
Publié le 1 janvier 2025
Écrit par Nicolas Blanchette, ostéopathe, B. Sc. Kin.
Depuis longtemps je souhaitais écrire une chronique sur les médicaments et la douleur. C’est un sujet vaste, très intéressant et qui suscite souvent plusieurs discussions. D’entrée de jeu, il est nécessaire de rappeler que, avant toute nouvelle prise ou modification de médicament, qu’il soit sur ordonnance ou en vente libre, il est nécessaire d’en discuter d’abord avec votre médecin ou votre pharmacien. En effet, de cette manière, vous pourrez réduire les risques et optimiser les résultats thérapeutiques.
La pharmacothérapie, ou prise de médicaments dans le but de produire un effet thérapeutique, est utilisée depuis longtemps pour aider les gens à soulager toutes sortes d’épisodes de douleur. Pourtant, à mon travail, il m’arrive de constater que les gens sont en général assez mal informés sur le sujet. Pour plusieurs personnes, le recours à des approches holistiques complémentaires comme l’ostéopathie ou la naturopathie est synonyme de refus absolu de prendre des médicaments. Ce ne devrait absolument pas être le cas! Souvent, un manque de confiance, d’informations ou la crainte d’avoir des effets indésirables motivent ce choix d’éviter toute prise de médicaments, et ce, même si la souffrance causée par la douleur elle-même est importante. Rappelons que s’isoler, cesser de faire les activités qu’on aime, mal dormir, perdre plaisir en la vie, ce sont aussi des effets indésirables, mais de la douleur elle-même.
L’attitude antimédicament est malheureuse. D’une part, la douleur aiguë répond généralement favorablement à une médication prudente composée de molécules causant, pour la plupart, peu d’effets indésirables. D’autre part, en ce qui concerne la douleur persistante (qui dure depuis plus de trois à six mois), le consensus scientifique est que les meilleurs résultats sont obtenus en implantant une approche multimodale : éducation, modifications des habitudes de vie, activité physique, améliorations des capacités d’autogestion et d’autoefficacité, etc. La médication SEULE pour une situation de douleur persistante est, la plupart du temps, inefficace. Cependant, la prise de médicaments se révèle souvent utile pour calmer les symptômes afin de permettre aux gens de travailler sur ces différents aspects et de les aider à prendre le dessus sur la douleur.
Explorons maintenant quelques molécules souvent utilisées pour soulager la douleur. Dans la première partie de cette chronique, je vous expose les classes de médicaments les plus fréquemment utilisés pour la douleur aiguë, à durée généralement brève. Dans la deuxième partie, je discuterai des molécules utilisées davantage pour la douleur persistante.
L’acétaminophène
Appelé aussi paracétamol, l’acétaminophène est actuellement le premier choix pour les douleurs musculosquelettiques légères à modérées. C’est par ailleurs le médicament le plus consommé au monde. On l’utilise aussi pour ses effets sur la fièvre et les maux de tête légers (céphalées). Son mécanisme d’action est complexe, mais on apprécie surtout sa grande sécurité. En effet, à court terme (10 à 14 jours), la dose maximale est établie à 4000 mg par jour. Or, la dose thérapeutique se situe généralement de 650 mg toutes les quatre heures à 1000 mg toutes les six heures.
Selon la formule (action rapide, libération prolongée, etc.) et selon si on l’a pris à jeun ou en mangeant, il faut habituellement compter de 15 minutes à 2 heures avant que l’acétaminophène commence à agir. Bon à savoir : en prendre davantage n’est pas nécessairement mieux! Les études sur l’acétaminophène et la douleur semblent montrer que la dose de 1000 mg ne serait pas plus efficace que la dose de 650 mg pour soulager la douleur. Personnellement, je trouve la formule d’acétaminophène à libération prolongée particulièrement utile, puisqu’elle agit sur une période de huit heures (quatre heures pour la formule ordinaire), ce qui aide à éviter les oublis de prendre une seconde dose.
Très souvent, l’acétaminophène peut être combiné à d’autres molécules, comme les AINS, pour produire un effet de synergie qui génère une action thérapeutique avec des dosages plus faibles de chacune des deux substances. L’acétaminophène est éliminé par le foie. La réaction chimique nécessaire à sa dégradation produit un métabolite toxique que notre corps élimine généralement sans difficulté. Toutefois, certaines personnes présentant des pathologies du foie doivent être plus prudentes avec son utilisation prolongée ou à dosage élevé. C’est aussi pourquoi il est déconseillé de consommer de l’alcool lorsqu’on prend de l’acétaminophène. Enfin, il est important de rappeler que plusieurs formules de médicaments analgésiques contiennent de l’acétaminophène. Si plusieurs médicaments sont utilisés, il est important de tenir compte de la somme quotidienne d’acétaminophène contenue dans l’ensemble des différents médicaments.
Les AINS
AINS signifie « anti-inflammatoires non stéroïdiens ». On les utilise, entre autres, pour les douleurs musculosquelettiques, inflammatoires et menstruelles. L’ibuprofène, le naproxène, le diclofénac et l’acide acétylsalicylique sont les molécules plus fréquemment retrouvées en vente libre. Les AINS agissent en inhibant la production de molécules appelées prostaglandines, dont certains types sont impliqués dans l’inflammation et dans la sensibilisation des neurones à la douleur.
Les AINS atteignent leur efficacité maximale de deux à trois heures après leur ingestion. Bon à savoir : il n’existe pas d’étude qui démontre qu’un AINS est systématiquement plus efficace qu’un autre. Également bon à noter : il semble y avoir une certaine variabilité génétique, puisque des personnes répondent parfois mieux à un AINS qu’à un autre. Certains pharmaciens spécialisés en douleur recommandent ainsi d’essayer un AINS pendant une période d’environ trois semaines. Si la molécule ne produit pas de résultat, ils en suggèrent un autre pour une nouvelle période d’essai.
Les AINS sont généralement efficaces quand la douleur présente une composante inflammatoire. C’est le cas pour plusieurs épisodes de douleur aiguë comme un torticolis ou un dos « barré » ou encore certaines affections stables, mais connues pour créer des douleurs épisodiques, telle que l’arthrose. Celles-ci sont fortement influencées par le milieu inflammatoire, ce qui fait que les habitudes de vie jouent un grand rôle dans les épisodes douloureux : sommeil, activité physique, alimentation, gestion du stress, etc. En revanche, de nombreux cas de douleur persistante n’ont pas de composante inflammatoire. Les AINS ne produiront donc pas d’effet notable.
Les AINS sont généralement pris à court terme (quelques jours à quelques semaines), sauf dans certaines conditions où la prise sera supervisée par le médecin et le pharmacien afin d’éviter les effets indésirables. Les AINS oraux doivent être pris en mangeant, puisqu’ils peuvent être irritants pour l’estomac (surtout dans une utilisation prolongée). La prise d’AINS devrait être autorisée et supervisée par le médecin ou le pharmacien pour les gens atteints d’hypertension artérielle, de maladies cardiovasculaires ou de troubles gastro-intestinaux ou rénaux. Bon à savoir : les AINS topiques (crèmes à appliquer sur le site douloureux) ne provoquent habituellement pas de problèmes gastro-intestinaux selon les études. Toutefois, puisque la molécule doit pénétrer par la peau, ce mode d’administration serait plus efficace pour les douleurs des régions plus superficielles comme le poignet et la cheville et un peu moins pour les inflammations des régions plus profondes, comme dorsale ou lombaire.
Au même titre que l’acétaminophène, il est important de noter que les doses plus élevées d’AINS apportent peu d’avantages et que leur effet analgésique n’est généralement pas plus efficace. On recommande d’utiliser la dose minimale efficace et de le combiner avec d’autres médicaments aux effets synergiques plutôt que de prendre un dosage élevé d’AINS.
Les relaxants musculaires
Les relaxants musculaires les plus connus sont le méthocarbamol (offert en vente libre) et le cyclobenzaprine (sur ordonnance). Les relaxants musculaires sont probablement mal nommés, car ils apparaissent relaxer davantage le système nerveux qui contrôle les muscles que les muscles eux-mêmes. Par ailleurs, leur effet sur les spasmes musculaires est controversé dans la littérature. Leur efficacité à agir contre la douleur repose sur des preuves scientifiques moins solides que pour l’acétaminophène et les AINS. Ces médicaments présentent également davantage de contre-indications et d’effets indésirables. Selon mon expérience, leur principal intérêt réside surtout dans la somnolence qu’ils entraînent. C’est pourquoi il est plus approprié de les prendre en fin de journée. Parfois, ils peuvent se révéler utiles pour quelqu’un qui vit un épisode de douleur aiguë qui nuit considérablement à son sommeil. En effet, le manque de sommeil contribue à nous sensibiliser à la douleur; il la rend plus difficile à supporter et diminue l’efficacité de nos systèmes endogènes de contrôle de la douleur. Rétablir un horaire de sommeil adéquat et régulier est une priorité pour chaque thérapeute qui travaille avec des gens en douleur, et les relaxants musculaires peuvent être un outil intéressant à cet égard.
Les opioïdes
Les opioïdes, incluant la morphine et ses dérivés, sont très efficaces pour gérer la douleur aiguë sévère. C’est pourquoi ils sont utilisés dans les hôpitaux, post-chirurgie par exemple. Ils ont eu mauvaise presse dans les dernières années à cause des cas de décès par surdose, de dépendance et de consommation « récréative ». Les médecins surveillent maintenant les risques de mésusages avant d’en prescrire à quelqu’un. Cependant, pour quelqu’un qui ne présente pas de risque de dépendance, l’utilisation des opioïdes pour aider à gérer la douleur aiguë est généralement très sécuritaire. Il s’agit d’une utilisation la plupart du temps à court terme, soit pour moins de deux semaines. L’utilisation d’opioïdes sur une période plus longue nécessite un suivi rapproché.
En conclusion
Même si les médicaments énumérés dans cet article sont plus adaptés aux affections aiguës, ils peuvent faire partie d’un plan de traitement qui inclut d’autres molécules pour la douleur persistante. Dans la prochaine partie de cette chronique, nous discuterons des médicaments utilisés pour cette catégorie de douleur.
Besoin d’un coup de main?
Nous réitérons que, pour toute modification à votre médication sur ordonnance ou en vente libre, vous devez d’abord en discuter avec votre médecin ou votre pharmacien. Pour une approche complémentaire (ostéopathie, kinésiologie), nos professionnelles et professionnels sont là pour vous aider!
Références
INSPQ, en ligne, 2024
Philippe De Grandpré, D.pharm, Les traitements pharmacologiques de la douleur, Université de Sherbrooke, 2024
Société de l’arthrite du Canada, en ligne, 2024