Publié le 15 septembre 2018
Écrit par Gabriel Parent-Leblanc. B. Sc., M. Env.
Il existe de nombreuses vidéos-chocs sur Internet démontrant les effets pervers des déchets plastiques qui se retrouvent à la mer… Vous avez peut-être vu une tortue de mer à l’agonie pendant que des pêcheurs essaient de lui retirer une paille coincée dans la narine ou encore un plongeur amateur filmant une plongée dans laquelle on ne voit rien sauf des tas et des tas d’ordures plastiques…
Sans oublier les vidéos présentant les plages d’une île déserte dans le Pacifique où personne n’y habite, mais qui est tout de même entièrement recouverte de déchets plastiques… Enfin bref, le but ici n’est pas de lister toutes ces vidéos-chocs, mais seulement de vous rappeler l’impact de notre utilisation globalisée du plastique. Des études récentes démontrent que la problématique est encore pire que ce qu’on le croyait, car on ne parle plus seulement d’une pollution des écosystèmes marins, mais aussi d’une bombe à retardement pour notre santé.
Effectivement, la majorité des plastiques ne sont pas biodégradables. Ils ne font que se dégrader de plus en plus jusqu’à devenir des microparticules. Or, en considérant la quantité titanesque de plastique qui est produite, consommée et jetée, ces microparticules se retrouvent absolument partout. À preuve, des scientifiques en ont retrouvé dans des crustacés de la fosse des Mariannes, le point le plus profond de tous les océans !
Mais quel est le lien entre ces microparticules et notre santé ?
« Le plastique est devenu un cheval de Troie, capable de s’immiscer ni vu ni connu dans tous les écosystèmes et l’eau potable, charriant avec lui des plastifiants dangereux, comme les phtalates, et des additifs figurant sur la liste noire des perturbateurs endocriniens et des cancérigènes potentiels. Ces particules fines transforment les eaux douces et salées en “soupes chimiques”»(Paré, 2018a).
Actuellement, « l’équivalent d’une charge de camion à ordures rempli de plastique est déversé dans les océans chaque minute »
(Greenpeace, s.d.).
Il est donc aisé de constater que notre dépendance au plastique est littéralement en train de nous empoisonner… Et pas seulement nous, mais bien l’ensemble du règne animal !
Que faire devant ce constat ? Après tout, le plastique est présent partout autour de nous, particulièrement dans les produits alimentaires que nous consommons… En fait, parce que nous sommes des citoyens d’un pays développé consommant énormément de matières de toutes sortes, la réponse simple à cette question est « plus que vous pouvez le penser » !
Voici donc un portrait de la situation ainsi que des astuces pour diminuer votre propre consommation de plastique.
L’impact du plastique sur notre santé
Vous ne vous en rendez assurément pas compte, mais votre corps contient en ce moment même du plastique : « les composés louches de certains plastiques, notamment le bisphénol A (BPA) – jugé “reprotoxique” depuis 2017 par le Canada – circulent dans le sang ou les urines de 91 % des Canadiens de 6 à 79 ans »
(Paré, 2018b).
Pour l’instant, dès que vos aliments sont en contact avec du plastique, il n’y a pas grand-chose que vous pouvez faire pour vous protéger : « plus de 175 composants chimiques utilisés dans l’emballage alimentaire ont déjà été définis comme des cancérigènes ou mutagènes potentiels par l’industrie elle-même […] Contrairement aux aliments, aucun règlement n’oblige les fabricants de plastiques à afficher les produits contenus dans leurs emballages »
(Paré, 2018b).
Au niveau des microparticules de plastique présentes dans l’eau potable, trop peu d’études ont été effectuées pour quantifier l’étendue de leur impact : « [elles] peuvent traverser la paroi intestinale […] Ce qu’on ne sait pas, c’est si le corps parvient ou pas à les éliminer »
(Paré, 2018b).
Bref, on commence à peine à comprendre le danger que représente le plastique vis-à-vis de notre santé et les conclusions des quelques études récentes sont très inquiétantes…
Life in plastic, it’s fantastic!
Il est indéniable que le plastique est un produit pratique : il est malléable, résistant (trop ?), léger, économique, et bien plus encore. Ce n’est donc pas pour rien que cette matière est aussi utilisée ! En fait, la production de plastique a explosé depuis quelques décennies, s’étant multipliée par 20 ! Si cette croissance se poursuit, les experts estiment que la production sera appelée à doubler d’ici 20 ans et quadrupler d’ici 2050
(Paré, 2018a).
Évidemment, vu les problématiques introduites plus tôt, il est impératif de ne pas se rendre à ces projections.
Depuis les années 1950, environ 8,3 milliards de tonnes de plastique et de sous-produits du plastique ont été générées (Green peace, s.d.). Cette donnée est tellement massive qu’il est impossible pour notre cerveau de la quantifier sans comparatif, alors en voici un :
« Les voitures compactes diffèrent beaucoup dans leurs fonctions et design, si bien que leur poids varie également. Pour l’exemple, prenons un des modèles les plus populaires au Québec, la Mazda 3 Sport qui pèse 1303 kilogrammes dans son modèle de base »
(Bienve nue, 2017).
« Comme 1 tonne équivaut à 1000 kilogrammes, cette voiture pèse 1,3 tonnes. Vous avez bien en tête le poids et le volume d’une voiture compact ? La quantité de plastique générée jusqu’à maintenant équivaut à… 6,37 milliards de ces voitures ! À titre de référence, 4,67 millions de véhicules de promenade circulent au Québec et un peu plus d’un milliard à travers le monde »
(Caillou, 2017 et Garric, 2011).
Absolument massif…
De toute cette quantité inimaginable de plastique, seulement 9 % ont été recyclés et 12 % incinérés. Le reste, soit 79 % de cette masse – qui, je le rappelle, ne se biodégrade pas –, s’est retrouvé dans les dépotoirs ou pire, dans les milieux naturels. Pas étonnant, donc, de voir une pollution d’une telle ampleur…
Faire partie de la solution
Ces dernières données prouvent que de mettre au recyclage tout le plastique que l’on génère ne règle absolument pas le problème. Certains vont même jusqu’à affirmer que le bac vert favorise le statu quo et l’inaction : lorsqu’on se débarrasse de nos déchets plastiques et que le camion de la collecte sélective nous en dispose, nous avons l’impression d’avoir fait notre part. Ayant la conscience tranquille, nous avons l’impression que la problématique n’existe pas. Or, c’est en amont que l’on se doit d’agir, soit en réduisant sa consommation !
Toujours en restant réaliste, ce n’est pas demain matin non plus que vous et moi pourrons faire toutes nos courses sans générer d’emballages plastiques ! On fait quoi, alors ?
S’il y a une donnée positive dans les articles et rapports en référence, c’est que 42 % de tous les plastiques générés depuis 1950 (soit ~ 3,49 / 8,3 milliards de tonnes) ont été jetés après une seule utilisation (ce sont des plastiques appelés « à usage unique »). À première vue, c’est loin d’être positif, mais pensez-y deux secondes :
Avez-vous vraiment besoin d’une paille dans votre verre, au restaurant ?
Est-ce que l’utilisation de sacs réutilisables pour faire ses courses est éreintante ?
Pouvez-vous amener votre tasse réutilisable avec vous plutôt que d’utiliser des verres jetables dont le socle en plastique n’est même pas recyclable (plastique no 6) ?
Pensez à tous les plastiques que vous n’utilisez qu’une seule fois et qui se retrouvent aux poubelles… Comment pourriez-vous agir pour les éliminer ? Certains représenteront un immense défi, tandis que d’autres, comme ceux mentionnés en exemple plus haut, auront une solution de réutilisation très facilement applicable. Il s’agit de changer ses habitudes de consommation.
Malheureusement, il serait illusoire de penser que nos seules habitudes de consommation parviendront à changer la production massive de déchets plastiques. À titre d’exemple, « les compagnies de boissons produisent à elles seules 500 milliards de bouteilles en plastique à usage unique chaque année » (Greenpeace, s.d.). Pour qu’un réel changement s’implante, nous aurons également besoin de lois et de règlements pour encadrer l’industrie, qui utilise le plastique sans payer pour ses conséquences néfastes. Effective ment, dans le scénario actuel, la responsabilité de recycler le plastique est dans les mains des consommateurs, qui doivent participer aux collectes de récupération tout en les finançant en partie. Peu importe la matière choisie pour leurs contenants, les entreprises n’ont pas de contraintes sérieuses, si bien qu’elles y vont avec ce qu’il y a de plus rentable, soit le plastique.
Il serait donc plus que pertinent que tous les types de plastique se trouvent à être gérés via la responsabilité élargie des producteurs, qui est « une approche qui vise à transférer la responsabilité de la gestion des matières résiduelles engendrées par la consommation de divers produits aux entreprises qui sont à l’origine de leur mise en marché sur un territoire donné » (Ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, s.d.). Actuellement, au Québec, plusieurs produits sont gérés via cette approche (les produits électroniques, les batteries, les lampes au mercure, les peintures, les huiles et diverses matières s’y rattachant), et le modèle a fait ses preuves.
Finalement, si vous désirez vous impliquer dans la cause, Greenpeace a récemment publié un programme très intéressant qui s’intitule A Million Acts of Blue (traduction française : Libérons-nous du plastique !).
Vous pouvez signer leur manifeste à l’adresse suivante :
http://greenpeace.ca/plastique
Et en profiter pour télécharger une trousse d’actions citoyennes !
Le tout est entièrement traduit en français, très détaillé et est divisé en sept actions :
Bref, notre dépendance au plastique est en train de non seulement mettre en danger la faune et la flore des océans, mais aussi notre santé. Effectivement, comme mentionné au début, la majorité des plastiques que l’on utilise ne sont pas biodégradables, ils se dégradent en morceaux de plus en plus petits jusqu’à devenir des microparticules. Celles-ci sont si petites qu’elles s’insèrent dans notre alimentation et l’eau potable, si bien que nous sommes constamment en contact avec l’ensemble de ces produits toxiques et cancérigènes. Pour le moment, encore très peu est connu dans le domaine de la toxicologie du plastique sur l’être humain, mais une chose est certaine : si nous ne voulons pas nous empoisonner à petit feu, il vaudrait mieux diminuer notre consommation de plastique, et ce, rapidement ! De nombreuses actions citoyennes sont à recommander (voir le programme Libérons-nous du plastique ! de Greenpeace), mais le soutien de divers paliers gouvernementaux devra également se faire sentir, pour contraindre les compagnies qui abusent de ce matériel à bas prix… Que ferez-vous en premier pour limiter votre utilisation de plastique à usage unique ? Peu importe l’initiative, profitez-en également pour parler des raisons derrière vos gestes à vos proches !
Références
BIENVENUE, J. Toujours une valeur sûre, 2017. [En ligne] [http://www.journaldemontreal.com/2017/05/28/toujours-une-valeur-sure] (Page consultée le 5 juin 2018.)
CAILLOU, A. « Portrait de la voiture des Québécois », Le Devoir, 2017. [En ligne]
[https://www.ledevoir.com/societe/transports-urbanisme/511022/l-auto-quebecoisedecodee]
(Page consultée le 5 juin 2018.)
GARRIC, A. « Un milliard de voitures dans le monde,
la Chine fait la course en tête », Le Monde. [En ligne]
[http://ecologie.blog.lemonde.fr/2011/08/26/un-milliard-de-voitures-dans-le-monde-lachine-fait-la-course-en-tete/]
(Page consultée le 5 juin 2018.)
GREENPEACE (s.d.). Million acts of blue – Faits saillants et informations. [En ligne]
[https://docs.google.com/document/d/1deROnd4Sv17J6kiViEbYYUVOEtS88LA0QTqclxF6o]
(Page consultée le 5 juin 2018.)
MINISTÈRE DU DÉVELOPPEMENT DURABLE, DE L’ENVIRONNEMENT ET DE LA LUTTE
CONTRE LES CHANGEMENTS CLIMATIQUES (s.d.). Responsabilité élargie des producteurs
(REP) – Questions et réponses. [En ligne]
[http://www.mddelcc.gouv.qc.ca/matieres/reglement/recup-valor-entrepr/faq.htm]
(Page consultée le 5 juin 2018.)
PARÉ, I. « La planète plastique », Le Devoir, 2018. [En ligne]
[https://www.ledevoir.com/societe/environnement/525821/la-planete-plastique]
(Page consultée le 5 juin 2018.)
PARÉ, I. « Un colocataire suspect dans notre quotidien », Le Devoir, 2018. [En ligne]
[https://www.ledevoir.com/societe/environnement/525829/faut-il-s-inquieter-de-lusage-generalise-du-plastique-dans-l-alimentation]
(Page consultée le 5 juin 2018.)
RECYC-QUÉBEC. Bilan 2015 de la gestion des matières résiduelles du Québec, 2017.
[En ligne] [https://www.recycquebec.gouv.qc.ca/sites/default/files/documents/bilan-gmr-2015.pdf]
(Page consultée le 5 juin 2018.)