Publié le 16 février 2023
Écrit par Marik Péro, ND.A.
PARTIE 2 : FONCTION THYROÏDIENNE
Dans le dernier numéro de Vitalité Québec, j’ai présenté le premier d’une série d’articles sur les grands piliers de la fertilité, un sujet qui me passionne !
Les conditions nécessaires à la conception d’un bébé en santé et pour mener une grossesse à terme vont effectivement au-delà de l’axe hypothalamo-hypophyso-gonadique et des organes reproducteurs masculins et féminins auxquels on s’attarde généralement sans tenir compte des autres paramètres susceptibles de les influencer.
Le mois passé, on a vu le rôle central d’une fonction mitochondriale optimale dans la fertilité, tant masculine que féminine. Aujourd’hui, je vous invite à plonger au cœur d’un autre pilier fondamental à la reproduction : j’ai nommé la glande thyroïde !
Pilier no 2 : la fonction thyroïdienne
Dans mon dernier article, je vous expliquais que tous les piliers sont interreliés et s’influencent. C’est précisément ce que nous verrons dans ces pages, car si les mitochondries sont essentielles à la fertilité, elles ne fonctionnent pas par leur simple volonté. Les commandantes de la production d’énergie au niveau mitochondrial, ce ne sont nulle autre que les hormones thyroïdiennes (HT).
Pleins feux sur la thyroïde
La thyroïde est une glande en forme de papillon située dans le cou, sous le larynx et devant la trachée. Cette glande est la cheffe d’orchestre du métabolisme basal, c’est-à-dire qu’elle régule la production des hormones thyroïdiennes (HT) capables d’activer les fonctions de toutes les cellules du corps. Son rôle est de fabriquer la T4 (inactive, qui sera activée en périphérie comme dans le foie, par exemple) et la T3 (active), hormones constituées de deux acides aminés tyrosine et d’atomes d’iode (4 ou 3, respectivement).
Ces hormones sont les clés qui activent les fameuses… mitochondries ! Elles en augmentent le nombre et la grosseur, favorisant ainsi la consommation d’oxygène et de nutriments par les cellules en vue de produire davantage d’ATP (molécule énergétique utilisable par la cellule).
Comment l’hypothyroïdie affecte-t-elle notre fertilité ?
Comme vu largement dans mon dernier article, cette production mitochondriale d’énergie est indispensable pour la motilité des spermatozoïdes et l’intégrité des ovules, mais aussi pour soutenir le rythme effréné des divisions cellulaires embryonnaires et donc permettre une fécondation et une grossesse harmonieuses.
De plus, les HT sont essentielles pendant la grossesse pour la synthèse de myéline chez l’embryon, substance permettant la saine transmission des influx nerveux dans le cerveau. L’hypothyroïdie lors de la grossesse menace donc également le développement cérébral de l’enfant à naître. Lorsque non détectée ou non traitée, elle provoque une maladie appelée le « crétinisme », caractérisée par une déficience mentale et physique chez le bébé, souvent accompagnée d’un goitre.
On sait aussi que le corps priorise toujours les fonctions vitales assurant la survie de l’individu, devant les fonctions reproductrices visant la survie de l’espèce humaine. Si l’individu ne dispose pas des éléments nécessaires pour assurer son propre métabolisme de base et son énergie vitale, la nature intelligente de son corps sait pertinemment que ce n’est pas le moment pour lui de se reproduire et d’assurer la protection d’un autre être humain !
Il est donc tout à fait logique que l’hypothyroïdie entraîne des anomalies du cycle menstruel et augmente considérablement les risques de fausse couche, car de toute façon, les chances de mener à terme un bébé en bonne santé dans ces conditions métaboliques sont trop faibles.
Comment savoir si ma thyroïde est optimale ?
C’est grâce à l’axe thyréotrope (hypothalamo-hypophyso-thyroïdien) que la thyroïde est régulée. Quand l’hypothalamus détecte une baisse des HT dans le sang, elle sécrète la TRH qui stimule le relâchement de TSH par l’hypophyse. C’est cette TSH qui va se fixer aux récepteurs de la thyroïde, provoquant la synthèse et le relâchement des HT.
C’est donc généralement la TSH qui est mesurée dans les analyses sanguines pour évaluer la fonction thyroïdienne. Quand la TSH monte au-delà d’un certain seuil, cela est un signe que la thyroïde est en hypofonctionnement (car les T4 et T3 demeurent basses et donc la TSH censée demander à la thyroïde d’en produire est constamment sécrétée). La plupart des laboratoires biomédicaux et des médecins considèrent que la fonction thyroïdienne est normale quand la numération de la TSH est comprise entre 0,5 et 4,5 mUI/L.
En naturopathie, toutefois, j’aime bien voir la valeur de la TSH sous la barre des 2 mUI/L. J’ai souvent vu des clientes venir me rencontrer pour une infertilité inexpliquée et me partager des résultats d’analyses montrant une TSH à 3 ou 3,5 mUI/L, sans que leur médecin ait même commenté la chose. On travaille la thyroïde et hop… une belle surprise sur le test de grossesse quelques mois plus tard !
La plupart des symptômes de l’hypothyroïdie (hormis le goitre, s’il est présent) sont dits non spécifiques, c’est-à-dire qu’ils peuvent être retrouvés dans de nombreuses pathologies et ne permettent pas directement de s’orienter vers le trouble thyroïdien. On peut toutefois avoir la puce à l’oreille quand plusieurs signes de ralentissement métabolique font leur apparition :
La voix peut également devenir rauque et la gorge enrouée avant qu’apparaisse le goitre. Si vous cochez plusieurs de ces cases, il faut consulter ; si c’est déjà fait et que la TSH a été analysée, mais qu’on vous a dit que tout était beau, retournez voir le résultat de votre TSH. Était-il supérieur à 2 ?
Causes des troubles thyroïdiens
Les causes des désordres thyroïdiens sont très nombreuses et plusieurs d’entre elles seront définies dans mes prochains articles de cette série sur les piliers de la fertilité. Il sera notamment question d’équilibre immunitaire, de glycémie et de microbiote intestinal.
Mais ici, j’attire votre attention sur un point important. La production des HT se fait grâce à l’enzyme thyroperoxydase (TPO) qui génère un déchet normal, mais dangereux pour la thyroïde ; le peroxyde d’hydrogène (H2O2). Celui-ci est hautement radicalaire et doit être rapidement neutralisé par l’enzyme glutathion peroxydase (GSH) et la thiorédoxine réductase (toutes deux dépendantes de l’oligoélément sélénium). Quand ces enzymes ne sont pas présentes en quantités suffisantes (souvent par manque de sélénium), le H2O2 provoque des dommages aux tissus thyroïdiens.
Dans toute son intelligence, le système immunitaire développe alors des anticorps anti-TPO, car après tout, c’est bien elle la responsable de la production du dangereux H2O2…! Cela mène donc à la diminution de la production des HT, à la hausse de la TSH et possiblement à la formation d’un goitre, typiques de la maladie auto-immune de Hashimoto, associée à l’hypofertilité.
L’hyperoestrogénie (relative ou absolue) est également un facteur pouvant perturber l’axe thyréotrope. C’est logique ; les œstrogènes exercent un effet inhibiteur sur l’hypothalamus, puisque celui-ci commande aussi à l’hypophyse de produire la FSH, qui à son tour stimule la production ovarienne d’œstrogènes. Si ces derniers sont déjà hauts, l’hypothalamus freinera ses sécrétions… dont celle de TRH qui mène aux hormones thyroïdiennes !
À ce titre, les perturbateurs endocriniens doivent aussi être considérés, à commencer par la pilule contraceptive. Il ne suffit pas d’en arrêter la prise pour retrouver en un mois des taux œstrogéniques normaux. Il peut falloir des mois, voire des années pour une femme ayant fait usage de la pilule à long terme pour que le message inhibiteur des œstrogènes sur son hypothalamus prenne fin. Cette même logique s’applique à tous les xénœstrogènes environnementaux auxquels nous sommes exposés bien malgré nous.
Il est temps d’examiner les cosmétiques que l’on utilise, nos outils de cuisine, la qualité de l’eau consommée, etc. afin de minimiser l’impact des substances étrangères de notre environnement (xénobiotiques) sur la thyroïde.
Comment prendre soin de ma thyroïde ?
Bien entendu, il faudra d’abord et avant tout investiguer pour comprendre les causes profondes de cet hypofonctionnement de la thyroïde, et travailler à les enrayer.
Par exemple, on va s’assurer que la thyroïde a à sa disposition tous les nutriments nécessaires à son métabolisme et à la fabrication de ses hormones. La tyrosine et l’iode sont ses matériaux de construction de base. Rien ne fait du bien à la thyroïde comme un bon séjour à l’air iodé de la mer ! Le repos qui l’accompagne n’est pas de refus non plus, car surrénales et thyroïde travaillent main dans la main – le stress chronique est un facteur majeur d’affaiblissement thyroïdien.
L’iode étant un minéral classé parmi les halogènes, il importe de limiter la présence d’autres halogènes susceptibles de prendre sa place au niveau thyroïdien, tels le chlore, le fluor et le brome. Cela veut dire de préférer quotidiennement une eau filtrée ou de source plutôt que l’eau du robinet chlorée, d’éviter les piscines et spas au chlore ou au brome, et d’opter pour un dentifrice sans fluor, notamment.
Toutefois, s’il ne devait y avoir qu’un seul nutriment absolument essentiel à l’équilibre thyroïdien, ce serait sans contredit le sélénium. Ses fonctions dans la santé thyroïdienne sont nombreuses :
La bonne nouvelle ? Il se trouve en excellente quantité dans les délicieuses noix du Brésil ; seules quatre ou cinq noix suffisent quotidiennement pour apporter le sélénium nécessaire à l’organisme !
Plusieurs autres nutriments comme le zinc, le fer, les vitamines A, C, D et E ainsi que le magnésium sont requis pour harmoniser les fonctions thyroïdiennes.
Il suffit parfois d’intégrer des algues biologiques, des poissons et des fruits de mer à son alimentation pour aller chercher de l’iode, du zinc et du sélénium en plus de protéines fournissant la tyrosine.
Certaines plantes peuvent être de bonnes alliées, aussi. L’ashwagandha est une superbe plante adaptogène pour réguler l’axe thyréotrope tout autant que les surrénales et la fertilité. J’aime beaucoup travailler également avec le coleus forskohlii, une plante ayurvédique de la même famille que la menthe et l’ortie. Elle renferme la forskoline, une molécule qui a démontré sa capacité à augmenter la production d’hormones thyroïdiennes et à stimuler leur libération.
Et puisque tout a un effet sur tout, si la thyroïde favorise la fonction mitochondriale, l’inverse est aussi vrai : la thyroïde est donc redevable d’un bon travail sur la qualité et la quantité des mitochondries, comme vu dans mon article précédent.
Sur ce, je vous dis : même heure, même poste le mois prochain pour approfondir un autre pilier négligé de la fertilité !