Les céphalées, ce n’est pas juste dans votre tête

Publié le 20 mai 2017
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie, D.O.

Les céphalées, ce n’est pas juste dans votre tête

Céphalée : c’est le nom que l’on donne aux épisodes passagers, mais souvent fort désagréables, de maux de tête communs.

 

Encore aujourd’hui, on attribue fréquemment les céphalées banales et chroniques à des causes uniquement psychiques. Même s’il est vrai que des épisodes d’anxiété ou de déprime déclenchent parfois des céphalées, omettre l’influence de l’intégrité du corps physique dans cette problématique serait une grave erreur. Peut-on réellement, de toute façon, séparer à 100 % notre corps physique et nos pensées psychoémotives ? Évidemment, c’est impossible, puisque nos émotions influencent notre corps physique tout autant que l’intégrité de notre corps physique influence nos états mentaux. Mais je m’égare…

En 1993, une étude québécoise menée par le Quebec Headache Study et publiée dans la revue scientifique Headache a donné son approbation à un facteur physique quant au phénomène des céphalées. Selon leurs recherches (et selon les preuves anecdotiques de milliers de thérapeutes manuels dans le monde), il semblerait qu’il y ait bel et bien des manifestations dans notre corps physique qui pourraient, lorsque soumises à un facteur psychique (stress, anxiété, dépression) déclencher des maux de tête. La jonction entre la tête et le cou semble particulièrement importante dans l’apparition (et la disparition) des gênantes céphalées. D’ailleurs, selon les travaux du docteur Maigne, un rhumatologue français, des facteurs cervicaux pourraient être retrouvés dans plus de 80 % des cas de céphalées communes !

 

REPÉRER LES SIGNES PHYSIQUES DES CÉPHALÉES D’ORIGINE CERVICALE 

Les céphalées qui impliquent une composante physique partagent des signes distinctifs. Elles sont d’abord unilatérales, c’est-à-dire que les symptômes ressentis par le patient se situent sur un seul côté de la tête. Avec le temps, les symptômes peuvent se produire sur les deux côtés, mais cela prend habituellement plusieurs mois, voire des années. Ensuite, la palpation des vertèbres cervicales près de la tête, à l’arrière, est souvent désagréable en comparaison avec la palpation des autres vertèbres (du haut du dos, par exemple). De plus, les muscles sous-occipitaux, localisés à la base de la tête à sa jonction avec le cou, sont fréquemment très sensibles à la pression, souvent d’un côté de la tête nettement plus que de l’autre. Finalement, la peau de la tête et du visage à certains endroits est manifestement plus sensible, et son pincement ou son frottement sera plus désagréable du côté des symptômes de la céphalée que de l’autre.

Ce qu’il y a de commode pour déceler les origines physiques d’un patient souffrant de céphalée, c’est que ces signes sont habituellement présents en tout temps, même en dehors des épisodes de maux de tête. Encore mieux, ces signes s’atténuent et disparaissent à mesure que la cause physique des céphalées est traitée. Il y a de quoi redonner espoir aux gens qui souffrent fréquemment de maux de tête.

 

DIFFÉRENTES FORMES DE CÉPHALÉES D’ORIGINE CERVICALE

On retrouve trois formes de céphalées pour lesquelles on peut retracer les éléments physiques qui entretiennent le problème. Elles se différencient par la région de la tête et du visage où le patient ressent des symptômes. La forme susorbitaire est la plus fréquente, associée à près de 70 % de toutes les céphalées communes. Dans cette forme, le patient rapporte de la douleur localisée autour du sourcil, parfois jumelée avec une douleur derrière le crâne, ou encore il aura l’impression que la douleur vient de derrière le globe oculaire.

Avec cette forme, lorsqu’on pince la peau du sourcil entre le pouce et l’index et qu’on la roule doucement, la manœuvre sera nettement plus douloureuse du côté où apparaît habituellement la céphalée que de l’autre. On attribue ce « signe du sourcil », découvert par le rhumatologue français Robert Maigne, à une hypersensibilisation de la branche ophtalmique du nerf trijumeau, un nerf sensitif important dans le visage. En effet, le noyau sensitif du nerf trijumeau a la particularité d’être en étroit rapport avec les premières vertèbres cervicales. Lorsque la musculature avoisinant les premières cervicales est perturbée (en état spastique, par exemple), il est tout à fait plausible qu’un impact perceptible se produise sur ce territoire du nerf trijumeau.

Les autres formes de céphalées sont la forme occipitale et la forme occipito-temporo-maxillaire. Dans la forme occipitale, qui constitue environ 20 % des cas, les symptômes désagréables du patient sont ressentis derrière la tête. Le cuir chevelu d’un côté, même en dehors des épisodes de maux de tête, est souvent sensible à la friction du bout des doigts en comparaison avec l’autre côté. Dans sa forme la plus aiguë, ce type de céphalée se nomme « névralgie d’Arnold », et celle-ci peut avoir d’autres causes. Cependant, la forme chronique est beaucoup plus fréquente et facile à traiter. Finalement, la forme occipito-temporo-maxilaire se caractérise par des douleurs ressenties derrière l’oreille, voire dans l’angle de la mâchoire. C’est la moins fréquente, représentant seulement de5à 10% des cas.

Mentionnons aussi que plus d’une forme de céphalée peut malheureusement cohabiter chez un même sujet.

Grâce aux travaux des médecins Travell et Simons, on sait depuis longtemps en thérapie manuelle que, lorsqu’on retrouve des points gâchettes (zones hypersensibles à la pression) dans deux muscles importants du cou, les sterno-cléido-mastoïdiens (muscles situés à l’avant du cou) et les trapèzes (muscles situés à l’arrière), la conséquence peut être l’apparition de maux de tête. Or, ces deux muscles fort importants reçoivent une partie de leur innervation des racines nerveuses des premières vertèbres cervicales. Il est logique de penser que, lorsque les premières vertèbres cervicales sont perturbées dans leur fonctionnement, ces muscles développeront des points gâchettes.

 

TRAITEMENT DES CÉPHALÉES D’ORIGINE CERVICALE

Après avoir trouvé les signes cervicaux chez le patient, un thérapeute manuel expérimenté peut procéder au traitement. Les techniques employées dans la réalisation de ce dernier peuvent varier selon la profession, mais elles atteignent souvent un résultat similaire et se concentrent sur la base de la tête et la région cervicale haute, voire la mâchoire. Parmi ces techniques, mentionnons : les massages, les étirements doux, les manipulations vertébrales dans les directions non douloureuses (par un chiropraticien, un physiothérapeute formé ou un médecin), l’infiltration articulaire (par un médecin) et les mobilisations.

 

PRÉVENIR LA RÉCURRENCE

Il faut à tout prix déterminer les différentes mauvaises habitudes qui peuvent entretenir un problème de la colonne cervicale. On pense, entre autres, à l’ergonomie des stations de travail : écran trop bas, absence d’appui-bras, maintien du combiné entre l’épaule et l’oreille, heures prolongées sans pause, etc. De plus, le fait de dormir sur le ventre est souvent très nocif à long terme pour la colonne cervicale, la plaçant dans une rotation extrême pendant plusieurs heures.

Finalement, l’articulation de la mâchoire partage des rapports étroits avec les premiers segments de la colonne cervicale et ses muscles. Il est particulièrement important de s’assurer que l’occlusion dentaire est convenable avec un dentiste, c’est-à-dire que les dents à l’arrière de la bouche s’emboîtent bien ensemble lors de la fermeture de la mâchoire. L’un des signes insidieux les plus fréquents d’une occlusion déficiente est l’apparition d’épisodes de maux de tête ou de maux de cou.

 

CONCLUSION

Même si les céphalées communes ont souvent une cause physique banale, il arrive (rarement, heureusement) que les épisodes de céphalées soient précurseurs d’un problème plus grave. Lorsqu’un doute subsiste, que les céphalées sont particulièrement violentes et inhabituelles ou qu’elles ne répondent pas aux traitements de thérapie manuelle, il ne faut pas hésiter à prendre rendez-vous avec son médecin pour réaliser d’autres examens.

 

RÉFÉRENCE

MELOCHE, Jacques, et coll. « Painful intervertebral dysfunction {…} headache of cervical origine », Headache, 1993.