Les grands piliers de la fertilité ; chercher les solutions autrement (Partie 1)

Publié le 27 janvier 2023
Écrit par Marik Péro, ND.A.

Les grands piliers de la fertilité ; chercher les solutions autrement (Partie 1)
Now pour juillet

Quand on pense à la fertilité, on pense généralement au système reproducteur, comme s’il s’agissait d’une île, comme s’il n’était pas relié aux autres systèmes.

Chez les femmes qui peinent à tomber (ou rester) enceintes, on pense à l’axe hypothalamo-hypophyso-ovarien, on pense aux ovaires et à la qualité/quantité des ovules, aux trompes de Fallope, à l’utérus et son endomètre.

Chez les hommes, on pense à l’axe hypothalamo-hypophyso-testiculaire, à la qualité/quantité des spermatozoïdes, aux canaux et aux glandes annexes qui permettent de nourrir et de transporter les spermatozoïdes.

Ça se résume généralement pas mal à ça ; est-ce que les cellules reproductrices sont là en quantité et en qualité, et est-ce que les voies censées les conduire au bon endroit sont intègres…

Quand un couple peine encore à concevoir au bout d’un an d’essais (ou de 6 mois lorsque la femme est âgée de plus de 35 ans), il est soumis à une batterie de tests qui vérifient ces paramètres-là. Si tout est beau, on leur dit que leur infertilité est inexpliquée. Cela concerne environ 10 % des couples qui consultent en fertilité. En vérité, il y a certainement une explication quelque part ; on ne l’a simplement pas trouvée… !

Plusieurs autres systèmes et paramètres influencent la fertilité, tant chez l’homme que chez la femme, et ils sont rarement abordés en début de démarche, parfois pas du tout. Dans cet article et ceux des prochains mois, je vous présente donc six grands piliers, outre ceux typiquement abordés, affectant la fertilité des membres du couple, qui doivent être étudiés et améliorés au besoin pour favoriser leurs chances de tenir dans leurs bras un beau bébé à terme et en santé.

Dans celui-ci, nous verrons comment la fonction mitochondriale affecte la fertilité des femmes comme celle des hommes. Dans les prochains articles sera abordée l’importance de la fonction thyroïdienne, de l’équilibre immunitaire et glycémique, de la méthylation et de l’épigénétique ainsi que des fonctions hépatobiliaires en relation avec le microbiote et les paramètres digestifs. Tous ces piliers sont interreliés, et chacun d’eux est susceptible d’influencer les autres, positivement ou négativement.

 

Pilier no 1 : la fonction mitochondriale

Les mitochondries sont réputées pour leur rôle central dans la production d’énergie au niveau cellulaire. Puisque pratiquement toutes les cellules possèdent des mitochondries, il convient de dire qu’une fonction mitochondriale suboptimale puisse entraîner des répercussions multiples sur la santé. Une cellule qui perd la capacité de produire suffisamment d’énergie perd de facto la capacité d’accomplir adéquatement ses fonctions. L’infertilité, qu’elle soit d’origine féminine, masculine ou mixte, est un trouble qui ne fait pas exception à cette règle.

 

— Mito et fertilité féminine

Une des particularités des mitochondries est qu’elles possèdent leur propre génome (ADN mitochondrial ou ADNmt), et leur transmission est exclusivement maternelle (1). En effet, contrairement aux gènes (ADN nucléaire) qui sont transmis tant par le père que par la mère, les mitochondries sont exclusivement transmises par la mère. (2)

Chaque ovocyte comporte en moyenne 100 000 mitochondries (1) – c’est une quantité fort impressionnante, considérant que la majorité de nos autres cellules ne renferment « que » 300 à 2 000 mitochondries chacune. Les ovocytes sont littéralement les cellules les plus riches en mitochondries de l’organisme (2). Passer outre la fonction mitochondriale devant un cas d’infertilité féminine constitue une grave erreur !

Des quantités considérables d’énergie sont requises pour assurer le développement rapide d’un embryon. La fécondabilité d’un ovule dépend donc directement de sa richesse en mitochondries. Quand les mutations à l’ADNmt maternel sont trop nombreuses, cela altère la production d’énergie nécessaire non seulement à la maturation des follicules ovariens, mais aussi au développement de l’embryon s’il y a fécondation. Les dizaines de milliers de mitochondries trouvées initialement dans le zygote ne se dupliquent pas comme le fait l’ADN nucléaire au fil des divisions cellulaires. Plutôt, les mitochondries embryonnaires sont réparties dans les cellules-filles à chaque division cellulaire, jusqu’à atteindre environ 200 mitochondries par cellule. Quand trop de mitochondries sont défectueuses au sein d’une même cellule, cette dernière meurt, tout simplement.

Si ce phénomène est généralisé, toutefois, cela mène à l’arrêt de la grossesse (2). On a même constaté qu’en général, les ovocytes menant à des échecs en fécondation in vitro sont significativement moins riches en mitochondries que les ovocytes en présentant des taux normaux (1). Toute femme qui fait des fausses-couches précoces à répétition ou qui fait des grossesses biochimiques devrait investiguer cet aspect de sa santé pour mettre les chances de son côté de mener une grossesse à terme.

Ce facteur est d’autant plus à prendre en compte devant une femme qui a quitté la vingtaine. À ce jour, la théorie la plus plausible du vieillissement n’est plus celle des télomères, ni même celle des radicaux libres, mais bien celle du vieillissement mitochondrial. Je recommande vivement la lecture du livre La mitochondrie au cœur de la médecine du futur du docteur en naturopathie Lee Know (2) pour approfondir la compréhension de ces concepts et pour lire son segment sur le lien entre la santé mitochondriale et la fertilité.

En bref, cette théorie explique en grande partie pourquoi les femmes sont moins fertiles après l’âge de 35 ans, bien qu’elles soient encore cyclisées et régulières. Effectivement, plus une femme avance en âge (même en étant encore ultimement considérée jeune sur tout autre aspect que sa fertilité), plus elle accumule des mutations au niveau de son ADNmt, et donc plus sa fonction mitochondriale s’en trouve perturbée et plus les mitochondries qu’elle transmet sont susceptibles de ne pas suffire à soutenir le rythme énergétique qu’exige un début de grossesse (2).

C’est pourquoi les femmes au-dessus de 35 voire 40 ans sont plus à risque d’infertilité d’une part, mais également de malformations congénitales chez leur progéniture. Il est démontré que, si les mitochondries embryonnaires suffisent tout juste à maintenir la grossesse, mais que celle-ci se poursuit, elles peuvent toutefois ne pas produire suffisamment d’énergie pour séparer adéquatement les chromosomes pendant la division cellulaire, résultant en des problématiques telles que la trisomie 21 (1).

 

— Mito et fertilité masculine

La capacité d’un spermatozoïde à féconder un ovule est aussi directement liée à son activité mitochondriale. On a effectivement pu constater qu’en incubant le sperme d’hommes souffrant d’infertilité avec de l’ATP (molécule énergétique produite dans la chaîne respiratoire mitochondriale), on améliorait le taux de réussite du processus de fécondation in vitro (1).

La production d’énergie via la phosphorylation oxydative dans les mitochondries spermatiques est essentielle au mouvement des flagelles des spermatozoïdes, et donc à la capacité de ces derniers de voyager à travers les voies génitales féminines en quête d’un ovule à féconder. Un spermatozoïde immobile ou peu mobile a très peu de chances d’accomplir cette prouesse (1).

Qui plus est, une fois la course gagnée, ça ne s’arrête pas là ! Quand le spermatozoïde parvient à rejoindre sa promise, il doit encore déployer une énergie considérable pour réaliser les réactions enzymatiques nécessaires pour pénétrer la zone pellucide de l’ovule et être le premier à fusionner sa membrane cellulaire avec la sienne. Une fonction mitochondriale paternelle insuffisante peut donc mener à des spermatozoïdes qui soit n’atteindront pas l’ovule, soit ne parviendront pas à percer sa « carapace » pour fusionner avec elle.

Toutefois, l’intégrité de la fonction mitochondriale paternelle n’affecte pas le développement embryonnaire, contrairement à celle de la mère (1).

 

— Causes des troubles mitochondriaux

Outre le vieillissement, qu’est-ce qui peut donc expliquer les dysfonctionnements mitochondriaux au niveau des gonades et affecter si considérablement la fertilité et la capacité de mener une grossesse à terme ? Les réponses à cette question cruciale et complexe sont nombreuses, mais j’attirerai ici l’attention sur deux paramètres majeurs : l’équilibre thyroïdien et l’équilibre glycémique, qui seront vus en détail dans un prochain article sur les piliers de la fertilité.

 

— Comment prendre soin de mes mitos ?

Des solutions existent pour soutenir la santé mitochondriale et elles sont nombreuses. Mon article en deux parties intitulé Les mitochondries au secours du système immunitaire et paru en 2021 (disponible en ligne sur le site Web de Vitalité Québec) aborde plusieurs de ces solutions.

Sommairement, un mode de vie favorisant la santé, la régénération et la biogenèse des mitochondries est essentiel en démarche de fertilité, et cela passe notamment par :

  • un sommeil suffisant et de qualité;
  • l’intégration de moments de respiration profonde et d’outils adéquats de gestion de stress;
  • une alimentation équilibrée à faible impact glycémique et densément nutritive;
  • un niveau optimal, mais non excessif d’activité physique.

Certains nutriments clés comme le coenzyme Q10, la L-carnitine, le D-ribose, l’acide malique, le magnésium, les vitamines du complexe B et l’acide alpha-lipoïque peuvent aussi être essentiels pour rehausser rapidement la fonction mitochondriale. On peut les obtenir via un supplément de type complexe qui offre plusieurs de ces substances.

 

*******

 

Ultimement, plutôt que de miser sur la quantité de gamètes (follicules ovariens et spermatozoïdes), je crois fermement que c’est la qualité des gamètes qui importe. Après tout, il ne suffit que d’un seul ovocyte et d’un seul spermatozoïde, mais que ceux-ci soient bons et viables, tous deux portés par l’énergie nécessaire pour mener à bien l’ensemble du processus de procréation. C’est une démarche doublement payante, car en plus d’augmenter les chances de réaliser le rêve d’enfanter, ces couples plongent au cœur d’un processus qui « rajeunira » tous leurs systèmes !

RÉFÉRENCES :

  1. Know, Lee. Mitochondria and the future of medicine; The key to understanding disease, chronic illness, aging, and life itself. White River Junction : Chelsea Green Publishing, 2018. ISBN 978-1-60358-767-9.
  2. Mitochondries et reproduction. Medecine/sciences. [En ligne] 15 Août 2004. https://www.medecinesciences.org/en/articles/medsci/full_html/2004/07/medsci2004208-9p779/medsci2004208-9p779.html#:~:text=Le%20pouvoir%20f%C3%A9condant%20du%20sperme,pas%20au%20d%C3%A9veloppement%20embryonnaire%20pr%C3%A9coce..