Publié le 20 novembre 2017
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie, D.O.
On appelle « syndrome sacro-iliaque » un ensemble de symptômes douloureux et variables, dont la cause peut être attribuée à une irritation ou à un dysfonctionnement d’une ou des articulations du bassin.
La plupart du temps, la principale zone de malaise se trouve à la jonction entre la fesse et le bas du dos, mais elle peut aussi se retrouver au niveau des hanches, des genoux, de l’aine ou du pied. La douleur est souvent lancinante, mais elle peut parfois être très intense lors d’un mouvement. Des irradiations semblables à une irritation du nerf sciatique sont parfois ressenties. Selon certaines recherches, cet état pourrait même influencer le rythme du cycle de vidange de la vessie (besoin d’uriner plus fréquemment). Les symptômes sont généralement exacerbés par le maintien d’une même position (assis ou debout) pendant une période prolongée ou lors de l’activité physique.
ANATOMIE DE L’ARTICULATION SACRO-ILIAQUE
Les vertèbres de notre colonne vertébrale reposent sur un socle osseux d’aspect triangulaire nommé « sacrum ». Cet important os formé de la fusion de cinq vertèbres et se terminant par le coccyx est comme une clé de voûte placée entre les deux os innominés du bassin, l’un à gauche, l’autre à droite. Les os innominés sont issus de l’ossification des ilions, des ischions et du pubis. Ils offrent ensemble une cavité pour la tête du fémur, l’os principal de la cuisse. Lorsque vous placez les mains sur les hanches, elles se trouvent vis-à-vis des os iliaques. Le point de jonction entre le sacrum et l’os iliaque de chaque côté est appelé « articulation sacro-iliaque ». Si vous suivez les crêtes des os iliaques en descendant vers l’arrière de votre dos, vous pourrez même toucher à deux petites bosses, situées juste un peu plus haut et vers l’extérieur que la raie fessière. Ces reliefs osseux se nomment « épines iliaques postéro-supérieures ». Les épines sont situées tout près de la jonction de l’os iliaque avec le sacrum : l’articulation sacro-iliaque.
On sait que les articulations sacro-iliaques contiennent des terminaisons nerveuses sensibles à la douleur et présentes en grande quantité. Ces récepteurs proviennent du rameau postérieur des segments vertébraux des racines allant de la deuxième lombaire à la troisième vertèbre du sacrum (L2-S3).Puisque ce rameau innerve un grand territoire cutané, cela peut expliquer que les patients dont l’articulation sacro-iliaque est en état d’inflammation puissent ressentir des malaises sur une zone très étendue, allant de la région lombaire jusqu’au pied en passant par l’aine.
Une atteinte du ligament sacro-tubéral, un stabilisateur important de l’articulation sacro-iliaque, est même connue pour produire des symptômes très semblables à ceux qu’on pourrait expérimenter lorsque l’on souffre de fasciite plantaire !
DE PETITS, MAIS IMPORTANTS MOUVEMENTS
Les articulations sacro-iliaques agissent comme un important carrefour de dissipation et de retransmission des forces qui affectent notre squelette. En effet, la force de la gravité, ou encore celle qui est produite en réaction à un contact de notre pied au sol lors de la marche, est absorbée ou reconvertie en énergie de mouvement selon nos besoins grâce à un mécanisme sophistiqué impliquant les articulations du bassin.
La communauté scientifique a longtemps cru que les articulations sacro-iliaques étaient parfaitement dénuées de tout mouvement. On sait maintenant que de faibles, mais importants mouvements de rotation et de translation de l’ordre de 2 à 4 millimètres s’y produisent (certaines sources mentionnent une amplitude plus grande).
Ces mouvements s’exécutent surtout en réaction à ceux de la hanche (marcher, courir, monter les escaliers) ou de la région lombaire (se pencher, se redresser). Ils aident à transférer les forces vers les articulations voisines pour mieux les dissiper ou les utiliser. Ils sont contrôlés et limités en grande partie par les nombreux ligaments qui stabilisent le bassin. L’articulation sacro-iliaque peut être source de malaise si ses mouvements deviennent exagérés (on parle alors d’instabilité) ou, au contraire, s’ils sont trop limités, voire bloqués, entraînant le corps à compenser le mouvement par une surutilisation des articulations adjacentes. De nombreux auteurs ont d’ailleurs suggéré que l’incidence de troubles dégénératifs de la colonne vertébrale lombaire (usure discale ou des articulations entre les vertèbres) augmentait en cas de dysfonctionnement chronique des articulations sacro-iliaques. L’inverse semble également vrai : les recherches ont également pu mettre en évidence que des patients ayant subi une intervention chirurgicale de fusion lombaire présentaient fréquemment des symptômes associés à une articulation sacro-iliaque hyper mobile. Dans 75 % des cas, l’arthrose de l’articulation sacro-iliaque était accélérée et nettement visible cinq ans après l’opération.
DYSFONCTIONS SACRO-ILIAQUES
Une articulation sacro-iliaque est dysfonctionnelle au sens ostéopathique lorsqu’on la soupçonne d’être la cause des malaises lors des mouvements actifs ou passifs d’un individu. L’ostéopathe base son hypothèse sur une combinaison de tests de provocation. Ces derniers entraîneront de la douleur dans l’interligne sacro-iliaque lorsqu’il y a lésion de l’articulation. Il réalisera aussi des tests de mouvements et palpera les tissus mous à la recherche de zone douloureuse. L’origine de la dysfonction peut provenir de toutes les structures permettant un fonctionnement harmonieux des articulations du bassin : muscles, tendons, ligaments, articulations voisines, etc. Elle peut être d’origine traumatique – une chute, par exemple. En tombant, il pourrait y avoir un sur étirement rapide d’une structure ligamentaire, apportant de l’inflammation. Ou bien un muscle pourrait entrer dans un spasme de protection. Ce spasme nuira ensuite au mouvement harmonieux des articulations sacro-iliaques. D’ailleurs, un muscle fessier important, appelé « piriforme », liant le sacrum à la hanche, est reconnu comme ayant son propre syndrome. Le syndrome du piriforme apporte des symptômes très semblables à une irritation du nerf sciatique : douleur postérieure à la fesse et à la cuisse, engourdissement, faiblesse.
Dans de nombreux cas, la dysfonction sacro-iliaque se développe plutôt de manière lente, insidieuse, sans élément déclencheur distinct. On sait, par exemple, que le grand fessier, en raison de son attache sur un ligament important du bassin, doit être apte à se contracter de manière efficace lors de la marche pour bien verrouiller l’articulation sacro-iliaque. Un mode de vie sédentaire incluant de longues périodes passées en position assise contribue à inhiber et à affaiblir les grands fessiers, ce qui pourrait causer, à la longue, un problème d’instabilité sacro-iliaque. La réalisation d’exercices de renforcement sera alors envisagée ici pour corriger la problématique.
D’autres facteurs peuvent altérer la biomécanique des articulations sacro-iliaques et prédisposer ces dernières à une répartition moins efficace des forces et à une usure précoce. Celles-ci incluent les hormones présentes lors de la grossesse, la présence d’une scoliose de la colonne vertébrale, le port de chaussures usées ou inadéquates et une arthrose importante à la hanche. Une inégalité dans la longueur des membres inférieurs est un autre facteur de risque probable. Par exemple, le fémur ou le tibia peuvent être anatomiquement plus longs du côté droit que du côté gauche. La cause de cette différence peut être héréditaire, traumatique ou idiopathique (sans cause connue). Par exemple, lors d’une fracture subie en bas âge, la croissance de l’os brisé est parfois accélérée en guérissant, ce qui pourrait amener un tibia ou un fémur à croître plus rapidement d’un côté que de l’autre.
Par ailleurs, les recherches radiologiques ont montré que plus de la moitié des gens présenteraient une différence dans la longueur de leurs membres inférieurs d’au moins 5 millimètres. Il semblerait donc qu’il soit plutôt « normal » d’avoir des jambes dont la longueur est quelque peu inégale. Même s’il n’y a pas de lien de cause à effet direct entre, d’une part, présenter une inégalité de longueur dans les membres inférieurs et, d’autre part, souffrir de syndrome sacro-iliaque, les experts admettent en général que la dysfonction sacro-iliaque a plus de chance de devenir douloureuse et incommodante si l’asymétrie est importante et si la personne est très active physiquement. Lorsqu’on la soupçonne de contribuer au syndrome sacro-iliaque, une véritable différence de longueur dans les membres inférieurs est d’abord objectivée par scanographie (radiographie), puis corrigée par le port d’une petite talonnette dans le soulier du côté de la jambe courte.
PRENDRE LA SITUATION EN MAIN
L’approche par rapport au syndrome variera selon la durée et la sévérité des symptômes. Pour les phases de douleur passagère de moins de deux semaines, le médecin recommandera en général du repos, une alternance d’application de compresses chaudes et froides et la prise d’antalgiques ou d’anti-inflammatoires. La thérapie manuelle (ostéopathie, physiothérapie, chiropractie, kinésithérapie) ou la thérapie par le mouvement (étirements, mobilisations) peuvent être d’un grand secours, surtout si le problème est récurrent. Finalement, pour les cas très sévères, l’injection d’une solution anesthésique par le médecin dans l’articulation ou encore dans un ligament irrité est souvent très efficace pour apporter un soulagement.
RÉFÉRENCES
GIBBONS, John. Functional anatomy of the PELVIS and the sacroiliac joint, North Atlantic Books, 2017.
SLIPMAN, C. W., et collab. « Sacroiliac joint pain referral zone », Physical Medical Rehabilitation, mars 2000, vol. 81, no 3, p. 334-338.