Le syndrome du tunnel carpien

Publié le 1 mars 2021
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie

Le syndrome du tunnel carpien
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Le syndrome du tunnel carpien (ou syndrome du canal carpien) est causé par une compression causant une irritation du nerf médian. Ce nerf important fournit à la fois sensibilité et force à la main. Il traverse, tout comme les tendons qui nous permettent de fléchir les doigts, un petit tunnel dont les bordures sont les os du poignet ainsi qu’un ligament horizontal (le ligament transverse du carpe).

Il s’agit de la neuropathie d’enclavement la plus commune, comptant pour plus de 90 % des cas de cette famille de blessures musculosquelettiques. C’est une affection répandue : dans les pays industrialisés, elle touche près de 50 personnes par tranche de 1 000 individus. Nous connaissons pratiquement tous quelqu’un qui a déjà eu un syndrome du tunnel carpien.

 

Comment le syndrome se développe-t-il ?

L’étiologie du syndrome du tunnel carpien est rarement liée à une seule cause. La majorité du temps, il s’agit d’un problème multifactoriel découlant de plusieurs éléments juxtaposés.

Dans l’historique du patient, il y a souvent un élément de compression répété sur le nerf médian par un appui direct et prolongé du poignet sur une surface dure. C’est un syndrome qui touche fréquemment les travailleurs de bureau, par exemple. Les symptômes découlant de cette compression peuvent mettre plusieurs semaines, voire des mois avant de se manifester. Les compressions prolongées contribuent à augmenter la pression au niveau du poignet, ce qui réduit le débit de la circulation veineuse, encourage l’œdème local et compromet la circulation sanguine acheminée directement au nerf médian. À plus long terme, ce dernier peut même développer des lésions physiologiques. Les tissus environnants, dont les tendons des fléchisseurs des doigts, peuvent également s’enflammer, ce qui réduit leur fonction normale de support et de protection, et contribue à sensibiliser le nerf.

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Les vibrations et les mouvements répétitifs du poignet peuvent également contribuer au problème. On sait par exemple que les travailleurs de la construction peuvent aussi développer ce problème. 

 

Il y a également des facteurs plus systémiques :

  • La génétique ; 
  • Le fait d’être obèse ;
  • La grossesse ;
  • Une maladie inflammatoire auto-immune comme l’arthrite rhumatoïde ou la goutte.   

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Le syndrome peut être objectivé par plusieurs tests. Le plus fiable semble être d’appliquer une compression directe sur le tunnel carpien pendant 30 secondes afin de vérifier si cela reproduit les symptômes.  

 

Signes et symptômes

Pour ce syndrome, il est important d’agir rapidement. En effet, il se révèle toujours plus facile à prendre en charge lorsque les symptômes n’ont pas trop progressé. Ainsi, si vous vous reconnaissez devant les signes et symptômes de cette affection, commencez dès maintenant à faire les modifications nécessaires. 

  • Sensation d’engourdissement et diminution de la sensibilité de la peau, principalement au niveau du pouce, de l’index et du majeur ;
  • Douleur sur ces mêmes zones de la peau ; 
  • Parfois irradiations vers le poignet, l’avant-bras ou le bras ;
  • Soulagement des symptômes lorsque la main est secouée vigoureusement (flick sign). 

Au départ, les symptômes sont habituellement présents durant la nuit et s’estompent durant la journée. Si la condition progresse, les inconforts peuvent devenir diurnes et se manifester aussi lors d’activités répétitives ou qui demandent une motricité fine de la main, telles que dessiner, taper au clavier ou jouer à des jeux vidéo. Dans certains cas plus sévères, les symptômes deviennent présents en permanence. Certains symptômes plus désagréables, généralement associés à une progression du syndrome, sont les suivants :

  • Faiblesse de la main ;
  • Perte de la motricité fine ;
  • Maladresse ;
  • Atrophie (perte de masse musculaire) de la musculature du pouce.

 

Prise en charge 

La première étape consiste à déterminer les facteurs de stress mécanique sur le nerf médian et à les modifier dès que possible. Pour cela, faire affaire avec un ergothérapeute en milieu de travail peut être avantageux. Il faudra : 

  • permettre le repos des mouvements répétitifs du poignet ou, au minimum, réduire le temps d’exposition à ces mouvements ;
  • ajuster l’ergonomie du poste de travail pour minimiser les compressions ;
  • utiliser un coussinet de gel sous les poignets, un accessoire fort utile pour les travailleurs de bureau. 
  • se servir d’une souris ergonomique (maintenant très abordable), qui offre l’avantage d’une position neutre. Même si cela prend un jour ou deux à s’y habituer, c’est un changement très salutaire à moyen et à long terme. Cette souris ne génère aucune pression sur le tunnel carpien tout en diminuant le travail des muscles extenseurs du poignet (ce qui peut être lié au problème d’épicondylite). 

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Idéalement, il faudra aussi s’intéresser aux facteurs systémiques, en encourageant par exemple l’activité physique aérobique (20 minutes de marche au minimum tous les jours) ainsi qu’une saine alimentation plus faible en calories pour favoriser s’il y a lieu la perte de poids. 

Une orthèse convenablement ajustée qui sera portée durant la nuit permettra de réduire les mouvements contraignants du poignet pendant le sommeil et ainsi d’atténuer les engourdissements nocturnes.  

Les médicaments de types glucocorticoïdes, oraux ou sous forme d’injection peuvent également être utilisés dans les cas plus avancés. Certains suppléments peuvent aussi être considérés.

La thérapie manuelle et les exercices sont-ils efficaces contre ce syndrome ?

En un mot : oui ! Une recherche publiée en août 2020 s’est intéressée aux effets à long terme des exercices et de la thérapie manuelle sur une population de femmes ayant souffert du syndrome du tunnel carpien. Ainsi, après une période de quatre ans, les femmes ayant opté pour des sessions de thérapie manuelle (seulement trois) qui incluaient des manœuvres de désensibilisation du système nerveux et réalisant des exercices à la maison ont obtenu d’aussi bons résultats que celles qui avaient opté pour une chirurgie. Il n’y avait donc pas de différence significative entre les deux groupes quant aux niveaux de douleur rapportés et à la capacité fonctionnelle de leurs mains. La thérapie manuelle incluant des mouvements de désensibilisation nerveuse est virtuellement sans risque et semble donc avoir une place de choix dans la prise en charge de ce syndrome. Il est possible de réaliser plusieurs exercices de désensibilisation nerveuse à la maison. 

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Exercice neurodynamique pour le nerf médian

Voici un exemple d’exercice bénéfique pour le syndrome du tunnel carpien. Rappelez-vous que pendant l’exécution, l’exercice ne devrait jamais créer de symptômes douloureux ou déplaisants. N’hésitez pas à prendre rendez-vous avec un professionnel du domaine musculosquelettique, pour obtenir de plus amples informations.

  1. Pour le poignet droit : placer la main gauche sur l’épaule droite afin d’éviter de hausser l’épaule droite. 
  2. Placer le bras droit à hauteur d’épaule, en abduction, paume tournée vers le plafond.
  3. Diriger doucement le poignet et les doigts vers le plancher (extension du poignet et des doigts). Une sensation d’étirement devrait être ressentie dans la main, le poignet ou l’avant-bras droit. Éviter un mouvement trop ample ou trop rapide. La manœuvre doit être agréable.
  4. Rapprocher l’oreille droite de l’épaule droite. Ceci atténuera la sensation d’étirement. Maintenir la position pendant 2 secondes. 
  5. Diriger ensuite le poignet et les doigts vers le plafond tout en inclinant la tête vers l’épaule gauche. Maintenir la position pendant 2 secondes. 
  6. Répéter les étapes 4 et 5 pour un total de 10 à 15 répétitions. Prendre une petite pause d’une trentaine de secondes et réaliser une deuxième série.
  7. Faire cet exercice, ou un autre mouvement semblable, 2 fois par jour.  

 

Intervention chirurgicale

La procédure devrait être réservée aux cas dont l’examen de conduction nerveuse par un neurologue montre une dégénérescence axonale significative, lorsque les méthodes de thérapie manuelle ou d’exercices et la médication n’ont pas permis d’améliorer la situation sur une période de quelques mois. 

L’intervention consiste en la section du ligament transverse du carpe afin de libérer de l’espace pour le nerf médian. Cette opération de chirurgie mineure peut être réalisée par endoscopie ou non. La période de récupération post-chirurgie prend en général de trois à quatre mois (retour au travail généralement possible après six à huit semaines), et il s’écoule parfois un an avant que la force de la main ne revienne complètement. 

 

RÉFÉRENCES : 

Fernandez-de-las-Penas et coll. Physical Therapy, Août 2020

Sevy et coll, StatPearls, NCBI Bookshelf, Janvier 2020. 

 

 1. César Fernández-de-las-Peñas et coll., 2020.

2. Husney, Adam, MD Carpal Tunnel Syndrome : What to Expect at Home, https://myhealth.alberta.ca/Health/aftercareinformation/pages/conditions.aspx?hwid=ug3907