Les plantes du plaisir

Publié le 29 février 2024
Écrit par Sarah-Maria LeBlanc, HTA

Les plantes du plaisir
Now pour juillet

Le mois de février est propice aux rapprochements intimes parce que nous avons envie de nous réchauffer au cœur de l’hiver… et que c’est la Saint-Valentin, bien sûr. On pense que l’origine de cette célébration remonterait à l’Antiquité, alors que les Romains célébraient les lupercales, le 15 février, une fête de la fertilité. On a commencé à célébrer la Saint-Valentin au même moment où l’on a aboli les lupercales. Bref, bien que cette fête soit maintenant devenue très commerciale, nous pouvons certainement profiter de l’occasion pour nourrir l’intimité et l’amour, que ce soit avec nous-mêmes ou autrui, car, comme le dit un texte sacré, « tous les actes d’amour et de plaisir sont mes rituels ».

À travers les âges, on a utilisé plusieurs éléments de la nature, issus des royaumes minéral, végétal et animal, pour stimuler le désir et le plaisir, dont certaines substances illicites ou étranges, que nous n’aborderons pas ici. Cela dit, j’ai le plaisir de présenter dans ce texte des plantes médicinales aphrodisiaques accessibles et sécuritaires, ainsi que quelques recettes à essayer pour nourrir la joie des sens, le désir et le plaisir, en attendant le printemps.

 

Damiane (Turnera diffusa)

Ce joli arbuste de la famille des passifloracées est originaire des Caraïbes et des Amériques, particulièrement de l’Amérique centrale et de l’Amérique du Sud. C’est donc une plante de chaleur et d’humidité, qui ne se cultive pas au Québec, sauf possiblement comme annuelle dans certaines régions. Traditionnellement utilisée par les peuples maya, aztèque et guaycura comme plante aphrodisiaque, elle était également utilisée comme encens et comme plante à fumer. Selon l’herboriste Diana de Luca, elle était considérée par les Aztèques comme étant presque aussi sacrée et précieuse que le chocolat. Fait intéressant : on trouve cette plante dans la formule originale du Coca-Cola, élaborée par le pharmacien John Pemberton, de concert avec la noix de coca, la coca et le vin.

La damiane, comme plusieurs plantes dites aphrodisiaques, est une stimulante circulatoire, en partie grâce à sa teneur élevée en plusieurs types de flavonoïdes. En amenant le sang vers les organes génitaux, elle détend les tissus et augmente l’acuité des sensations. Selon deux études portant sur un produit de santé naturel qui en contient, elle augmenterait également la fréquence et l’intensité des orgasmes. D’autre part, on a découvert que la pinocembrine et l’acacétine qu’elle contient inhibent l’aromatisation de la testostérone en œstrogène, augmentant ainsi la libido. Elle contient également de l’apigénine et d’autres flavonoïdes œstrogéniques, qui soutiennent la lubrification et la relaxation des tissus. C’est pourquoi, tout comme la shatavari que nous verrons ensuite, elle peut être une grande alliée des femmes en périménopause et en ménopause. Les hommes ne sont pas en reste, avec une augmentation des capacités érectiles et des sensations. Bref, une plante amie des deux sexes à mettre absolument dans nos philtres d’amour ! En dehors de ses affinités avec les joies du corps, c’est aussi une plante considérée comme adaptogène, régulatrice de la glycémie, et un tonique nerveux. Toutes de bonnes raisons pour tenter de la découvrir !

Ce sont les feuilles de la damiane qu’on utilise pour leurs propriétés médicinales. Ainsi, on peut utiliser ces dernières en tisane (1 c. à thé par tasse, à infuser pendant 10 minutes), la consommer dans des produits qui en contiennent ou fabriquer soi-même ses propres concoctions (voir la recette ci-dessous) — car, au Québec, on ne la trouve pas encore sur le marché en teinture mère. On évitera d’en prendre si on est enceinte ou, par précaution, si on a des antécédents de cancer du sein (bien que la science reconnaisse maintenant les propriétés protectrices des plantes œstrogéniques).

 

Liqueur à la damiane (recette de Diana de Luca)

  • Ingrédients

1 once de feuilles de damiane

2 tasses de spiritueux de votre choix (à 40 % d’alcool)*

1 ½ tasse d’eau de source ou filtrée

1 tasse de miel

Extrait de vanille ou hydrolat de roses, au goût

 

  • Préparation

Laisser macérer les feuilles dans l’alcool pendant 5 jours, puis filtrer.

Faire tremper les feuilles de damiane dans l’eau de source pendant 2 jours, puis filtrer.

Faire chauffer l’eau, y dissoudre le miel et mélanger avec l’alcool.

Laisser macérer pendant au moins 1 mois, et déguster (1 à 3 c. à soupe par personne).

* Solution de rechange sans alcool et plus rapide : laisser tremper les feuilles de damiane dans de l’extrait de vanille pendant 3 jours, filtrer, rajouter un peu de miel et d’eau de rose, puis ajouter à de l’eau pétillante, à de l’eau chaude ou à un dessert.

 

Shatavari (Asparagus racemosus)

Cette asperge originaire de l’Inde est sans contredit l’une de mes plantes préférées pour le plaisir féminin. Son nom signifie d’ailleurs « plante aux cent maris », ou pourrait signifier « cent épouses », ce qui en dit long sur ses propriétés ! C’est une plante douce et rafraîchissante qui calme le feu mental et l’irritabilité, tout en nous redonnant de l’énergie. Riche en saponines, elle est œstrogénique et s’avère efficace pour augmenter la libido et aider à la lubrification, ce qui en fait une plante très appréciée. Adaptogène, très antioxydante et anti-inflammatoire, c’est un tonique du système reproducteur, augmentant de ce fait même la fertilité et régulant l’équilibre hormonal. On l’utilise beaucoup chez les femmes en préménopause et en ménopause, afin de diminuer les bouffées de chaleur et de contrer la sécheresse vaginale. En ayurveda, on la considère comme une reine des plantes, une « rasayana » du système gynécologique, c’est-à-dire une plante qui régénère, revitalise et tonifie le corps et l’esprit. La recherche lui reconnaît d’ailleurs, parmi ses propriétés, un effet antidépresseur.

Au Québec, on utilise aussi parfois ses racines, en poudre ou transformées en teinture, dans des mélanges en capsules. On peut ajouter la poudre, à raison de plus ou moins 1 c. à soupe par jour, dans des smoothies ou des boules d’énergie.

 

Le shake de la déesse (recette personnelle)

Cette recette, tirée de mon livre Sagesse et pouvoirs du cycle féminin, m’a été inspirée par une recette ayurvédique traditionnelle à laquelle j’ai goûté en Inde.

  • Ingrédients

⅔ tasse de lait végétal, au choix

⅓ tasse d’hydrolat de roses de qualité

1 c. à soupe de miel

1 c. à soupe de shatavari en poudre

 

  • Préparation

Mélanger et déguster, à température de la pièce ou légèrement tiède.

 

Tribule terrestre (Tribulus terrestris)

Le tribule terrestre, appelé plus communément Tribulus chez les herboristes d’ici, serait indigène d’Europe, d’Asie et d’Afrique. Naturalisé en Amérique, il est malheureusement maintenant considéré comme une plante invasive. Cette plante rampante et velue aux jolies fleurs jaune citron sait défendre ses fruits si on en croit les quatre épines très solides qui entourent ses carpelles. Elle ressemble d’ailleurs, du dessous, à une croix de chevalier, d’où son nom commun « croix-de-Malte ». Citée dans des traités anciens de médecine traditionnelle chinoise (MTC) et d’ayurveda (appelée gokshura en sanskrit), elle est connue pour ses propriétés toniques et aphrodisiaques.

Aujourd’hui, elle est étudiée par la science pour ces mêmes propriétés. Si, depuis longtemps, elle est utilisée avec succès par la gent masculine pour augmenter l’ardeur sexuelle, l’érection et la testostérone, la recherche n’est pas consensuelle à ce sujet. Ce qui est certain, c’est qu’elle augmente la qualité et la quantité des spermatozoïdes. Chez les femmes, une étude en double aveugle de 2014 a confirmé qu’elle augmentait le désir, la lubrification, l’orgasme et la satisfaction sexuelle.

Bien qu’on puisse utiliser ses sommités fleuries, ce sont principalement les fruits du tribule qu’on trouve sur le marché, soit réduits en poudre ou dans des formules de suppléments, dans lesquels ses saponines sont souvent standardisées en principes actifs pour leurs effets sur nos hormones sexuelles.

 

Sarriette (Satureja hortensis)

Après trois plantes moins communes sous nos latitudes québécoises, il fait bon de se rappeler qu’on a parfois tout ce qu’il nous faut dans nos jardins ou nos balconnières. La sarriette, bien qu’un peu oubliée aujourd’hui, fait partie de plusieurs traités européens d’herboristerie traditionnelle, notamment comme plante tonique, euphorisante et aphrodisiaque. Gustave Mathieu mentionne qu’au Moyen Âge, tous les jardins en possédaient et que la grande herboriste Hildegarde de Bingen en faisait grand usage.

En plus de ses propriétés digestives et antibactériennes, on découvre aujourd’hui qu’elle peut retarder l’éjaculation et augmenter les taux de testostérone. Riche en huiles essentielles, elle titille les sens… elle contient d’ailleurs beaucoup de carvacrol, qui stimule le système nerveux périphérique et la circulation vers le petit bassin. Peut-être est-ce pour cela qu’on appelle souvent la sarriette la « plante de la joie » ?

On peut utiliser toute la plante de sarriette : tiges, feuilles et fleurs, ajoutées à la nourriture ou en tisane. Son goût est très fort, on peut alors la mélanger dans une infusion à d’autres plantes amies de notre libido comme l’avoine fleurie, le trèfle rouge et la cannelle. Elle est également excellente macérée dans du vin pendant quelques semaines, pour concocter un sympathique apéritif ou un digestif aphrodisiaque.

En terminant, nous pouvons nous rappeler que toutes les plantes qui nous réchauffent vont réchauffer nos sens et augmenter la circulation sanguine vers les extrémités — ce qui est toujours pratique pour éveiller le désir sexuel et exacerber les sensations. On parle ici de gingembre, de cannelle, de muscade, de piment de cayenne, de poivre… elles seront de bonnes alliées à prendre telles quelles ou à combiner aux plantes précédentes, pour soutenir leurs effets. Vu que c’est la saison des décoctions au gingembre et du chaï… pourquoi s’en priver ?