Un nutriment d’intérêt, le fucosyllactose

Les recherches du professeur Vincent Castronovo, expert en médecine fonctionnelle, ainsi que celles de la Dre Axelle Mayet, spécialiste en nutrithérapie, sur certaines molécules, dont le fucosyllactose, semblent très prometteuses pour le SIBO. Cette molécule est en fait un oligosaccharide qu’on trouve abondamment dans le lait maternel, mais qui peut aussi être synthétisée grâce à une technologie de l’ADN ou encore à la fermentation in vitro.

Cette molécule a démontré un effet prébiotique sélectif et encourage la prolifération des bactéries bénéfiques, dont les bifidobactéries, et améliore la motilité intestinale. Elle aide à la production des acides gras à chaîne courte (AGCC), dont le butyrate et l’acétate, deux molécules responsables de moduler la perméabilité de l’intestin, de créer un environnement qui prévient l’adhérence des pathogènes aux surfaces des muqueuses et de diminuer les risques d’infection. Cet oligosaccharide est aussi sécrété naturellement dans l’intestin de l’adulte. Il est modulé par une enzyme, la 2FL ou fucosyl transférase 2, codée par le gène FUT2. Si le gène fonctionne bien, le microbiote intestinal sera plus équilibré grâce à un mucus de meilleure qualité.

Cependant, lorsque la mutation génétique FUT2 existe, l’activité du 2FL est grandement diminuée. Ce polymorphisme génétique est présent chez 20 % des populations caucasiennes et dans un pourcentage plus important chez certaines populations africaines et asiatiques. La conséquence de cette anomalie peut entraîner des désordres intestinaux chroniques, dont la dysbiose (déséquilibre des souches bactériennes), entraînant comme symptômes diarrhée, constipation, intolérances alimentaires et troubles inflammatoires.

Gardez en mémoire que le SIBO est une affection complexe pouvant fréquemment récidiver et qu’il faut prendre très au sérieux.

Plusieurs cures antimicrobiennes peuvent être nécessaires, surtout si un polymorphisme génétique existe. Soyez proactif !

 

RÉFÉRENCES

D’ADAMO, Dr Peter J. 4 groupes sanguins, 4 régimes, G.P. Putnam’s sons, New York, 1996

LI D, Zheng. « Amelioration of intestinal barrier dysfunction by berberine in the treatment of non-alcoholic fatty liver diseases in rats »

Pharmacognosy Magazine, oct.-déc. 2017 ; 13:677-682

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22585916

https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/22513036

http://www.reflexions.uliege.be/cms/c_15007/fr/castrono- vo-vincent