Les bouleaux pionniers et panacées nordiques

Publié le 20 juin 2017
Écrit par Anny SCHNEIDER, Auteure et herboriste-thérapeute accréditée

Les bouleaux pionniers et panacées nordiques
Expo manger santé Quebec

Dans tout l’hémisphère Nord, le bouleau est l’espoir, le bonheur et la panacée de tous les habitants, riches et pauvres, grands et petits, seigneurs et serfs.

Toutes les maladies de peau, les boutons, dartres et couperoses lui résistent rarement. C’est un précieux remède dans les affections rhumatismales, dans les reliquats de goutte, dans les embarras de la VESSIE, et dans une foule de maux chroniques contre lesquels la science médicale est si sujette à échouer. Dr Pierre François Percy, chirurgien des troupes de Napoléon

Cette année, les membres de la Guilde des herboristes du Québec ont élu comme plante, ou plutôt comme arbre vedette de l’année, le bouleau, lui-même décliné en trois variétés utilitaires présentes dans la province.

 

Portraits brefs des trois espèces les plus répandues au Québec :

Noms botaniques : Betula papyrifera (bouleau blanc), Betula alleghaniensis ou lutea (bouleau jaune) et Betula populifolia (bouleau gris), qui sont tous issus de la grande famille des bétulacées.

Il en existe cinquante variétés au monde, dont dix sont indigènes au Québec.

Noms communs : arbre de la sagesse, biole, boulard, bouleau à canot, bouleau à papier, sceptre des maîtres d’école.

Noms anglais : canoe birch, silver birch, spoolwood.

 

Riches usages historiques du bouleau blanc (Betula  papyrifera)

Le bouleau est un arbre vénéré de tous les peuples nordiques depuis des temps immémoriaux, car c’est un arbre pionnier repoussant en premier dans les friches coupées, mais qui date de 30 millions d’années.

Il est toujours célébré comme un des « piliers du monde » dans un rituel complexe d’initiation des jeunes shamans sibériens. Chez les Vikings, le bouleau était dédié à Thor, le dieu du tonnerre, et dans plusieurs pays nordiques persiste la coutume de suspendre des branches de bouleau près des habitations et de l’étable pour les préserver de la foudre et du malheur.

Il est le premier arbre du calendrier celtique, et « betu » signifiait arbre, ou « beorgan », refuge ou toit, en évocation de ses fonctions de tuiles. Une autre source dit que son nom vient du sanskrit « bhurga » signifiant écritoire. « Bhirg », en indo-européen, devint « Birke » en allemand et « birch » en anglais, dérivés de l’ancien saxon « birk» ou «birce » signifiant blanc ou lumineux.

Anciennement dédiée à Birchta la blanche, déesse de la lumière et de la sagesse slave, la Sainte- Brigitte est célébrée le 1er février, version chrétienne de l’ancienne Chandeleur, fête des chandelles, pour célébrer la victoire sur les ténèbres de l’hiver et prélude au carnaval.

Les anciens Slaves disaient que les bouleaux étaient habités par des « lechys », esprits des arbres qui malmenaient ceux qui leur nuisaient, mais qui guérissaient ceux qui les vénéraient et les guidaient la nuit, grâce à leur écorce et leurs champignons phosphorescents dans l’obscurité.

Ils en faisaient des balais, manches et branches compris, des tonneaux, des ustensiles et même des tissus. Les Scandinaves préparaient des feux ardents avec les tisons rapportés dans les saunas et, après sudation, ils se fouettaient le corps avec les fines branches. Avec la sève fermentée, ils fabriquaient du vin ou de la bière, réservés aux occasions festives.

Pour les Autochtones d’Amérique, qui l’appelaient aussi « l’arbre de lumière », il fut et reste tout aussi sacré et indispensable dans les multiples usages du quotidien. Ils utilisent son écorce pour allumer des feux, même sous la pluie, comme récipient et ustensiles de cuisine, comme éventail, torche ou parchemin, pour couvrir les tipis, fabriquer les canots, les berceaux, les porte-bébés, et même les cercueils. C’était aussi leur parchemin, pour y faire des dessins ou envoyer des messages. Une forme d’artisanat innu consistait à imprimer de façon géométrique des pictogrammes marqués avec les dents des artisans sur l’écorce externe de bouleau blanc.

La métisse raconte qu’une kokum innue de la Côte-Nord utilisait un bâton de bouleau où était gravé d’un côté le soleil, et de l’autre, la lune. Avec celui-ci, le geste accompagné d’une prière, elle touchait la partie malade pour y envoyer de la lumière et faciliter la guérison.

Les bouleaux d’ici sont souvent les hôtes d’un polypore similaire à l’amadou, le briquet de nos ancêtres, qui servait à transporter le feu et aussi à soigner les excroissances indésirables.

L’auteur, herboriste et botaniste italien du XVIe siècle, Pierre-André Matthiole, nommait le bouleau « l’arbre néphrétique de l’Europe », à cause de ses formidables vertus diurétiques.

De nos jours encore, les Russes fabriquent de la nastoïka (teinture mère) avec les bourgeons de bouleau dans la vodka et font du charbon végétal avec l’écorce calcinée réduite en poudre pour soigner les ballonnements et les empoisonnements alimentaires. Pulvérisée, elle servait même de base pour la poudre à canon, et on en a même fait un gaz asphyxiant !

Le goudron extrait de la sève carbonisée servait à traiter les parasites, les maladies de peau et les pellicules. C’est aussi la fragrance fondamentale du fameux Cuir de Russie, note de fond des après-rasages.

Les Allemands en font un jus pur pressé à froid aux effets anti-inflammatoires reconnus depuis un demi-siècle.

Les Japonais et les Polonais commercialisent toujours la sève de bouleau, qu’on trouve sous diverses formes, même congelée, et désormais accessible certifiée biologique au Québec, suivant ainsi la tendance des superaliments-remèdes, les nutraceutiques. Une compagnie suisse fait de ses feuilles une huile anticellulite très renommée.

On prélève l’eau de bouleau par incision, environ un mois après la coulée de l’érable. De petits producteurs en font un sirop très foncé, mais il faut entre 130 et 140 litres de sève pour en faire un seul litre de sirop, soit quatre fois plus que pour le ratio eau et sirop d’érable, ce qui explique son prix élevé. On en tire également du xylitol, un sucre ni calorifique ni hyperglycémiant.

 

Le bouleau jaune (Betula alleghaniensis ou Betula lutea) est l’arbre-emblème de la Province de Québec. Il est très convoité pour sa polyvalence en construction, mais les bouleaux jaunes centenaires ont hélas presque disparus, transformés à 80 % en planches exportées aux États-Unis.

Il fut appelé à tort merisier par les premiers colons, car les jeunes troncs ressemblaient à une variété européenne aux petites cerises acides. Le salicylate de méthyle très aromatique tiré de sa sève ou de ses bourgeons en fait un déodorant très employé dans les bonbons (menthes roses), gommes à mâcher et pommades anti-inflammatoires.

C’est surtout sur lui qu’on trouve le chaga (Inonotus obliquus), si bien connu des anciens comme des nouveaux herboristes.

 

Composition biochimique (du bouleau blanc surtout, le plus analysé) :

Sève : sucres de type polyols, dont le xylitol; hétérosides : bétuloside, monotropitoside libérant du salicylate de méthyle; calcium; potassium; sodium.

Feuilles : acide bétulabique ; flavonoïdes dont la lutéoline et la quercétine ; chlorophylle ; minéraux ; polyols ; vitamines A, C, E; saponines; fibres.

Écorce : résine à huile essentielle riche en triterpènes : bétulabine, bétuline, lutéol, salicylate de méthyle ; minéraux : potassium, calcium, phosphore, tanins.

Bourgeons et chatons : hormones prohypophysaires.

 

PROPRIÉTÉS MÉDICINALES

Anti-inflammatoire, antiseptique, antifongique, cholérétique, cicatrisant, dépuratif sanguin et lymphatique, diurétique, fébrifuge, lithotritique, nutritif, reminéralisant et tonique.

 

MULTIPLES USAGES DU BOULEAU

L’écorce est prélevée à la fin de l’automne et en hiver ; la sève, tôt au printemps (une lune après l’érable); les bourgeons puis les chatons, au début du printemps.

En gemmothérapie, on préconise l’utilisation des bourgeons de la variété Betula verrucosa chez l’enfant, contre les troubles de la calcification lors de la croissance, et chez l’adulte, ceux de la variété Betula pubescens, contre l’ostéoporose et même la sénilité précoce due à l’athérosclérose cérébrale.

Ses luisantes feuilles triangulaires, cueillies au début de l’été, peuvent se prendre en décoction, à raison d’une cuillère à soupe de feuilles par tasse d’eau, bouillies durant cinq minutes. On les conseille en cure diurétique de dix à quinze jours, contre l’arthrite, la cellulite et la rétention d’eau. Il est conseillé d’ajouter un gramme de bicarbonate de soude par tasse de décoction, pour rendre assimilables les saponines des feuilles, sinon de la prêle ou de l’ortie, très alcalines (voir recette ci-après).

Le goudron de bouleau, extrait de l’écorce du bouleau jaune, se trouve chez les détaillants d’huiles essentielles et s’avère utile, dilué à 10 ou 20 % dans l’huile ou l’alcool, contre les maladies de la peau ou du cuir chevelu chroniques ou dues à des parasites. Il fut aussi employé contre la cellulite et les douleurs musculaires et rhumatismales en enveloppements locaux.

L’écorce, qui se donne en se détachant d’elle-même chez les sujets adultes, peut se faire bouillir (10grammes par tasse d’eau) et s’appliquer en lotion ou rinçage sur la peau ou le cuir chevelu, contre les démangeaisons, les suppurations et les pellicules. Elle peut même être découpée selon la taille du pied et servir de semelle antisudorifique !

 

DÉCOCTION COMME DRAINEUR LYMPHATIQUE DE MÈRE NATURE

Pour un litre d’eau pure :

  • une petite poignée de jeunes feuilles fraîches de bouleau (une des variétés poussant le plus près de chez vous);
  • cinq tiges de prêle de printemps ;
  • cinq plants de jeune menthe aquatique.

Faites frémir pendant cinq minutes ce mélange, laissez infuser une dizaine de minutes, et buvez chaud ou refroidi, en apéritif diurétique.

Ajoutez-y, au goût, un peu de sirop d’érable ou, mieux, de bouleau !

Une courte cure d’une quinzaine de jours d’affilée est bénéfique pour les reins et les articulations, contre la cellulite, et peut aussi s’appliquer localement en cataplasme ou s’ajouter au bain.

 

L’élixir de fleur de bouleau atténuerait notre côté égocentrique.

Ses mots-clés sont : altruisme, empathie et partage.

Aucun doute, sous tous ses aspects, un bouleau de ce genre représente un allié bienvenu dans nos vies à tous !

 

RÉFÉRENCES

GRIEVES, Mrs Maud. A Modern Herbal, New York, Dorset Press, 1992, 912 pages.

KUN-NIPIU FALARDEAU, Isabelle. Usages autochtones des plantes médicinales du Québec – Les Arbres, [s. l.], Éditions la Métisse, 2016, 393 pages.

GRAY, Beverly. The Boreal Herbal Agriculture, Ottawa (Canada), 2011, 440 pages.

SCHNEIDER, Anny, Arbres et arbustes thérapeutiques, Montréal, Éditions de l’Homme, 2002, 382 pages.

SCHNEIDER, Anny, Je me soigne avec les plantes sauvages [révisé et réédité], Montréal (Québec), Éditions de l’Homme, 2011, 302 pages.

On célèbrera la fête du bouleau un peu partout au Québec entre le 27 mai et le solstice d’été.

Pour obtenir plus de renseignements :www.guildedesherboristes.org