Les grands piliers de la fertilité ; chercher les solutions autrement (Partie 3)

Publié le 16 février 2023
Écrit par Marik Péro, ND.A.

Les grands piliers de la fertilité ; chercher les solutions autrement (Partie 3)

PARTIE 3 : IMMUNITÉ

Poursuivons notre exploration des grands piliers de la fertilité, cette fois-ci en nous penchant sur les facteurs immunitaires qui peuvent interférer avec une fécondation et une grossesse optimale. Avez-vous lu mes autres articles de cette série depuis le début de l’année ? En janvier, nous avons abordé le rôle majeur de la santé mitochondriale sur divers paramètres de la fertilité (tant féminine que masculine), puis en février, nous avons plongé au cœur des hormones thyroïdiennes en relation avec les fonctions reproductives.

Aujourd’hui, nous nous penchons sur le facteur « immunité », qui peut être en jeu quand il y a un historique d’échecs d’implantation en procréation médicalement assistée (PMA), de grossesses biochimiques répétées (tests de grossesse positifs après une fécondation in vitro, mais interruption spontanée peu de temps après), de fausses-couches répétées ou d’infertilité inexpliquée. Les paramètres immunitaires sont parfois testés en clinique de fertilité, mais cela se fait généralement tardivement dans le processus, et s’y pencher dès le départ pourrait éviter de longues démarches invasives, mais aussi de grands deuils.

 

Pilier no 3 : la fonction immunitaire

Le rôle de l’immunité en contexte de fertilité est de plus en plus étudié et compris, quoiqu’il demeure à ce jour encore difficile d’évaluer cliniquement l’état immunitaire d’un couple en démarche de fertilité pour savoir si ce facteur contribue à leur faire obstacle.

Avant de plonger dans l’immunologie de la fertilité, il faut comprendre un peu les bases de ce système complexe et précis.

Le système immunitaire (SI) comprend trois grandes lignes de défense :

  • La peau et les muqueuses (digestives, respiratoires et uro-génitales) ainsi que leur microbiote respectif, qui empêchent physiquement l’entrée des agresseurs externes;
  • L’immunité innée : action immédiate sans spécificité particulière à un pathogène (ex. : phagocytes);
  • L’immunité adaptative : nécessite quelques jours à se développer, mais offre une réponse très spécifique vis-à-vis d’un antigène en particulier (ex. : lymphocytes B et T), et confère ensuite une mémoire relativement durable face à cet antigène précis.

Ces barrières sont en constante interrelation et interaction. L’une des fonctions les plus importantes de notre SI est de discriminer les composants du soi (protéines et structures issues de notre propre code génétique) et ceux du non-soi. Chacune de nos cellules immunitaires passe d’abord par différents « filtres » qui veilleront à les éliminer si elles sont autoréactives, c’est-à-dire si elles sont susceptibles de s’attaquer au soi.

 

Immunologie de la fertilité

La grossesse représente un défi particulier pour le SI, puisque celui-ci doit tolérer autour de l’ovulation le passage de petits visiteurs étrangers comme les spermatozoïdes, ou un locataire de longue durée comme un embryon, puis un fœtus présentant des antigènes différents du reste des tissus maternels. Il subira donc des modifications profondes de ses mécanismes de tolérance (surtout au niveau de l’interface fœto-maternelle, mais aussi au niveau systémique – immunosuppression partielle).

Toutefois, les réactions immunitaires ne sont pas que mauvaises en contexte de fertilité. Les processus inflammatoires sont essentiels, notamment pour la libération d’un ovule, de même que pour l’implantation d’un embryon. Le SI maternel est donc très finement régulé ; proinflammatoire entre l’ovulation et l’implantation, puis rapidement tolérogène pour tout le reste de la grossesse, sans pour autant être totalement inhibé… après tout, si un bébé doit être mené à terme, encore faut-il que maman soit protégée des infections microbiennes !

Elle le sera un peu moins toutefois, et c’est notamment pour cette raison qu’elle doit apprendre à vivre sans charcuteries, sushis, tartares, fromages au lait cru et autres délices potentiellement vecteurs d’infections.

 

Manifestations des déséquilibres immunitaires

Dans ma pratique, il n’est pas rare que je voie des couples en démarche de fertilité, dont l’un et/ou l’autre des partenaires souffre également d’une forme ou une autre de déséquilibre immunitaire.

Les réactions d’hyper immunité (maladies auto-immunes [MAI] et allergies) sont témoin d’une rupture dans les mécanismes de tolérance :

  • Les MAI font état d’une perte de tolérance à des antigènes du soi, susceptibles de se traduire par des changements relatifs aux capacités reproductives.

Cela est d’autant plus vrai si la MAI affecte des glandes ou des organes indispensables à la fertilité. Dans mon dernier article, j’aborde en détail l’importance de l’équilibre thyroïdien en lien avec les fonctions reproductives. Une thyroïdite de Hashimoto, par exemple, aura certainement des répercussions sur la capacité de concevoir un enfant, d’une part à cause du déséquilibre immunitaire qui le sous-tend, d’autre part à cause des nombreux paramètres hormonaux et reproducteurs touchés par la diminution des hormones thyroïdiennes actives.

On a également découvert chez les hommes une forme d’auto-immunité s’attaquant à divers composants des spermatozoïdes, les conduisant à s’agglutiner ou encore affectant leur mobilité. En tous les cas, ces affections les empêchent de traverser la glaire cervicale féminine. Les anticorps anti-spermatozoïdes peuvent même affecter l’embryon et son implantation dans l’endomètre de la femme !

  • Les allergies (saisonnières/environnementales ou alimentaires) démontrent une perte de tolérance à des antigènes externes normalement non immunogènes qui ont réussi à franchir le seuil de la première ligne de défense, et maintiennent le SI en état d’alerte. De plus, les allergies s’accompagnent de niveaux d’histamine élevés susceptibles d’affecter lourdement la qualité du sommeil. Bonne chance pour trouver le sommeil en mode allergie chronique! Pourtant, le sommeil de qualité est indispensable à la fertilité ; sa carence est un stress majeur pour l’organisme, qui « décide » tout simplement que le moment n’est pas propice à la reproduction !

Au contraire, les infections chroniques ou répétées (urinaires, vaginales, ORL, etc.) traduisent plutôt un affaissement général de la fonction immunitaire, une difficulté à réagir au non-soi. Elles constituent également un stress pour l’organisme ; ce dernier occupé ailleurs, la reproduction est relayée au second plan le temps de gérer ce qui menace la survie immédiate.

On peut aussi voir des situations d’inflammation chronique, silencieuse ou non, qui génèrent des boucles d’auto-inflammation sans fin et qui maintiennent l’organisme en état d’alerte. C’est le cas par exemple de mes clientes qui souffrent d’endométriose.

Aussi, comme détaillé dans mes articles de 2021 sur le rôle des mitochondries dans l’immunité, toutes ces activités immunitaires relarguent une abondance de radicaux libres dans l’organisme, pouvant engendrer des dommages oxydatifs importants aux gamètes, notamment.

 

Quelles solutions existent pour moduler le système immunitaire ?

Bien qu’il n’y ait pas encore de consensus médico-scientifique sur l’origine (sans contredit multifactorielle) de toutes ces affections impliquant l’immunité, un fait est bien connu : un environnement intestinal inadéquat leur déroule le tapis rouge :

  • Le microbiote intestinal est en constante communication avec les cellules de l’immunité; la dysbiose peut altérer cette communication ;
  • La dysbiose crée un environnement intestinal pro-inflammatoire, qui peut à son tour, engendrer l’hyperperméabilité intestinale et l’inflammation systémique;
  • L’hyperperméabilité intestinale est un état de la muqueuse qui ne permet plus de retenir les macromolécules dans la lumière intestinale;
  • Des substances qui n’auraient jamais dû franchir cette barrière (protéines partiellement digérées, particules microbiennes, etc.) se retrouvent dans le sang et font réagir le SI, qui les identifie à juste titre comme du non-soi, et des anticorps contre ces molécules sont formés;
  • Si la structure de ces molécules a le malheur de s’apparenter à certaines molécules du soi (ce qu’on appelle le « mimétisme moléculaire »), les anticorps créés contre elles pourront aussi s’attaquer à nos cellules/tissus présentant des molécules apparentées… Oups!?

C’est pourquoi restaurer l’équilibre du microbiote et de la muqueuse intestinale est généralement une première intention quand l’immunité est compromise.

On veillera également à assurer une alimentation riche en antioxydants (légumes colorés à volonté, curcuma, baies, etc.) afin de limiter les dommages oxydatifs de toute cette activité immunitaire.

On assurera les besoins du SI avec des nutriments de base comme la vitamine D, immunomodulante incontournable dont la vaste majorité des Québécois sont carencés au moins six à huit mois par année, voire à longueur d’année si les étés sont tout de même passés dans un bureau de travail. Le zinc revêt une importance majeure pour l’immunité (anti-inflammatoire, antiviral), mais aussi en fertilité, puisqu’il participe à l’équilibre hormonal.

La vitamine C est une grande antioxydante, antihistaminique et équilibrante immunitaire, impliquée dans la synthèse de collagène (et donc l’intégrité des muqueuses) et la fonction des gonades (ovaires et testicules). Je terminerai en mentionnant la vitamine E, antioxydante protectrice du thymus (impliqué dans les mécanismes d’autotolérance) et équilibrante des hormones sexuelles.

Soleil quotidien, aliments frais, locaux et variés répondent à ces besoins une bonne moitié de l’année… Le reste du temps, une supplémentation peut s’imposer.

Le reishi a toute sa place ici, car, en plus d’être immunomodulant comme la plupart des champignons thérapeutiques, il a également des propriétés antibactériennes, antivirales, antihistaminiques et antioxydantes. Ainsi, que le SI soit en hyperfonctionnement ou en déficience profonde, le reishi est un allié incontournable. Il a aussi des propriétés intéressantes pour réguler des aspects qui seront abordés dans mes prochains articles, comme l’équilibre de la glycémie et la santé du foie. Le reishi se présente un peu comme le roi de la fertilité !

L’astragale est aussi une grande amie du SI. Elle augmente la résistance aux infections microbiennes tout en régularisant les allergies et troubles auto-immuns. Si vous êtes frileux et que vous passez vos automnes/hivers le nez bouché avec une nouvelle infection ORL toutes les deux ou trois semaines, cette plante fantastique est pour vous !

Le noyer (Juglans regia) en gemmothérapie est un petit bijou également face aux déséquilibres immunitaires. Il agit sur l’équilibre du microbiote, ce qui génère des bienfaits profonds sur l’inflammation intestinale et systémique ainsi que sur l’intégrité des premières lignes de défense. C’est aussi un tonique incomparable du pancréas, tant au niveau de ses sécrétions endocrines (insuline, donc régulation de la glycémie) qu’exocrines (enzymes digestives, donc amélioration des troubles digestifs possiblement en cause dans la dysbiose… et les déséquilibres immunitaires !). Il est aussi très (très) anti-infectieux ; c’est un allié de taille contre les parasites intestinaux, infections à levures ou bactériennes chroniques…

 

Prenez grand soin de votre immunité en cette fin d’hiver… et restez à l’affût le mois prochain pour découvrir un autre pilier de la fertilité !