Les mitochondries au secours du système immunitaire (Partie 2)

Publié le 30 septembre 2021
Écrit par Marik Péro, ND.A.

Les mitochondries au secours du système immunitaire (Partie 2)
Expo manger santé Quebec

Dans la première partie de cet article, paru dans le numéro d’octobre 2021, différentes implications immunitaires de la mitochondrie ont été abordées. Vous aurez donc bien compris que, par les temps qui courent, dorloter ces précieux organites cellulaires est de mise ! Qui plus est, l’équilibre du système immunitaire est bien sûr utile contre les micro-organismes infectieux, mais aussi contre les cellules (pré-)cancéreuses (1) (2), l’inflammation chronique et l’auto-inflammation, la neuro-inflammation, etc.

Que peut-on donc faire pour optimiser le fonctionnement de nos mitochondries et ainsi équilibrer le système immunitaire ? Bonne nouvelle : PLEIN de choses ! Voyons comment chouchouter nos mitochondries via un mode de vie actif et sain et quelques outils de soutien adaptés.

 

La structure fait la fonction !

Les mitochondries sont particulièrement abondantes dans les tissus très actifs métaboliquement comme le cœur, le cerveau, le foie, les muscles squelettiques, mais aussi les ovules ! En effet, leur rôle premier est de produire de l’énergie (sous forme d’ATP) via le cycle de Krebs (CK) et la chaîne respiratoire (CR). Le CK fonctionne à partir des substances obtenues par la dégradation des glucides, des lipides et des acides aminés, et vise à fournir les substrats qui entreront dans la CR (3) (4).

Comme l’illustrent les schémas ci-dessous, les mitochondries sont composées d’une double-membrane; la membrane interne est abondamment repliée, formant des crêtes qui accroissent considérablement sa surface (à l’image du cerveau et des intestins, par exemple). Elle renferme cinq complexes enzymatiques importants à la CR et donc à la synthèse d’ATP.

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Mitochondrie

 

Source : https://fr.wikipedia.org/wiki/Cha%C3%AEne_respiratoire

 

Pas d’énergie… sans oxygène !

Le nutriment premier, absolument essentiel et indispensable à la mitochondrie, c’est l’oxygène. C’est pour les nourrir, elles, qu’on a besoin de respirer constamment. La dysfonction mitochondriale par manque d’oxygène peut être la conséquence de divers troubles, tels :

  • l’anémie
  • l’apnée du sommeil
  • la pollution (exposition au cyanure, aux moisissures, etc.)
  • le stress et l’insomnie
  • le tabagisme
  • les troubles circulatoires

 

Une cellule qui ne reçoit pas suffisamment d’oxygène n’aura d’autre choix que de faire basculer sa production d’énergie en mode anaérobie, c’est-à-dire sans oxygène. C’est une option astucieuse, mais très coûteuse et dommageable à long terme, car le rendement énergétique est considérablement moindre et il en résulte un déchet indésirable à long terme : le lactate. Converti en acide lactique, ce dernier peut entraîner douleurs et fatigue chroniques (4).

Il sera donc fondamental d’adresser toute entrave à l’apport ou au transport de l’oxygène. Les techniques de respiration visant à améliorer l’amplitude pulmonaire et les marches en forêt prennent tout leur sens ici !

À ce titre, la pratique d’une activité physique quotidienne permet non seulement de favoriser les apports en oxygène pendant l’activité, mais stimule aussi la biogenèse mitochondriale, phénomène de synthèse de nouvelles mitochondries. Il peut suffire de marcher quinze à vingt minutes par jour à bon rythme, en visant un essoufflement léger, pour oxygéner ses mitochondries et signaler aux cellules d’en produire davantage. D’ailleurs, comme pour toute chose, la modération est la clé ! L’excès d’entraînement génère plus de stress oxydatif qu’il ne bénéficie aux mitochondries, avec tous les effets délétères qui en découlent (3) (5).

 

Le bon carburant

L’alimentation occidentale très glucidique tend à engendrer des troubles d’insulinorésistance qui entravent l’approvisionnement des mitochondries en glucose. L’hémoglobine glyquée qui en résulte endommage les vaisseaux sanguins, précieux conducteurs d’oxygène et de nutriments.

Des approches alimentaires telles que le jeûne intermittent et le mode LCHF (faible en glucides, riche en bons gras) voire cétogène (sous supervision professionnelle) permettront le retour de la sensibilité des cellules à l’insuline (3) (6).

De plus, de récentes études s’intéressent à l’axe microbiote-mitochondrie (7). Cette voie de communication est tout à fait logique si l’on pense à l’origine bactérienne des mitochondries et donc à la nature qu’elles partagent avec les micro-organismes colonisant notre microbiote intestinal. Si les mitochondries jouent un rôle si important dans l’immunité, se peut-il qu’elles soient en fait un prolongement systémique cellulaire de la barrière immunitaire que constitue le microbiote intestinal en soi… ? Cela est fort plausible et donne davantage de force à l’importance d’une alimentation équilibrée qui prend soin de nos colonies digestives.

Opter pour une assiette de légumes biologiques frais colorés (vive les antioxydants !) avec protéines et gras de qualité, le tout dans une fenêtre d’alimentation restreinte, peut être salvateur pour de nombreuses mitochondries en détresse !

 

Quand une supplémentation s’impose (3)

Si la cellule est normalement capable de synthétiser ou d’assimiler les éléments essentiels à son bon fonctionnement, de nombreux facteurs peuvent altérer cette faculté et compromettre la fonction mitochondriale. Voici en bref les substances sur lesquelles repose tout particulièrement cette dernière, et qui peuvent nécessiter une supplémentation sur l’avis d’un professionnel de la santé qualifié :

  • Coenzyme Q10 (CoQ10) (5)(8)

Le CoQ10 est un important transporteur d’électrons dans la CR et joue un rôle antioxydant sur le principal site de production mitochondrial de radicaux libres.

Les médicaments de type statines, prescrits pour contrer l’hypercholestérolémie, compromettent à long terme la synthèse de CoQ10, puisqu’ils inhibent l’enzyme HMG-CoA réductase commune à sa synthèse et celle du cholestérol (comme l’illustre le schéma ci-dessous). Toute personne sous statines devrait parler à son médecin pour un supplément de CoQ10.

Source : Schéma réalisé par l’auteure

 

  • Pyrroloquinoline Quinone (PQQ)

Stimule la biogenèse mitochondriale et protège les mitochondries grâce à son rôle de cofacteur de certaines enzymes importantes.

 

  • Acétyl-L-carnitine

La carnitine est un acide aminé fonctionnel qui, sous sa forme acétylée, permet l’entrée des acides gras à longue chaîne dans la mitochondrie où ils sont convertis en énergie. Sa production endogène diminue en vieillissant.

 

  • Complexe vitaminique B

La plupart des vitamines du groupe B sont essentielles à la bonne marche du CK se déroulant dans la matrice de la mitochondrie, fournissant les substrats nécessaires à la production d’énergie sous forme d’ATP dans la CR. Ces vitamines sont très souvent carencées dans la population générale, notamment parce qu’elles sont considérablement utilisées en période de stress, ou si le tabagisme ou la prise de pilule contraceptive ne sont pas équilibrés par un indispensable supplément de complexe B.

 

  • Magnésium

Cet important minéral est l’un des plus sollicités par l’organisme, et certainement l’un des plus carencés dans nos sociétés occidentales (de 70 à 80 % d’entre nous en manqueraient). La mitochondrie agit comme une réserve de magnésium, et ce minéral sert notamment à stabiliser l’ATP (sous forme de Mg-ATP). Par ailleurs, le magnésium est indispensable au relâchement de la contraction musculaire. Quand il vient à manquer, les vaisseaux sanguins peuvent demeurer contractés et favoriser l’hypertension artérielle qui réduit le débit sanguin, donc l’apport d’oxygène… aux mitochondries !

 

  • Acide alpha-lipoïque(5)

L’acide alpha-lipoïque permet le fonctionnement de l’enzyme responsable de l’entrée du pyruvate (issu de la dégradation du glucose) dans le CK. Il s’agit aussi d’un antioxydant très concentré dans la mitochondrie, primordial pour l’organisme en ce sens où il se place au centre des processus de recyclage de systèmes antioxydants : il régénère les vitamines C et E ainsi que le précieux glutathion. Il améliore également la sensibilité des cellules à l’insuline.

 

  • Fer

Le fer est l’atome central de l’hème, constituant de l’hémoglobine. C’est à cet atome de fer que peut se fixer l’oxygène pour être transporté aux cellules. L’hème étant synthétisé par la mitochondrie, celle-ci assure en quelque sorte son propre apport en oxygène. Si la fonction mitochondriale est compromise par un manque d’oxygène, elle ne pourra plus produire l’hème, aggravant ainsi son approvisionnement en oxygène. L’hème s’incorpore aussi à d’importantes hémoprotéines de la CR. La supplémentation en fer est souvent nécessaire chez les femmes en âge de procréer, surtout celles qui ont des menstruations particulièrement abondantes ou des cycles rapprochés.

 

D’autres nutriments tels le zinc, le manganèse, le soufre, le cuivre, la vitamine C et le D-ribose sont impliqués dans l’équilibre mitochondrial. Comme quoi une alimentation variée et équilibrée et parfois une supplémentation sont de mise.

IMPORTANT : Il peut être risqué de vous autosupplémenter, particulièrement si vous prenez des médicaments. Un naturopathe ou tout autre professionnel de la santé compétent pourra adapter la supplémentation à votre condition de santé unique.

 

Pour conclure

Cet article et celui du mois dernier ont fait la démonstration de l’importance de la mitochondrie dans l’immunité ; en vérité, cet organite qui suscite beaucoup d’intérêt dans la communauté scientifique n’a pas fini de nous épater (3) (4). La dysfonction mitochondriale a des implications dans les troubles glycémiques (8) (9), cardiovasculaires (8) (10), neurologiques (8) (11), dans les problèmes de fertilité (12) (13), de douleurs chroniques (8) (14) (15) et bien plus encore. Il va sans dire que l’équilibre mitochondrial concerne tout le monde de près ou de loin, et en prendre soin offre le plus beau des retours sur investissement : une meilleure qualité de vie… durable !

Alors à go… bichonnez vos mitos !

 

 

MARIK PÉRO est naturopathe agréée spécialisée en naturopathie familiale et enseignante à l’Institut d’enseignement en sciences naturopathiques (IESN). Pour en savoir davantage et communiquer avec elle – www.lavitaliste.com – lavitaliste@gmail.com

 

RÉFÉRENCES

  1. Murray, et al. Biochimie de Harper. 5e. Bruxelles : De Boeck, 2013. pp. 741-42.
  2. Seyfried, Thomas N. Cancer as a metabolic disease; On the origin, management and prevention of cancer. Hoboken : Wiley, 2012. ISBN 978-0-470-58492-7.
  3. Know, Lee. Mitochondria and the future of medicine; The key to understanding disease, chronic illness, aging, and life itself. White River Junction : Chelsea Green Publishing, 2018. ISBN 978-1-60358-767-9.
  4. The Institute for Functional Medicine. Textbook of functional medicine. Gig Harbor : David S. Jones, MD, 2010. ISBN 978-09773713-7-2.
  5. Nicolle, Lorraine et Woodriff Beirne, Ann. Biochemical imbalances in disease. Londres : Singing Dragon, 2010. ISBN 978 1 84819 033 7.
  6. Bordua-Roy, Èvelyne et Rollant, Sophie. Le grand livre du jeûne; Tout sur la science du jeûne et ses bienfaits pour la perte de poids, la santé et la vitalité. Québec : Pratico Édition, 2021. ISBN 978-2-89658-875-6.
  7. Franco-Obregón, Alfredo et Gilbert, Jack A. The Microbiome-Mitochondrion Connection: Common Ancestries, Common Mechanisms, Common Goals. NCBI. [En ligne] Mai 2017. https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC5425687/.
  8. Murray, Michael T et Pizzorno, Joseph. The encyclopedia of natural medicine. 3e édition. New-York : Atria Paperback, 2012. ISBN 978-1-4516-6300-6.
  9. Zeng, Xin, et al. Mitochondrial Dysfunction in Polycystic Ovary Syndrome. PubMed. [En ligne] 20 Février 2020. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32077751/.
  10. Bonora, Massimo, et al. Targeting mitochondria for cardiovascular disorders: therapeutic potential and obstacles. PubMed. [En ligne] 16 Janvier 2019. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/30177752/.
  11. Filosto, Massimiliano, et al. The role of mitochondria in neurodegenerative diseases. SpringerLink. [En ligne] 22 Mai 2011. https://link.springer.com/article/10.1007/s00415-011-6104-z.
  12. May-Panloup, Pascale, et al. Ovarian ageing: the role of mitochondria in oocytes and follicles. PubMed. [En ligne] 25 Août 2016. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/27562289/.
  13. Vertika. Mitochondria, spermatogenesis, and male infertility – An update. PubMed. [En ligne] Septembre 2020. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32534048/.
  14. Cordero, Mario D, et al. Oxidative stress and mitochondrial dysfunction in fibromyalgia. PubMed. [En ligne] 2010. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/20424583/.
  15. Anderson, G et Maes, M. Mitochondria and immunity in chronic fatigue syndrome. PubMed. [En ligne] 26 Mai 2020. https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/32470498/.