Publié le 16 avril 2020
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.
L’apparition des premiers bourgeons du printemps s’accompagne désormais de nombreuses publicités vantant les mérites de tout un arsenal de médicaments antihistaminiques auxquels une proportion grandissante de la population à maintenant recours.
En tant que naturopathe, j’entends régulièrement parler d’intolérance à l’histamine, et encore ces jours-ci, une dame m’a contactée pour savoir s’il existait un test pouvant confirmer son autodiagnostic « d’allergie à l’histamine ». Précisons que puisque l’histamine est une substance naturellement produite par notre organisme, on ne peut pas réellement parler d’intolérance ou d’allergie à cette dernière. Cependant, la mauvaise réputation de l’histamine provient du fait que son accumulation excessive dans le corps peut être responsable de symptômes incommodants, voire très sérieux, chez les personnes allergiques et asthmatiques. Ce mois-ci, je vous propose donc de démystifier l’histamine et d’explorer les moyens naturels éprouvés pour favoriser son taux optimal.
L’histamine 101
L’histamine est synthétisée dans plusieurs organes et exerce de nombreuses fonctions au sein de l’organisme. Elle appartient au groupe des amines biogènes, et on la considère comme une cytokine – soit une molécule de signalisation – qui participe aux réactions de défense de l’organisme. Elle est aussi présente à divers degrés dans plusieurs aliments, surtout ceux obtenus par fermentation microbienne.
Les fonctions de l’histamine
Relativement à la réponse immunitaire, l’histamine est libérée lors de l’activation des basophiles et des mastocytes. Sa principale fonction est de détruire les substances étrangères, mais elle est aussi libérée lors de réactions allergiques. L’histamine est également sécrétée par des cellules de la paroi de l’estomac pour réguler la sécrétion d’acide chlorhydrique ainsi que par des neurones du système nerveux central pour le contrôle de l’éveil.
L’histamine participe à d’autres fonctions-clés telles que l’augmentation de la puissance et de la fréquence des battements cardiaques via la libération d’adrénaline; la suppression de l’appétit et le déclenchement des vomissements; la régulation de la température corporelle, de la pression artérielle et de la sensation de douleur ainsi que la régulation de l’équilibre hormonal.
Le syndrome d’intolérance à l’histamine
Le syndrome d’intolérance à l’histamine (ou histaminose) est un ensemble de symptômes chroniques causé par un déséquilibre entre l’histamine accumulée dans le corps et ses capacités de dégradation, ce qui provoque un taux excessif d’histamine. Chez les personnes en bonne santé, l’histamine alimentaire peut être rapidement détoxifiée par la diamine oxydase (DAO), la principale enzyme du métabolisme de l’histamine ingérée qui se trouve principalement dans la muqueuse de l’intestin grêlei. Toutefois, l’activité de cette enzyme peut être réduite chez certaines personnes. Par conséquent, l’histamine produite par l’organisme et celle absorbée par l’alimentation ne peuvent plus être détruites, ou seulement partiellement, ce qui provoque un excès d’histamine associé à de nombreux symptômes imitant une réaction allergique telle que la rougeur et l’œdème du visage, l’éruption cutanée et les démangeaisons. Ces symptômes cutanés s’accompagnent souvent de signes généraux comme les céphalées, les palpitations cardiaques et les étourdissements. Enfin, des symptômes secondaires de nature gastro-intestinale tels que les nausées, les maux d’estomac, les vomissements et la diarrhée peuvent aussi apparaître.
Quelques symptômes associés à l’excès d’histamine
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Comment réduire le taux d’histamine ?
La prévalence du syndrome d’intolérance à l’histamine
En raison de la nature multiforme des symptômes, la prévalence du syndrome d’intolérance à l’histamine est sous-estimée. On sait toutefois qu’elle touche surtout les femmes à partir de l’âge de 40 ans et que le risque est particulièrement élevé chez les personnes souffrant d’une maladie inflammatoire de l’intestin ou d’une allergie alimentaire croisée.
La connexion histamine-œstrogènes
En plus d’affecter surtout la gent féminine, le syndrome d’intolérance à l’histamine partage plusieurs symptômes avec la dominance œstrogénique. Cette dernière résulte souvent d’une difficulté à métaboliser et à excréter efficacement nos œstrogènes, combinée à un syndrome d’intestin perméable accompagné d’une dysbiose qui favorisent le recyclage des œstrogènes métabolisés et leur accumulation dans notre système.
Fait intéressant, les cellules possèdent habituellement des récepteurs spécifiques auxquels uniquement les messagers chimiques et les hormones correspondants peuvent se fixer. Dans le cas de l’histamine et des œstrogènes, ils parviennent à se fixer aux mêmes récepteursii. Les œstrogènes provoquent donc la libération d’histamine des mastocytes présents notamment dans les organes reproducteursiii. De plus, des études démontrent que les œstrogènes ont un effet inhibiteur sur la DAOiv. Conséquemment, plus le taux d’œstrogènes est élevé, plus grande sera la quantité d’histamine libérée dans la circulation sanguine. Inversement, plus d’histamine entraîne aussi plus d’œstrogènes via une augmentation de l’hormone lutéinisante (LH) qui en favorise une production ovarienne accruev. C’est un cercle vicieux dont on ne peut se sortir qu’en adressant simultanément l’excès d’histamine et la dominance œstrogénique.
Comment savoir si je suis affectée par le syndrome d’intolérance à l’histamine ?
On peut facilement vérifier si nos symptômes sont améliorés par un antihistaminique ou par l’adoption d’une diète réduite en histaminei. Le cas échéant, on peut identifier la présence de polymorphisme génétique affectant la DAO grâce à certains tests génétiques offerts en vente libre. Cependant, pour établir un diagnostic définitif, seul le médecin peut procéder à un test de provocation orale contrôlé.
En conclusion
Avec ou sans diagnostic officiel, les symptômes d’excès d’histamine peuvent être atténués par les facteurs énumérés précédemment. Il serait souhaitable de vous faire accompagner dans votre démarche par un professionnel compétent en la matière afin d’éviter d’éventuelles carences nutritionnelles en raison de l’étendue de la diète réduite en histamine et aussi pour pouvoir tirer pleinement profit de l’information fournie par le test génétique, le cas échéant.
RÉFÉRENCES
i MAINTZ, L., et N. NOVAK. « Histamine and histamine intolerance », American Journal of Clinical Nutrition, vol. 85, no 5, mai 2007, p. 1185-1196.
(Revu)https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/17490952?r eport=docsum [consulté le 05-02-2020]
ii https://drbeckycampbell.com/the-histamine-estrogen- connection/
iii https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3550514
iv https://www.fxmedicine.com.au/blog-post/relationship- between-histamine-oestrogen-progesterone-and-cortisol
v https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pubmed/3550514
vi KOVACOVA-HANUSKOVA, E, et autres. « Histamine, histamine intoxication and intolerance », Allergol Immu- nolpathol (Madr), vol. 43, no 5, 2015, p. 498-506. https://www.fxmedicine.com.au/blog-post/relationship- between-histamine-oestrogen-progesterone-and-corti-sol#8