L’entorse de la cheville : guérir et prévenir les récidives, un pas à la fois

Publié le 1 juin 2024
Écrit par Nicolas Blanchette, D. O., B. Sc. kinésiologie

L’entorse de la cheville : guérir et prévenir les récidives, un pas à la fois
Bio Strath September

L’entorse de la cheville, communément appelée « foulure », est une blessure très commune. Elle touche tout le monde : même si c’est la blessure sportive la plus fréquente, la plupart des gens, athlètes ou pas, qui liront ce texte en auront probablement déjà vécu un épisode au cours de leur vie ! Bien que, la plupart du temps, on en récupère assez rapidement, l’entorse de la cheville sévère peut causer des problèmes qui s’échelonneront à plus long terme, tels que de la douleur persistante, des raideurs, de l’œdème et des difficultés à la marche.

De plus, les risques de récidive pour cette blessure sont élevés et toucheraient jusqu’à 80 % des gens (Herzog et coll., 2020). À la lumière de ces informations, il devient donc important d’optimiser sa récupération en mettant de l’avant un plan d’attaque pour aider les symptômes à s’estomper le plus vite possible tout en optimisant la stabilité de la cheville. Ultimement, on voudra tenter de diminuer les chances de revivre plusieurs épisodes d’entorse à cause d’une cheville qui serait demeurée un peu instable. Pour cela, les exercices jouent un rôle primordial.

 

Anatomie d’une entorse

La cheville est une articulation formée par deux os de la jambe, le tibia et la fibula (péroné), qui, à la manière d’une pince, enserre l’astragale (talus), un os du pied. On appelle « malléoles » les proéminences osseuses distales du tibia (malléoles médiales ou internes) et de la fibula (malléoles latérales ou externes). Ce sont les bosses sur le côté de la cheville qui sont facilement palpables.

Cette articulation peut surtout produire des mouvements de type « de haut en bas », comme lorsque l’on marche sur la pointe des pieds ou encore sur les talons, par exemple. Elle accompagne également, avec les autres articulations du pied, des mouvements de type « de gauche à droite », qu’on appelle « inversion » (supination) et « éversion » (pronation). De façon simple, l’inversion amène le pied du côté du gros orteil, tandis que l’éversion l’entraîne vers le petit orteil.

L’entorse de la cheville, alors que l’on perd l’équilibre, se produit la très vaste majorité du temps dans un mouvement de flexion plantaire et d’inversion. En effet, puisqu’elle permet, par nature, davantage de mobilité, la partie latérale de la cheville est plus vulnérable. Lorsqu’on se « renverse » la cheville, le mouvement ample et brusque qui est produit vient imposer un stress aux quatre ligaments situés du côté de la malléole externe. C’est d’ailleurs le principal site de sensibilité et d’enflure après la blessure.

Dépendamment de la sévérité de la blessure, certains ligaments pourraient se déchirer partiellement ou complètement. Une entorse peut être gradée selon trois niveaux. Le grade 1 implique quelques dommages aux fibres ligamentaires, sans déchirure. Le grade 2 indique des déchirures partielles (généralement avec un hématome visible, qui, par gravité, descend souvent vers la partie extérieure du pied). Le grade 3, quant à lui, implique des déchirures complètes de certains ligaments. De l’enflure (œdème) et de la douleur accompagnent habituellement chacun de ces stades. Plus le grade d’entorse est important, plus la cheville semblera instable et plus la locomotion sera ardue.

 

En premier lieu : éliminer les risques de fracture

La principale complication en lien avec cette blessure, c’est qu’elle peut parfois s’accompagner d’une fracture. Cet événement demeure relativement rare, se produisant dans moins de 15 % des entorses sévères (Yilmaz et coll., 2021). Une incapacité à marcher plus de quatre pas est un signe qui doit mener à un examen plus approfondi de la blessure. Il pourrait également y avoir présence de douleur très aiguë et localisée à la palpation de certains os de la cheville (malléoles) ou du pied (Stiell et coll., 1992). Si vous soupçonnez la présence d’une fracture, il est important de vous rendre à l’hôpital pour un examen radiologique. Si une fracture est effectivement détectée, la cheville devra alors être immobilisée dans un plâtre ou une botte pendant entre 6 et 12 semaines pour permettre la consolidation osseuse. Une réadaptation par des exercices graduels sera l’étape suivante.

 

Se rétablir, pas à pas

La plupart des entorses de la cheville guériront dans une période variant entre 4 et 16 semaines, selon la sévérité de la blessure. Vous pourrez généralement commencer des exercices légers pour votre cheville assez rapidement. Ceux-ci permettront d’apporter du sang et des nutriments au site de blessure afin de favoriser une guérison plus rapide et de meilleure qualité. Toutefois, lorsque l’entorse est plus sévère, avec beaucoup d’œdème et un hématome visible, une période de repos initial de trois à sept jours, où vous voudrez d’abord limiter la charge sur l’articulation pour laisser les principaux symptômes se calmer, est d’abord conseillée.

Parallèlement à la réalisation des exercices, différentes stratégies peuvent être employées pour réduire la douleur et l’enflure : surélever la cheville, utiliser un bandage compressif ou une orthèse souple compressive, appliquer de la glace, ou prendre des anti-inflammatoires et des analgésiques, par exemple.

 

Exercices : première étape

La première étape consiste à réduire la douleur tout en améliorant graduellement la mobilité de la cheville. Il est conseillé de procéder lentement, en améliorant d’abord les mouvements de flexion et d’extension avant les mouvements sur le côté (éversion et inversion), ces derniers étant plus exigeants pour les ligaments blessés. Assurez-vous que chaque exercice ne cause pas davantage qu’une douleur très légère (moins de 3 sur 10). Contrôlez l’amplitude et la vitesse du mouvement. Vous pourrez augmenter ces paramètres à mesure que la douleur de votre cheville se réduira.

Comme il s’agit d’exercices générant relativement peu de fatigue, il est recommandé de les réaliser une ou deux fois par jour. Il est possible de passer à la prochaine étape quand il n’y  a plus de douleur au repos et qu’elle est minimale lors de la réalisation des exercices. Pour une entorse légère, cette phase peut être aussi brève que quelques jours.

Mobilisation de la cheville en flexion-extension : 3 séries de 15-20 répétitions

 

Étirement en dorsiflexion de la cheville : 3 répétitions de 30-60 secondes

 

 

Exercices : deuxième étape

L’étape suivante consiste à inclure des exercices de renforcement pour les mouvements latéraux de la cheville. On souhaitera renforcer les muscles qui contrôlent les mouvements d’éversion et d’inversion, afin que ces derniers soient forts et endurants. Ils pourront transférer ces capacités aux mouvements quotidiens ou sportifs, pour aider à stabiliser la cheville adéquatement et prévenir une éventuelle récidive. C’est aussi à cette étape qu’on commence à réaliser quelques mouvements en appui sur une jambe dans le but d’améliorer la proprioception (sens du positionnement dans l’espace) de la cheville.

Il est recommandé d’exécuter ces exercices trois ou quatre fois par semaine (ou une séance tous les deux ou trois jours). Lorsque tous les exercices sont réalisables avec uniquement de la douleur légère, on passe généralement à l’étape suivante.

Mobilisation de la cheville avec bande de résistance élastique : en inversion (vers le gros orteil) : 3 séries de 15 répétitions (attacher un élastique contre un objet fixe).

 

Mobilisation de la cheville avec bande de résistance élastique : en éversion (vers le petit orteil) : 3 séries de 15 répétitions

 

Flexion plantaire : 3 séries de 10-15 répétitions

 

Descente de marche contrôlée : 3 séries de 10-15 répétitions. Peut se faire facilement dans un escalier. Ne déposez pas votre poids complètement au sol et faites l’extension du genou pour revenir au point de départ. La cheville qui sera sollicitée est celle qui demeure sur la marche la plus haute.

 

 

Exercices : troisième étape

La dernière étape de la réadaptation consiste à incorporer des mouvements plus globaux et également plus difficiles. Ceux-ci permettront de continuer à accroître la force et l’endurance des muscles de la cheville tout en améliorant l’équilibre et la proprioception. Un accent est mis sur le contrôle du mouvement. Si vous êtes un athlète, c’est à cette étape qu’on commence aussi à intégrer graduellement des mouvements qui ressemblent davantage à des gestes sportifs (sauts, pivots, changements de direction, etc.)

Flexion plantaire sur une jambe : 3 séries de 10-15 répétitions

 

Marche sur la pointe des pieds : 3 séries de 15-20 pas

Marche sur les talons : 3 séries de 15-20 pas

Flexion sur une jambe : 3 séries de 10-15 répétitions : contrôlez le mouvement pour maintenir votre genou aligné avec le bout de votre pied.

À cette étape, les exercices seront réalisés deux ou trois fois par semaine. Ils peuvent être utilisés au besoin pour maintenir les acquis une fois la réadaptation complétée.

Consulter un professionnel pour un meilleur suivi est souvent une bonne solution.

 

RÉFÉRENCES :

Lam KC, Snyder Valier AR, Valovich McLeod TC. Injury and treatment characteristics of sport-specific injuries sustained in interscholastic athletics: a report from the athletic training practice-based research network. Sports Health. 2015 Jan;7(1):67-74

Walters, Tom & Glen Cordoza, Rehab Science, Victory Belt Publishing, 2023