Le syndrome d’accrochage à l’épaule

Publié le 20 mai 2016
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie, D.O.

Le syndrome d’accrochage à l’épaule
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Appelés encore parfois « arthrite scapulo-humérale » ou « conflit sous-acromial », les inconforts à l’épaule sont l’une des causes les plus fréquentes de consultation dans les différents champs de pratique de la thérapeutique manuelle (physiothérapie, chiropractie, ostéopathie, etc.).

 

LES SYMPTÔMES expérimentés par les patients sont généralement des douleurs plus ou moins vives à l’avant et sur le côté de l’épaule. Ces douleurs sont souvent augmentées lorsque les bras sont maintenus en élévation sur le côté du corps. Elles peuvent persister durant la nuit et gêner le sommeil. Cette affection de l’épaule souvent incapacitante peut fréquemment être soulagée au moyen de traitements conservateurs. La clé de l’obtention de ce soulagement est une bonne compréhension de la biomécanique de l’épaule.

 

ANATOMIE DE L’ACCROCHAGE

Ce que nous appelons communément « épaule » est composé principalement de deux os : l’humérus, l’os principal du bras, et l’omoplate. Bien sûr, lorsqu’on pense à l’omoplate, nous avons tendance à imaginer l’os situé dans notre dos. Ce que l’on sait moins, c’est que l’omoplate se prolonge aussi vers le côté du corps et vers l’avant pour venir s’unir à la clavicule. Ce prolongement antérieur de l’omoplate se nomme « acromion ».

Vous pouvez facilement palper votre acromion en suivant, à l’aide des doigts de la main opposée, votre clavicule en direction de votre épaule. Là où la clavicule se termine, l’acromion de l’omoplate commence. Cette dernière se prolonge vers l’arrière pour venir prendre place sur la cage thoracique.

Des structures d’importance primordiale pour le bon fonctionnement de notre bras et de notre épaule passent dans un espace situé entre l’acromion et la tête de l’humérus. On nomme ce genre de canal « l’espace sous-acromial ». Les structures qui passent dans ce conduit anatomique sont protégées par une bourse, dont le rôle est de faciliter leurs glissements lorsque nous levons les bras. L’élément le plus important de cet ensemble fonctionnel est sans aucun doute le tendon du muscle supra-épineux (aussi appelé « sus-épineux »). Il s’agit d’une bande fibreuse résistante d’environ cinq centimètres de long.

Le supra-épineux fait partie d’un groupe de muscles profonds appelé « coiffe des rotateurs », qui recouvre la partie postérieure et supérieure de l’omoplate. Lorsqu’elle se contracte, son raccourcissement favorise l’élévation des bras sur le côté du corps (abduction). Elle permet à l’humérus de rester stable dans la cavité de l’omoplate en empêchant une élévation excessive de la tête de l’humérus.

Le tendon du muscle supra-épineux est normalement protégé par un ligament de l’épaule, le ligament coraco-acromial. Cependant, lorsque l’humérus se retrouve trop en élévation dans la cavité de l’omoplate, la position de ce ligament peut paradoxalement participer à l’usure du tendon.

 

PHYSIOLOGIE DE L’ACCROCHAGE

Lors du mouvement d’élévation des bras, le tendon du supra-épineux glisse normalement sans encombre dans la voûte sous-acromiale. Cependant, si cet espace devient trop étroit, le tendon, telle une corde, frotte contre les os. Cela crée généralement de l’inconfort et de la douleur localisée à l’avant et sur le côté de l’épaule.

Lorsque le frottement persiste sur une longue période de temps, la douleur peut devenir omniprésente. L’organisme agira habituellement de deux manières en cas d’agression récidivante :

 

  1. Si on lui en laisse le temps, il cherchera à « renforcer » le tendon du supra-épineux pour éviter que ce dernier ne s’érode et se rompe. Ainsi, le tendon pourra devenir plus épais ou même présenter de petits morceaux d’os à travers ses fibres, un phénomène appelé « calcification ». Malheureusement, bien que cela empêche le tendon du supra-épineux de se rompre, l’épaississement et la calcification du tendon peuvent entraîner plus de douleur et gêner la mobilité de l’articulation ;
  2. Le tendon peut finir par s’user et se rompre.

C’est ce qu’on appelle une « déchirure de la coiffe des rotateurs ». Dans un tel cas, l’épaule perdra beaucoup de force lorsqu’on voudra maintenir le bras dans les airs. Le corps voudra compenser cette perte de force en utilisant d’autres muscles dont le rôle principal n’est pas l’élévation du bras. Cela peut entraîner une cascade d’inconforts pouvant toucher les bras, le cou, le dos, etc. Une intervention chirurgicale peut être envisagée lors d’une déchirure du tendon.

 

PRÉDISPOSITION À L’ACCROCHAGE

Pour créer un maximum d’accrochage sur le tendon du supra-épineux, l’espace entre l’acromion de l’omoplate et l’humérus doit être le plus étroit possible. Cet espace peut se resserrer de deux façons :

  1. Si des tensions musculaires tirent l’omoplate vers le bas ou l’avant, l’espace sous-acromial sera réduit ;
  2. Si des tensions musculaires élèvent l’humérus vers le haut, l’espace sous-acromial sera aussi diminué.

Malheureusement, certaines personnes ont un espace sous-acromial plus étroit que d’autres de façon génétique. Certaines variations héréd taires de la forme de l’acromion sont responsables de cette diminution de l’espace. Ainsi, on aura parfois recours à une chirurgie orthopédique d’acromioplastie dans le but de limer la partie de l’acromion gênant le mouvement.

Heureusement, la quasi-totalité des gens peut agir pour diminuer l’accrochage à l’épaule. Étant donné que les muscles sont le moyen d’union le plus important de cette articulation, il faut chercher à diminuer la tension des muscles chroniquement raides, et à renforcer la tension des muscles un peu trop lâches dans le but de créer un meilleur positionnement de l’omoplate et un abaissement de l’humérus.

Plusieurs moyens peuvent être employés pour détendre les muscles trop raides, comme le massage ciblé de ces muscles, une meilleure ergonomie de travail et des exercices d’assouplissement réalisés à la maison. Une rencontre avec un thérapeute manuel possédant de l’expérience avec les problèmes d’épaules vous sera d’une grande aide.

Quant aux muscles ayant besoin d’être renforcés, des exercices simples existent également. Les kinésiologues détiennent la meilleure formation pour vous aider avec cet aspect.

 

ÉQUILIBRER LA MUSCULATURE

Puisque l’omoplate n’a aucune fixation purement osseuse, son positionnement dépend presque exclusivement de la sommation des tensions musculaires agissant sur elle. Si vous observez les gens autour de vous, vous verrez que la position de leurs omoplates (et de leurs épaules, par le fait même) est très variable.

On dénote quatre principaux positionnements :

  1. Certaines personnes ont les omoplates prises en élévation : on dirait qu’elles haussent les épaules constamment sans s’en rendre compte ;
  2. À l’inverse, certaines omoplates sont maintenues en abaissement : ces gens donnent l’impression d’avoir un cou plus long et la pente de leurs épaules est plutôt descendante ;
  3. Certaines personnes ont les omoplates placées en rétraction (ou adduction) : elles se tiennent involontairement en rapprochant les omoplates les unes des autres, ce qui fait paraître leurs épaules plus étroites ;
  4. Finalement, certaines personnes affichent un positionnement en protraction (ou abduction). Dans cette posture, les épaules paraissent enroulées vers l’avant et le haut du dos semble plus arrondi, lorsque vu de l’arrière.

Ces quatre différents schémas de postures peuvent se combiner. Ainsi, il n’est pas rare de voir des omoplates à la fois prises en élévation et en protraction (vers le haut et l’avant).

À cause de la spécialisation musculaire engendrée par nos tâches routinières, il est également possible (et très fréquent) de retrouver chez un même individu deux positionnements d’omoplates très différentes.

Ainsi, l’omoplate de la main dominante a davantage tendance à être abaissée que celle de la main non dominante. Cette différence illustre magnifiquement à quel point la mécanique de l’épaule dépend de l’équilibre des tensions entre les différents muscles qui permettent ses mouvements.

Mais qu’est-ce qui crée ces tensions maintenant nos épaules dans ces postures inconscientes ? Ce sont les contractures musculaires, de même que l’épaississement et le durcissement des enveloppes musculaires (fascia) provoqués par notre organisme dans un souci d’adaptation. Le corps peut avoir besoin de s’adapter lorsqu’on exécute une tâche quotidienne fréquemment. Par exemple, les épaules peuvent se retrouver prises en protraction chez une personne qui travaille de longues heures avec les bras vers l’avant, par exemple un travailleur de l’informatique. Le corps peut aussi s’adapter à un stress émotionnel. Les omoplates peuvent ainsi se retrouver en élévation à la suite d’une attitude de peur et de protection, ou enc re en abaissement lorsque nous adoptons une attitude défaitiste pendant une longue période de temps.

Quant au déplacement de la tête de l’humérus vers le haut, un facteur de l’accrochage, les métiers requérant que les bras soient maintenus dans les airs pendant de longues périodes génèrent beaucoup de fatigue sur les muscles de la coiffe des rotateurs. En temps normal, les muscles de la coiffe des rotateurs (surtout l’infraépineux et le sous-scapulaire) tractent l’humérus vers le bas. Ils effectuent cette action pour venir équilibrer celle du muscle deltoïde, un puissant abducteur qui, lui, tire l’humérus vers le haut. Lorsque les muscles de la coiffe des rotateurs sont affaiblis, le muscle deltoïde entraînera la tête de l’humérus trop haut, ce qui favorisera l’accrochage. C’est souvent le cas, par exemple, chez les coiffeuses, les électriciens ou les travailleurs de bureau qui n’utilisent pas d’appuiscoude sur leurs chaises. Ces travailleurs doivent éviter le surtravail, qui vient léser le muscle supra-épineux, et gérer leur environnement de travail de la façon la plus ergonomique possible. Dans une affection chronique, un thérapeute manuel aura besoin de masser les muscles de la coiffe des rotateurs. Il devra aussi donner au patient des exercices spécifiques d’abaissement et de rotation externe du bras.

 

RÉFÉRENCE

CALAIS-GERMAIN, Blandine. Anatomie pour le mouvement, éditions La marée haute, p. 102-135.