Le sucre, qu’en est-il vraiment ?

Publié le 16 mars 2016
Écrit par Daniel-J. Crisafi, nd.a., m.h., ph. d.

Le sucre, qu’en est-il vraiment ?

« J’ai lu dans plusieurs publications que le sucre est néfaste pour la santé. Qu’en est-il vraiment ?

 

Ah, le sucre. Peu d’aliments naturels ont suscité autant de controverse que cette substance douce au palais. Pourtant, peu de substances ont revêtu un aspect aussi important que le sucre. Pour certains, le sucre représente la joie et la convivialité. Il rappelle ces réunions de famille à la fin desquelles on servait la tarte au sucre de « matante », les dolci de la nona ou les baklavas de l’oncle Nic. Pour d’autres, le privilège de pouvoir se sucrer le bec à la fin du repas a une signification aussi grande bien que plus subtile. Ne disions-nous pas à nos enfants (plusieurs le font encore) « si tu manges ton assiette, tu auras droit au dessert » ?

Pour bien des gens, subconsciemment certes, la consommation de desserts est le couronnement du repas, le signe que l’on a été de bons enfants. Chez d’autres, parfois les mêmes, le sucre est un outil d’apaisement. Qui n’a pas entendu un parent dire à son enfant « si tu écoutes, tu auras un bonbon (chocolat, dessert, etc.) » ? Justement, nous ne disons pas « mauvais mauvais », mais bien « bon bon ». Deux fois « bon » ! Y a-t-il un autre aliment si bon que nous le qualifions de « bon » deux fois ?

Malgré la popularité manifeste des sucreries, il est intéressant de noter que celles-ci ont quand même eu de multiples critiques. D’ailleurs, contrairement au blé ou aux produits laitiers, le sucre n’a reçu l’éloge d’aucun des pionniers de l’alimentation et de la vie saines.

 

GRAHAM

En 1849, Sylvester Graham, l’un des pionniers de l’alimentation saine, écrit que la physiologie digestive humaine n’est pas adaptée au sucre.

 

MACFADDEN

Bernarr Macfadden, considéré par plusieurs comme le père de la culture physique nord-américaine, considérait le sucre comme étant « la substance alimentaire la plus toxique qui soit — un poison ». Force est d’admettre que lorsque Macfadden écrivit ces lignes, au début du 20e siècle, l’alimentation n’était pas « polluée » par tous les additifs chimiques qui nous sont maintenant disponibles.

 

CARTON

« Le docteur Paul Carton en appelle aux lois de la vie saine et condamne le sucre. » D’ailleurs, dans son livre Les Trois Aliments Meurtriers Carton, place le sucre, avec l’alcool et la viande, dans son « trio meurtrier ».

 

LALANNE

Le gourou américain de l’entraînement physique, Jack Lalanne, écrivit que « de tous les aliments, c’est le sucre qui nuit le plus à la santé aussi psychologique que physique ».

 

KOUSMINE

La médecin franco-russe Catherine Kousmine souligne elle aussi l’importance de réduire sa consommation de sucres simples ou rapides.

 

EXTENSO

« Cependant, depuis quelques années, plusieurs études s’intéressent plutôt à l’impact du sucre sur la santé, qui serait, selon plusieurs chercheurs, plus dangereux que le gras. Certains vont même jusqu’à le comparer à un poison ! »

« Le mot est un peu fort, mais en effet, consommer trop de sucre aurait des effets néfastes sur la résistance à l’insuline, l’hypertension, le tour de taille, l’obésité et même le diabète. »

Il est intéressant de noter que cette citation prise sur le site Web d’Extenso, le centre de référence sur la nutrition de l’Université de Montréal, se rapproche de celle de Bernarr Macfadden, écrit il y a plus de 100 ans avant celle d’Extenso !

 

DÉFINITION

Pour les fins de cet article, je vais définir le sucre comme étant un sucre simple, ou raffiné. On réfère aux sucres simples sous l’appellation de « monosaccharide » ou de « disaccharide » (ou diholoside).

Ce sont des sucres qui s’absorbent très facilement et très rapidement. C’est cet effet d’absorption rapide, puis la chute aussi rapide du taux de sucre dans le sang qui s’ensuit, qui est à la base de plusieurs problèmes associés à la consommation de ces sucres.

Afin de les identifier, notons que les sucres simples finissent tous pas « -ose » : dextrose, fructose, maltose, sucrose, etc.

Les sucres raffinés, quant à eux, sont des sucres qui ont été isolés de leur milieu naturel. La plupart des sucres naturels, tels que le sucre brut, contiennent des éléments nutritifs, comme le chrome ou les vitamines B, qui aident le corps à les utiliser efficacement. Malheureusement, plusieurs de ces sucres, particulièrement le fructose, le glucose et le sucrose, sont raffinés afin d’éliminer toutes les substances autres que le sucre.

Ce raffinage a lieu pour deux raisons. Les microorganismes se nourrissent moins bien de sucre raffiné, puisque ceux-ci manquent de certaines vitamines et minéraux présents dans le sucre non raffiné. Le sucre raffiné se conserve donc beaucoup mieux. De plus, le goût sucré est accentué, puisqu’il n’y a aucune autre substance de présente. Qui n’a pas goûté la différence entre un sucre brut et du sucre blanc ?

 

CONSOMMATION MODERNE

Plusieurs facteurs militent pour déclencher ou accentuer les effets néfastes du sucre sur la santé. Ceux-ci incluent leur indice glycémique, leur potentiel acidifiant pour les tissus, leur effet sur la déplétion de divers nutriments et la quantité consommée.

C’est sur ce dernier aspect que j’aimerais m’arrêter maintenant, car il est d’une importance primordiale dans la discussion sur les effets néfastes du sucre. Selon certains auteurs, « la consommation de sucre par habitant en 2010 avait presque atteint 132 livres (60 kilos), par rapport à environ 12 livres (5,44 kilos) au début des années 1800 ». Selon Statistique Canada, la consommation quotidienne de sucre atteint près de 180 grammes par jour, ou 65,7 kilos par année, chez les 14 à 18 ans. Pour les incrédules, notons que le département d’agriculture des États-Unis a quant à lui avancé un chiffre annuel de 152 livres, ou près de 70 kilos par personne pour l’année 2000, légèrement en baisse par rapport aux 155 livres consommées en 1999.

Si vous n’êtes pas convaincu de l’omniprésence du sucre dans notre régime, je vous suggère un exercice qui saura probablement vous éclairer quelque peu. La prochaine fois que vous ferez votre marché, prenez le temps de bien lire les étiquettes. Et, mis à part les desserts et les douceurs elles-mêmes, remettez sur les tablettes tous les produits dont la liste d’ingrédients indique qu’ils contiennent du sucre ajouté.

Ces sucres incluent : cassonade, dextrose, glucose, fructose, fructose-glucose, maltose, miel, sirop d’érable, sirop de maïs, sirop de maïs à haute teneur en fructose, sucre, sucre brut, sucrose. Vérifiez toutes les étiquettes, même celles de vos soupes, pains, viandes froides ou préparées, etc. Bonne chance.

Malheureusement, la situation est bien plus désolante que l’on puisse le croire de prime abord. Car si nos ancêtres ne consommaient que très peu de sucre comparativement à la majorité de nos concitoyens, ils étaient considérablement plus actifs physiquement. Il y a 150 ans, nous n’avions pas tous les avantages technologiques dont nous bénéficions aujourd’hui.

Nos ancêtres devaient être physiquement actifs, ils n’avaient pas le choix. Voici donc notre dilemme : nous consommons significativement plus de calories que nos aïeux, mais nous en brûlons considérablement moins.

 

EFFETS

Carences nutritionnelles : Les sucres simples causent une surutilisation de nutriments dont le corps a besoin pour les métaboliser. Parmi les nutriments les plus carencés, il y a le calcium, le chrome, le magnésium et certaines vitamines du complexe B, particulièrement la B3 et la B5. Évidemment, lorsque ces nutriments sont éliminés du corps en raison d’une surconsommation de sucre, ils ne sont plus disponibles pour exercer leurs autres fonctions. Les sucres raffinés, parce qu’ils ne contiennent aucun de ces nutriments, causent les plus grandes carences.

Surcharge hépatique : Puisque le foie est l’organe qui emmagasine la majorité des sucres et puisque le métabolisme du glucose et du fructose utilise les mêmes voies métaboliques que l’alcool, de plus en plus d’études démontrent que les sucres simples, particulièrement le fructose (mais aussi le glucose) peuvent avoir des effets hépatiques semblables à l’alcool. N’oublions pas que le sucre ordinaire, saccharose or sucrose, qu’il soit blanc ou brun, est une importante source à la fois de fructose et de glucose.

Réduction de la fonction immunitaire : Il est reconnu depuis longtemps que le sucre réduit la capacité immunitaire. Une étude menée à l’Université de Loma Linda, aux États-Unis, a montré que la capacité de défense de nos globules blancs était inversement proportionnelle à la quantité de sucre ingéré.

Résistance à l’insuline : La résistance à l’insuline est associée directement à ce que l’on nomme le « syndrome métabolique » ou « syndrome cardiométabolique ». Ce syndrome métabolique se caractérise par l’apparition ou l’augmentation graduelle de plusieurs symptômes associés au métabolisme des lipides (gras) et des sucres. Les symptômes incluent l’augmentation du « mauvais » cholestérol (LDL) et la baisse du « bon » cholestérol (HDL), l’augmentation de triglycérides, un niveau de glucose sanguin de plus en plus élevé et une accumulation de gras au tour de la taille. Pour être diagnostiqué avec ces syndromes, un patient doit avoir au moins trois des symptômes mentionnés plus haut. Il y a longtemps que des études ont démontré que le sucrose tout comme le fructose peuvent induire la résistance à l’insuline. Finalement, cette résistance à l’insuline peut aussi augmenter les risques de plusieurs cancers, dont ceux du foie, de l’endomètre et du pancréas.

Cancer : La consommation élevée de sucres peut causer de la résistance à l’insuline. Or, il a été question plus haut du rôle de la résistance à l’insuline dans le développement de certains cancers. Fait intéressant, le docteur Otto Warburg, lauréat du prix Nobel, avait déjà soumis l’hypothèse selon laquelle le sucre joue un rôle majeur dans le développement de cancers. Le 30 juin 1966, cet éminent chercheur avait eu l’honneur de prendre la parole devant des lauréats du prix Nobel à Genève. Durant son allocution, il déclara : « Le cancer, plus que toute autre maladie, a d’innombrables causes secondaires. Presque tout peut causer le cancer. Néanmoins, même pour le cancer, il n’y a qu’une cause primaire. La cause primaire du cancer est le remplacement de la respiration d’oxygène dans les cellules normales du corps par la fermentation du sucre. »

 

OBÉSITÉ

Le déséquilibre entre notre apport calorique élevé d’une part et notre sédentarité relative d’une autre milite en faveur d’une augmentation des risques d’obésité. De plus en plus d’études suggèrent que le sucre est bien pire que le gras lorsqu’il s’agit d’obésité.

 

HYPERACTIVITÉ / DÉFICIT D’ATTENTION

Qui n’a pas constaté à quel point un enfant peut être presque intenable lorsqu’il a consommé une quantité importante de sucre ? En effet, le sucre est un stimulant. Il n’est donc pas surprenant que la consommation de sucre soit associée à un comportement hyperactif ou à un déficit d’attention. Évidemment la consommation de sucre n’est pas le seul facteur, mais il est l’un des facteurs les plus importants et les mieux documentés.

 

AUTRES

Nous pourrions ajouter plusieurs autres problèmes de santé à cette liste, tels que l’anxiété, la dépression et les problèmes de mémoire. Mais je pense que l’énumération des problèmes de santé associés à la consommation de sucres est suffisante pour nous prémunir.

 

AVERTISSEMENT

Quatre points méritent d’être retenus :

  • Il ne faut pas croire que les sucres simples sont un poison. Ce ne sont pas les « -oses » (dextrose, fructose, glucose, sucrose, etc.) qui sont le problème, mais bien leur surconsommation. Une quantité raisonnable de sucres n’est pas nuisible en soi, mais la quantité généralement consommée aujourd’hui l’est assurément.
  • Les sucres naturels simples mais non raffinés, tels que le sucre brut ou la mélasse, sont un choix plus sain que les mêmes sucres raffinés.
  • Les sucres naturels, non raffinés, tels que le miel, le sirop d’érable ou les fruits entiers ou séchés, ont même des propriétés qui sont bénéfiques pour la santé, pourvu qu’ils soient consommés raisonnablement.
  • Les édulcorants artificiels, souvent utilisés pour remplacer le sucre, sont probablement un plus grand mal que celui que l’on cherche à remplacer. En effet, des études ont démontré que les édulcorants artificiels induisent aussi la résistance à l’insuline en modifiant la flore (microbiote) intestinale. Or, nous avons vu dans le numéro précédent de Vitalité Québec à quel point cette flore est essentielle pour une santé optimale.

 

SOLUTIONS

Réduisez votre consommation quotidienne de sucres à un minimum. Reprogrammez vos papilles gustatives en consommant de moins en moins de sucres.

Lorsque vous « devez » utiliser du sucre, dans une recette par exemple, préférez les sucres complets tels que le miel, le sirop d’érable ou le sucre brut. Vous pouvez aussi avoir recours à certains édulcorants naturels, tels que le stévia ou le xylitol ;

Préférez les fruits frais ou séchés pour les collations quotidiennes. Mais attention aux excès de fruits. De plus, évitez en général les jus de fruits, même les jus de fruits naturels ;

Si vous aimez le chocolat, convertissez-vous au chocolat ayant au moins 75 % de cacao. Plus il y a de cacao, moins il y a de sucre;

Gardez la consommation de douceurs sucrées « ordinaires » pour les occasions spéciales. Vous les apprécierez davantage ;

Finalement, l’exercice aide à « brûler » les calories supplémentaires fournies par le sucre tout en aidant à réduire la résistance à l’insuline. Donc, moins de sucre et plus de sport.

Au début du XXe siècle, le Dr Weston Price avait visité diverses populations « primitives » autour du globe. Il avait alors constaté que l’augmentation des maladies dégénératives était directement proportionnelle à l’augmentation de la consommation d’aliments raffinés, dont le sucre. Price, Graham et Macfadden avaient raison, le sucre peut être néfaste. Que diraient-ils, s’ils nous observaient aujourd’hui ? Nous ne pouvons qu’imaginer leur désarroi en constatant la quantité de sucre consommé de nos jours. Plus de doute possible, il est devenu très néfaste, un poison. Nous devons en réduire la consommation, si nous voulons avoir une santé optimale.

 

RÉFÉRENCES

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