Le syndrome d’antéprojection de la tête

Publié le 20 janvier 2019
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie, D.O.

Le syndrome d’antéprojection de la tête

Le syndrome d’antéprojection de la tête (head forward syndrome, en anglais) fait référence aux symptômes associés à un maintien postural sous-optimal de la tête par rapport aux épaules.

 

En effet, dans une posture harmonieuse capable de mieux gérer les forces imposées par la gravité, on souhaiterait voir le centre de l’oreille (méat acoustique externe) aligné avec le centre de l’épaule (ceinture scapulaire). Or, force est de constater que cet alignement idéal est rarement retrouvé dans notre société moderne.

Le syndrome de la tête projetée vers l’avant est très commun. Avec ce type de posture, le crâne se retrouve bien à l’avant par rapport au milieu du thorax, c’est-à-dire que la position de l’oreille est antérieure à celle du milieu de l’épaule lorsque l’on voit le physique de profil. Au fil du temps, une fameuse « bosse » se développe à l’arrière, entre le haut du dos et la naissance du cou. Cette « bosse de bison » est formée de tissus conjonctifs fibreux et de masse adipeuse dans une tentative du corps d’ajouter de la solidité à la base du cou (jonction cervicodorsale). Cette résistance normale du corps est compréhensible : des études ont montré que pour chaque pouce d’avancement de la tête par rapport à l’épaule, une charge supplémentaire de 10 livres était transmise au muscle postérieur du cou et du haut du dos. Pas étonnant que tant de gens éprouvent des douleurs sur une trajectoire qui va de la base de la tête jusqu’à la région entre les omoplates.

 

Quelles sont les causes de ce syndrome ?

Les causes de ce syndrome ont encore besoin d’être étudiées. D’une part, ce trouble semble être lié à des éléments héréditaires, comme le sexe (les femmes étant plus fréquemment touchées) et l’hyperlaxité ligamentaire. D’autre part, il est indéniable que la détérioration et l’affaissement des disques de la colonne cervicale qui se produit en vieillissant peuvent contribuer à l’apparition de ce syndrome. Néanmoins, les facteurs les plus importants dans le maintien de la tête en projection antérieure semblent liés, heureusement, à des éléments sur lesquels nous avons davantage de contrôle.

Par exemple, on sait que l’affaissement de la colonne vertébrale dorsale participe à déplacer le centre de gravité de la tête vers l’avant. On peut en faire l’expérience soi-même aisément (peut-être le faites-vous quotidiennement sans même vous en apercevoir). Pour cela, installez-vous devant un écran de télé ou d’ordinateur. Fixer l’écran des yeux. Placez votre dos bien grand, comme si un fil tirait le sommet de votre crâne vers le plafond. Puis, petit à petit, laisser tomber ce maintien en autograndissement et laisser votre dos se voûter. Qu’arrive-t-il avec la tête en réaction ? Eh oui, plus le dos se voûte, plus le centre de gravité de la tête est déplacé vers l’avant.

On constate ce phénomène fréquemment lors de longues heures passées à fixer un écran – et on ne parle pas d’ordinateur portable ou de cellulaire, ces derniers accentuant encore davantage la projection de la tête vers l’avant ! Une autre cause pouvant entretenir ce syndrome est l’utilisation d’un oreiller épais qui pousse la tête vers le haut lors du sommeil.

 

Quelles sont les conséquences de ce syndrome ?

Puisque l’avancement du cou entraîne automatiquement une flexion de la tête et que notre regard serait ainsi dirigé vers le plancher, notre système nerveux utilise un mécanisme automatique d’extension des premières cervicales pour demeurer fonctionnel et garder son regard orienté vers l’avant. Or, cette extension au niveau du crâne sur le cou gêne le drainage efficace des déchets métaboliques par le système veineux et lymphatique de la tête et du cou. Ceci peut même contribuer à irriter des nerfs cervicaux (nerf d’Arnold, par exemple). Les résultats sont souvent des maux de tête, de cou et de dos, voire des vertiges. D’autre part, les muscles fléchisseurs du cou qui s’attachent sur les clavicules et les premières côtes deviennent rigides et hypertoniques. Ceci peut entraîner l’irritation des nerfs du plexus brachial passant à proximité, ces nerfs qui partent de notre cou et descendent le long de nos bras. En effet, on a lié le syndrome d’antéprojection de la tête à plusieurs symptômes communs désagréables :

  • Migraines et céphalées de tension ;
  • Cervicalgies (maux de cou) ;
  • Douleur à la mâchoire;
  • Trouble de l’épaule : le maintien de la tête en projection vers l’avant incite l’omoplate à basculer elle aussi vers l’avant sur la cage thoracique. Ceci a pour effet de comprimer les tissus près de l’humérus, prédisposant à de l’irritation à l’épaule lors du mouvement, aussi appelé syndrome d’accrochage à l’épaule ;
  • Névralgie cervicobrachiale avec irradiation dans les bras ou les mains ;
  • Syndrome du tunnel carpien ;
  • Reflux gastrique, fatigue chronique, etc.

 

Prévenir et traiter le syndrome

Il faut d’abord être conscient des facteurs environnementaux. Si vous dormez sur le dos, assurez-vous que votre oreiller ne pousse pas votre tête vers l’avant de manière importante. Si vous travaillez avec un ordinateur, mieux vaut une station de travail fixe qu’un portable, surtout si vous faites de longues heures. Évitez les longues périodes de rédaction de textos. Levez-vous aussi souvent que possible pour marcher et vous étirer.

Pensez GRAND ! Le mouvement de projection de la tête vers l’avant se produit automatiquement lorsque le thorax s’affaisse.

Si vous souhaitez prévenir ou combattre ce problème de posture, vous devez penser grand : que vous soyez debout ou assis, imaginez que le sommet de votre crâne et votre sternum (le centre de la poitrine) sont reliés au plafond grâce à un mince fil. Ce dernier tire tout doucement vers le plafond. Vous devriez éprouver la sensation de grandir quelque peu, tout en rentrant tout doucement le menton. Non seulement cet exercice sera bénéfique pour votre cou, mais il aura également un effet sur toute votre colonne vertébrale en décomprimant les disques par l’action des muscles spinaux. C’est un exercice de base à garder en tête puisque vous aurez l’occasion de le pratiquer n’importe où. Plus vous le ferez souvent, plus vous combattrez efficacement la problématique.

 

Exercice pratique

Un exercice plus direct peut être entrepris pour soulager les muscles du crâne et du cou. Pour le faire, couchez-vous sur le plancher. Pliez les deux genoux de façon à avoir les pieds à plat au sol près de vos fessiers. Placez la base de votre crâne entre vos deux mains jointes, en laissant vos coudes tomber vers le plancher. Tout doucement, rentrez le ventre pour venir appuyer le bas du dos contre le sol.

Sans perdre le contact du bas du dos avec le sol, rentrez doucement le menton comme si vous cherchiez à aplatir la courbure à l’arrière de votre cou. Ressentez une sensation d’allongement entre le sommet de votre crâne et votre bassin. Maintenez la position une trentaine de secondes en respirant profondément. Lorsque bien réalisé, cet exercice permet la relaxation des muscles à la base de la tête et du cou.

Finalement, une aide externe sous la forme d’un thérapeute manuel compétent peut être d’une grande utilité. Ce dernier (ostéopathe, physiothérapeute, chiropraticien, kinésithérapeute, etc.) vous aidera à mobiliser les articulations dans le sens de correction du syndrome. Il pourra aussi vous aider à relaxer les tissus mous congestifs qui sont souvent responsables des symptômes désagréables associés au syndrome d’antéprojection de la tête. L’exercice physique, idéalement supervisé par un kinésiologue, représente aussi un atout indéniable dans la gestion de ce syndrome.

 

RÉFÉRENCES

DALTON, Erik. Treating the dreaded Dowagger Hump, https://erikdalton.com/blog/treating-dreaded-dowager- hump, 2017.

STEPHEN, J. « Reliability of isometric muscle endurance tests in subjects with postural neck pain », JMPT, 2008.