Publié le 12 septembre 2023
Écrit par Nicolas Blanchette, D. O., B. Sc. kinésiologie
« Syndrome sacro-iliaque » est le nom donné à une plainte de douleur persistante (qui continue depuis plus de trois mois) qui implique la région du bas du dos et possiblement de la fesse et/ou de l’aine. Il s’agit d’un trouble dont la définition ne fait pas consensus parmi la communauté scientifique. Toutefois, il est admis que les différentes douleurs et répercussions qu’elles entraînent ne peuvent être expliquées par des examens médicaux de la colonne vertébrale ou de la hanche. En outre, sa prévalence parmi la population serait plus rare que les radiculopathies et autres problèmes liés à la colonne vertébrale.
Toute forme de douleur persistante est multifactorielle par nature. C’est donc dire qu’il n’existe pas une cause unique contribuant à l’expérience de la douleur vécue, mais bien plusieurs facteurs qui entraînent des répercussions les uns sur les autres et influencent les symptômes et leur impactsur la personne qui souffre. Ainsi les patients montrent-ils de meilleurs pronostics de réhabilitation lorsque des interventions sont entreprises concernant à la fois les éléments physiques, psychoémotionnels et sociaux.
Anatomie
L’articulation sacro-iliaque fait partie du bassin, le complexe articulaire principal du membre inférieur, aussi appelé « ceinture pelvienne ». Comme son nom l’indique, l’articulation est à la jonction de l’os appelé « sacrum » et de celui appelé « iliaque ». Puisque le bassin est composé d’un sacrum et de deux os iliaques dans lesquels s’emboîtent les hanches (l’articulation coxo-fémorale), il y a donc une articulation sacro-iliaque gauche et une droite.
Ces articulations sont renforcées par de nombreux ligaments, ce qui leur confère beaucoup de robustesse, mais diminue leur potentiel de mobilité (la nature étant bien faite, les articulations adjacentes, celles des hanches, jouent ce rôle de permettre une grande mobilité pour les membres inférieurs). Les articulations sacro-iliaques sont richement innervées. Par ailleurs, il a été expérimentalement démontré que lorsque les nerfs avoisinant l’articulation sacro-iliaque sont irrités, ils produisent une réponse douloureuse pouvant être à la fois locale (directement dans l’articulation) et éloignée du site d’irritation, au niveau de l’aine ou de la fesse, par exemple (Kurosawa et coll., 2015).
Évaluation
Quand soupçonner la présence d’un syndrome sacro-iliaque ? En premier lieu, si les examens médicaux de la colonne vertébrale et de la hanche ne montrent rien de particulier !
Ensuite, il faut enquêter sur le mécanisme de blessure et les signes et symptômes rapportés par le patient. Des experts ayant étudié la question (Visser et coll., 2022) recommandent de porter une attention particulière aux éléments suivants :
De plus, lorsque le patient est capable d’identifier du doigt une zone douloureuse précise à plusieurs reprises tout près d’un repère anatomique appelé « épine iliaque postérosupérieure », il y aurait davantage de possibilités de faire face à ce syndrome (Laslett, 2005 et Peterson, 2004).
Ce test simple serait davantage valable lorsque combiné aux épreuves appelées « tests provocatifs de Laslett ». Il s’agit d’un examen manuel composé de quatre tests, dont au moins deux sur quatre doivent être positifs et reproduire la douleur du patient (Laslett et coll., 2005). Selon de récentes recherches, si ces tests sont négatifs, il serait possible d’éliminer avec une certitude de 92 % l’implication de l’articulation sacro-iliaque du problème du patient (Sauressig et coll., 2021). Finalement, en cas de doute, la meilleure preuve d’une implication de l’articulation sacro-iliaque demeure la suppression des symptômes après un bloc nerveux sacro-iliaque par fluoroscopie guidée (Simopoulos et coll., 2012).
Mon bassin est-il déplacé ?
Comme nous l’avons exposé d’entrée de jeu, plusieurs facteurs physiques, psychoémotionnels et sociaux peuvent contribuer au phénomène de la douleur persistante. Mais rassurez-vous, le fameux « bassin déplacé » n’est pas l’un d’entre eux !
C’est toutefois un mythe fortement ancré dans la pensée populaire. En réalité, c’est une association erronée. J’explique :
Pas si vite. C’est une explication simple qui satisfait notre cortex, mais la réalité montre un portrait beaucoup plus complexe. Le corps humain, souvent comparé à une machine, fonctionne en réalité de manière très différente et beaucoup plus sophistiquée !
Même s’il est certes bien démontré que la thérapie manuelle puisse aider à atténuer la douleur (raison pour laquelle plusieurs personnes consultent régulièrement !), son action implique plusieurs mécanismes complexes de nature tissulaire, neurophysiologique et psychosociale (Fryers, 2017). Par ailleurs, les articulations sacro-iliaques représentent l’une des articulations les plus stables et les plus solides du corps humain : elles ne se « subluxent » tout simplement pas avec des mouvements de la vie quotidienne et même des accidents comme une chute (Bates et O’Sullivan, 2015). Certains chirurgiens orthopédiques travaillant auprès des accidentés sévères de la route mentionnent qu’ils doivent parfois opérer des gens tellement mal en point que pratiquement tous leurs os sont fracturés, présentant également de multiples luxations articulaires. Pourtant, les articulations sacro-iliaques, elles, demeurent parfaitement en place !
Les évidences scientifiques sont fortes, sur ce point : les déplacements intra-articulaires sacro-iliaques ne se produisent tout simplement pas, et les manipulations sacro-iliaques ne permettent pas non plus de les remettre en place (Tullberg, 1998).
Il est certes tout à fait possible d’adopter une posture antalgique lorsqu’on a mal. Tout comme il est possible de ressentir que notre corps n’est pas tout à fait « comme d’habitude » lorsque l’on souffre ; les influx de douleur se rendant jusqu’à notre cerveau brouillent notre proprioception, soit la perception de notre corps dans l’espace (Wand et coll., 2011). Mais ce n’est pas parce que notre bassin est déplacé pour autant ! Qui plus est, concevoir que notre bassin se déplacerait ainsi et aurait besoin d’être replacé pour se sentir mieux contribue à créer des problèmes : ceux, par exemple, de penser que notre corps est fragile (perte de confiance en soi) ou encore que nous avons absolument besoin d’un intervenant externe pour nous aider chaque fois qu’on a mal (perte d’auto-efficacité, dépendance thérapeutique). Paradoxalement, ces croyances peuvent contribuer à ancrer la douleur persistante de manière plus importante.
Alors, si mon bassin n’est pas déplacé, que puis-je faire ?
Plusieurs pistes de solution s’offrent à vous pour vous aider à progressivement vaincre la douleur persistante. Il est important de miser principalement sur des solutions actives (A dans l’énumération ci-dessous). Ce sont des outils dans lesquels vous devez vous impliquer plutôt que simplement recevoir un traitement (interventions passives ou P). Par exemple : l’exercice physique, la modification des habitudes de vie ou la thérapie cognitivo-comportementale représentent des options actives.
En conclusion
Le syndrome sacro-iliaque représente un trouble persistant de la région du bassin qui ne fait pas consensus auprès des experts, mais dans lequel la colonne vertébrale et la hanche ne sont pas en cause. Comme toute douleur persistante musculosquelettique, la personne qui en souffre peut agir sur des éléments physiques, psychoémotionnels et sociaux pour aider à améliorer son état. Quoi qu’il en soit, votre bassin n’est pas déplacé ! La solution est entre vos mains : il existe une panoplie d’outils pour améliorer votre état. Les meilleurs résultats sont souvent obtenus en combinant les approches et en visant une progression graduelle à moyen ou à long terme.