Publié le 25 janvier 2021
Écrit par Anny Schneider, auteure, conférencière et herboriste-thérapeute accréditée
Par la puissance de leurs essences,
Ils se dressent et croissent encore,
Dans la lumière hivernale blanche et glacée,
Fiers et verts face à l’horizon monochrome.
Anny Schneider
Gratitude pour nos trésors végétaux du Nord
Les peuples nordiques d’autrefois n’avaient aucunement accès aux agrumes et aux autres sources de vitamines hydrosolubles, hormis le pemmican et les pâtes de petits fruits séchés de l’été.
On sait que l’être humain n’a qu’environ deux mois de réserve de vitamine C et de ses cofacteurs dans son organisme. Mais, depuis trois siècles, grâce à certaines observations des premiers médecins et guérisseurs avisés, et aussi de constatations lors des longs voyages en mer, on sait que les lactofermentations et le citron, par exemple, sont nécessaires pour éviter ce syndrome mortel qu’est le scorbut.
Petit rappel du fait que c’est Domagaya, un guérisseur iroquois, qui a sauvé Jacques Cartier et son équipage du scorbut, grâce à des décoctions de rameaux et d’aiguilles de l’annexa, alias le pin blanc.
Heureusement que nos grandes forêts de l’hémisphère Nord recèlent de ces trésors altiers que sont les conifères !
En Estrie, en Montérégie et dans les Appalaches, on retrouve encore de belles colonies de pruches. Dans la forêt mixte méridionale, jusqu’à la limite des sapinières, on retrouve encore quelques grandes colonies de pins blancs, les plus grands arbres au sud, toutes espèces confondues. Le thuya, notre cèdre nordique, recherche les forêts humides, mais ensoleillées, mais craint les plus grands froids. Plus haut, ce sera la sapinière à bouleau jaune, et plus au nord encore, celle à bouleau blanc. Dans la grande région subarctique, ce sera la grande pessière, ou forêt d’épinettes blanches et noires, à mousses puis à lichens, sans oublier les mélèzes, et parfois les pins gris.
La toundra recèle surtout de bouleaux nains et de plantes herbacées, pas moins précieux, mais héberge très peu de conifères.
Épinette blanche (Picea glauca) : elle peut vivre 200 ans et atteindre 25 mètres. Elle pousse naturellement dans toutes les forêts septentrionales du Canada. On la cultive intensivement pour la pâte à papier et le bois de construction, mais en monoculture, contre nature, elle est sujette à périr massivement à cause de la tordeuse de l’épinette. Sur le plan médicinal, les jeunes pousses du printemps font de bonnes tisanes ou des sirops pectoraux et légèrement laxatifs. La gomme d’épinette blanche, facile à détacher des troncs blessés, soulage les gencives enflammées et l’estomac trop acide. Ses racines servaient autrefois de cordes à lier.
Épinette noire (Picea mariana) : cet arbre est le conifère le plus répandu de la forêt boréale. Sa silhouette effilée se profile dans toutes les tourbières et les zones humides au sol acide. On peut la boire en décoction et en faire des teintures mères dans l’alcool. L’huile essentielle diluée dans l’huile végétale peut s’appliquer en massage sur les zones enflammées et autour des surrénales, pour augmenter l’énergie ainsi que pour stimuler les défenses immunitaires et diminuer les inconforts de la ménopause. En diffusion, elle assainit l’atmosphère autant que les poumons. Plus subtilement, elle favorise la diffusion de l’amour entre tous, en rétablissant l’harmonie énergétique collective. En ces temps de distanciation forcée, nous en avons bien besoin ! L’épinette symbolise le courage, la résilience et la faculté d’atteindre nos buts avec confiance, détermination et patience.
If du Canada (Taxus canadensis) : appelé également buis canadien, l’if ressemble beaucoup au sapin, on le surnomme d’ailleurs « sapin traînard ». Cependant, il faut faire très attention pour ne pas le confondre avec le sapin, car cet arbuste est rampant et ne dépasse jamais 2 mètres de haut. Il est aussi important de mentionner que l’if peut être mortel : 15 aiguilles peuvent vous tuer, 5 graines du fruit aussi. Les anciens en faisaient toutefois des décoctions pour des compresses ou des bains partiels analgésiques. En même temps, on en extrait désormais du taxol, un remède contre le cancer du sein et des ovaires. Il se fait rare, car plusieurs forêts du sud du Québec ont été vidées de leurs ifs, revendus à certains laboratoires sans scrupules.
Mélèze (Larix laricina) : cet arbre nordique des lieux humides est rare dans le sud, comme les tourbières, la plupart asséchées. Les anciens l’appelaient épinette rouge, et les indigènes, tamarack. Ils utilisaient sa décoction contre l’arthrite et les maladies de peau. Il est reconnu pour ses effets immunostimulants à cause de la haute teneur en arabinogalactane de son écorce et de ses aiguilles caduques, riches en huiles essentielles précieuses. L’élixir de mélèze fait avec ses jolies fleurs en rosettes roses aide à combattre nos complexes d’infériorité et redonne confiance en nos capacités endormies.
Pin blanc (Pinus strobus) : c’est l’arbre le plus grand de la forêt québécoise, pouvant aller jusqu’à 40 mètres de haut. Très connu et malheureusement victime de son succès, à cause de sa force et de sa solidité, surtout au XVIIIe siècle, il a été décimé pour son bois précieux. Exploité pour en faire des mâts de bateaux, il a également été utilisé pour faire le plancher du château de Versailles, son bois ayant un fini très lisse et noble.
La gomme de pin blanc sert à guérir les infections des gencives, de l’estomac, et les douleurs articulaires. On peut préparer ses rameaux aux cinq aiguilles en simple décoction rapide avec cinq grammes de rameaux et d’aiguilles par tasse, pour soutenir et aider le système respiratoire. Les aiguilles, en décoction, comme sa résine mâchée, soignent les bronchites et la toux (sirop Fortin). Le pin blanc a longtemps servi à y extraire de la térébenthine, aux multiples usages, d’ailleurs plus concentrée dans les pins et les sapins que dans les autres conifères.
Pin gris (Pinus banksiana) : il est plus répandu dans les forêts du nord-est du Québec. Ses aiguilles et son huile essentielle ont des effets immunomodulateurs, antifongiques et anti-inflammatoires.
Pin rouge (Pinus resinosa) : intensivement cultivé dans la région méridionale, mais sensible au chancre du pin et à la maladie du groseillier, il est souvent décimé dans les monocultures. On utilisait sa résine et les tanins pour imperméabiliser les canoës. Ses aiguilles bouillies aident à combattre les virus et, en bain complet ou partiel, soulagent les articulations douloureuses. Son huile essentielle diluée et appliquée de façon appropriée en massage, traite les maux de dos, et aide à rester réaliste et bien ancré dans la réalité.
Pruche (Tsuga canadensis) : c’est un superbe résineux du sud de la province, en forêt laurentienne. Il fut hélas presque éradiqué, car il a été utilisé durant des siècles pour le tannage des peaux. Ses aiguilles, en décoction ou en tisane, ont des effets calmants, relaxants et antiseptiques pulmonaires. Les vieilles pruches génèrent du Ganoderma tsugae, ou reishi canadien, un champignon médicinal agissant comme tonique glandulaire et régénérant hépatique. La décoction de ses aiguilles et de ses rameaux, même cueillis en plein hiver, avec soin et reconnaissance, calme les nerfs, diminue la pression artérielle et assainit toutes les muqueuses, digestives autant que respiratoires.
Sapin baumier (Abies balsamea) : la gomme de sapin est également un remède utilisé depuis toujours par les Premières Nations. Il suffit de percer une vésicule dans l’écorce, idéalement avec un gommeur, ou picoué, pour extraire cette gomme-résine exportée dans le monde entier. Les Autochtones l’utilisaient comme pansement, d’où son nom de « diachylon indien », car elle est antiseptique en plus de cautériser et d’arrêter le sang. Le sapin baumier soigne aussi les poumons : il soulage l’asthme et diminue les problèmes intestinaux, de la constipation aux parasites, parfois même en lavement. On trouve sa gomme en capsules dans la plupart des magasins naturels et les pharmacies. La gomme-résine de sapin est exportée et reconnue dans le monde entier pour ses propriétés pectorales, cicatrisantes et même antitumorales, d’ailleurs à l’étude à l’Université Laval. S’il a été cultivé sans pesticides, votre sapin de Noël pourra encore être utilisé en ce début d’année en décoction, sinon dilué dans un bain. Aussi, ce sont les jeunes pousses printanières terminales qui sont les plus intéressantes à boire en tisane ou à transformer en gelée, en miel aromatique ou en sirop contre la toux.
Thuya (Thuja occidentalis) : le thuya est appelé à tort cèdre, parce que son bois a un grain semblable au cèdre du Liban (Cedrus libani), qui n’est pas du tout la même chose. Le Thuja occidentalis est vraiment un arbre typique du Québec.
En plus de se trouver dans les forêts humides avec des spécimens majestueux pouvant atteindre de 15 à 20 mètres de haut, le thuya occidental reste le préféré des haies bordant les maisons québécoises. Il a longtemps servi de poteau de clôture, de bois pour les bardeaux, et a même servi à faire des garde-robes ou des coffres imputrescibles. C’est un bois durable et hydrofuge qu’on met dans les saunas, par exemple. Sur le plan médicinal, on fait des décoctions à partir des jeunes pousses du printemps, pour nettoyer le foie et le sang. Il faut l’utiliser en cure brève et à petites doses, pas plus d’une cuillère à thé par tasse, car il s’agit d’un draineur très puissant qui contient de la thuyone, pouvant provoquer des convulsions et de l’épilepsie, si on en abuse. Le thuya sert également de fongicide, sous forme d’onguents, contre les champignons des ongles ou les maladies de peau. On utilise surtout l’huile essentielle de thuya pure ou incorporée à de l’huile ou à des gras saturés en usage externe. On peut aussi l’utiliser comme encens : faire sécher ses rameaux et les faire brûler pour nettoyer les mauvaises énergies dans une maison. Le cèdre est également employé dans les rites mortuaires, ainsi que dans les cercueils de luxe.
La forêt nordique, même au cœur de l’hiver, est un immense musée vibrant et vivant, généreux de ses innombrables dons, leçons et vertus.
À nous de l’étudier plus attentivement et, surtout, de la préserver pour nos petits-enfants et les leurs !
RÉFÉRENCES bibliographiques et Web
Farrar John Saint-Laurent Les arbres du Canada Québec, Fides 1995, 502 p.
Hutchens. Rama A native herdbook of Native American Plants et Indian Herbology of North America, Shambala Boston 1992, 256 pages.
Falardeau, Isabelle Kun-Nipiu Les arbres Éditions la Métisse Les arbres 2016, 393 pages
Foster, Steven and Duke, James Field guide to Medicinal Plants and herbs Peterson Field guide 2014, 456 pages
Schneider Anny Plantes Médicinales Indigènes du Québec et du Sud-est du Canada Éditions de L’Homme Montréal 2020, 265 pages
Web infos : www.herbier.ulaval.ca ou herbnet.com