Les plantes pour la glycémie

Publié le 1 mai 2025
Écrit par Sarah-Maria LeBlanc, HTA, M.A.

Les plantes pour la glycémie
AOR mai 2025

Il est doux, mais dangereux. Il nous réconforte lorsqu’il est là, mais l’on vit de la déprime et de la fatigue lorsqu’il est absent. Il est partout, sans même qu’on ne s’en rende compte. En réalité, nous sommes très souvent dans une relation de dépendance avec lui. Ah! ce cher sucre… Avec lui, c’est une histoire d’amour-haine! Si la science sait comment la consommation de sucre est un danger de santé publique, cela n’est pas évident lorsqu’on lit les ingrédients des produits transformés qu’on achète en épicerie, qu’ils soient biologiques ou pas. L’industrie est bien au fait de notre dépendance à cet édulcorant et en profite allègrement, ce qui fait que nos papilles s’habituent au goût sucré. Notre cerveau a besoin de glucose pour fonctionner et l’associe à un plaisir extatique et stimulant. Nous avons tous un éventail d’arguments pour nous convaincre qu’il nous fait du bien, au fond : on le mérite, ça va nous réveiller, ça va diminuer notre anxiété, ça va nous soulager, c’est réconfortant, ça nous procure de la joie. Boucar Diouf, dans son excellent livre Ces esprits qui dorment dans les semences, nous raconte la triste histoire du sucre, reliée à la colonisation et l’esclavage. Il nous apprend qu’encore aujourd’hui, « des dizaines de milliers de gens vivent dans des conditions de semi-captivité pour cultiver, récolter ce délice que nous mettons à toutes les sauces et que nous voulons toujours moins cher ».

 

Le problème est que, comme on sait, il est à l’origine ou fait partie des facteurs de risque de plusieurs problèmes de santé : syndrome métabolique, surpoids, obésité et diabète, bien sûr, mais également dysbiose intestinale, hypertension, plusieurs dérèglements inflammatoires et cardiovasculaires, syndrome des ovaires polykystiques, stéatose hépatique et parfois même certains cancers, sans parler bien sûr de la santé dentaire. Travaillant au quotidien en santé des femmes, je vois l’impact du sucre dans presque toutes les pathologies, puisque la glycémie a un impact sur notre santé hormonale, nerveuse et intestinale. Comme le dit Diouf, « caché dans les aliments et protégé par un puissant groupe d’influence, le sucre est passé de meurtrier de masse à tueur silencieux ». Ceci étant dit, personne n’est à l’abri de l’amour pour ce goût irrésistible. Existe-t-il, en plus de l’alimentation et de l’exercice physique, des alliées végétales qui peuvent nous aider à diminuer notre dépendance au sucre et nous aider à équilibrer naturellement notre glycémie? Oui, heureusement, jusque dans une certaine mesure. Je vous en présente ici quelques-unes.

 

Basilic sacré (Ocimum tenuiflorum ou sanctum)

Originaire de l’Inde et utilisé depuis 5000 ans, le basilic sacré y est encore vénéré aujourd’hui comme une plante sacrée dans plusieurs maisons. On lui offre des cérémonies, on le décore, il est vu comme une incarnation de la déesse Lakshmi. Contenant plusieurs composés dont plusieurs huiles essentielles, des tannins et des antioxydants, le basilic sacré est une plante adaptogène qui soutient à la fois nos systèmes nerveux et endocrinien, nous rendant de ce fait plus présents à nous-mêmes et nous permettant de faire le pas de recul parfois nécessaire de nos pensées et émotions. Immunomodulateur et anti-inflammatoire, protecteur cardiovasculaire et hépatique, il s’avère également un bon tonique général, à boire en tisane régulièrement. Si, au départ, son goût peut nécessiter de l’apprivoisement, il s’avère réellement délicieux en tisane, seul ou accompagné de plantes comme la rose ou la cataire.

Là où il nous intéresse aujourd’hui, c’est pour ses capacités à réguler le taux de sucre dans le sang. Plusieurs recherches récentes in vivo et même une méta-analyse démontrent clairement ses effets antidiabétiques, pris seul ou conjointement avec des molécules de synthèse. Dans l’une d’entre elles, on évaluait sur trois mois différents paramètre dont le taux de sucre chez une centaine de patients ayant un syndrome métabolique. Les patients du groupe d’étude qui recevaient 5 ml d’extrait liquide de basilic sacré deux fois par jour ont vu entre autres leur glycémie diminuer de façon significative. Cette plante améliorerait la fonction des cellules bêta pancréatiques, accroissant la sécrétion de l’insuline et donc l’utilisation du glucose par les cellules. On peut le prendre en tisane à raison de 5 ml par 250 ml (1 c. à thé par tasse). Pour un usage plus thérapeutique, le prendre en teinture-mère, de 1 à 3 ml par jour sans supervision ou des doses plus élevées si vous êtes suivis de façon appropriée.

 

Gymnema sylvestre (Gymmema sylvestris)

Cette plante, qui nous vient également de l’Inde, est utilisée par les médecins ayurvédiques depuis plus de 2000 ans pour traiter le diabète sucré. C’est une plante vraiment particulière. Non seulement elle réduit le taux de glucose sanguin, mais elle crée également un désintérêt pour le goût du sucre, notamment par l’action de l’acide gymnémique qu’elle contient, qui anesthésie les papilles gustatives à la saveur sucrée pour environ une heure. Pour ma part, j’ai observé à de nombreuses reprises depuis 20 ans un désintérêt à court et moyen terme chez mes clientes à consommer du sucre lorsqu’elles prenaient une teinture de gymnema au quotidien, et j’en suis impressionnée chaque fois. C’est sans doute pour cette raison que les produits de perte de poids en contiennent souvent.

Vu ses propriétés clairement antidiabétiques, le gymnema est très étudié par la science. Des études ont démontré qu’il augmentait la production d’insuline. Dans la plupart des études in vivo, le gymnema a augmenté la sensibilité des récepteurs à l’insuline et ainsi diminué le taux de glucose sanguin. Dans chacune de ces études, une diminution des taux de cholestérol, de l’indice de masse corporelle et du poids ont été observées. Enfin, c’est une plante amère et anti-inflammatoire, deux qualités recherchées pour les personnes souffrant d’obésité ou de tout autre dérèglement métabolique. On peut la prendre en infusion à raison de 5 ml par 250 ml (1 c. à thé par tasse), dans des suppléments formulés pour la gestion de la glycémie et du poids ou en teinture, sous supervision d’une herboriste-thérapeute compétente.

 

Cannelle (Cinnamonum verum ou burmanni)

La cannelle qu’on ajoute communément dans notre nourriture et nos boissons est également utilisée depuis très longtemps pour ses vertus médicinales. Elle contient entre autres une huile essentielle puissante, des antioxydants, un peu de coumarine et des tannins. Aujourd’hui, pour ses utilisations thérapeutiques, l’on utilise l’écorce du cannelier, qui pousse dans le même coin du globe que les deux plantes vues précédemment. Il existe plusieurs variétés de cannelle, dont trois qu’on rencontre plus fréquemment sur le marché : la cannelle vraie ou de Ceylan, qu’on retrouve particulièrement au Sri Lanka et en Inde, mais également à Madagascar, la cannelle aromatique qu’on retrouve en Chine et la cannelle burmanni, d’Indonésie. Si on l’utilise habituellement pour ses propriétés antiseptique, digestive, réchauffante et stimulante circulatoire, elle est également très intéressante (et étudiée) pour la régulation du flot menstruel et la diminution des crampes menstruelles. C’est toujours une joie, quand on aime son goût, d’en mettre dans nos tisanes ou décoctions, particulièrement lorsqu’il fait froid! D’ailleurs, elle a un goût sucré, surtout lorsqu’on la fait mijoter longtemps en décoction. C’est ainsi que j’ai découvert que l’on n’a pas besoin de sucrer le thé chaï si on le laisse longtemps mijoter, car la cannelle remplace le sucre – mais sans valeur glycémique, ce qui est plutôt pratique.

De plus, la cannelle est actuellement étudiée pour ses propriétés glycémio-régulatrices. Une étude systématique et méta-analyse qui examinait 28 études cliniques comptant en tout 3054 participants a tout récemment été publiée. Les gens qui consommaient environ 2 g de cannelle par jour ont vu une diminution significative de leur taux de glucose sanguin. Cette recherche est très prometteuse, étant donné que la cannelle fait partie de notre alimentation et qu’il est relativement aisé d’en consommer 2 g par jour. Sachez toutefois que la cannelle non bio largement répandue sur le marché inclut souvent la plante entière et est de moindre qualité. Il faut cependant s’assurer que l’on n’utilise pas la cannelle casse (Cinnamonum cassia), qui contient beaucoup de coumarine et qui peut s’avérer toxique pour le foie à fortes doses.

 

Bleuet (Vaccinium spp)

Plus proche de nous, grâce à la collaboration de plusieurs familles autochtones sur le territoire Cri qui utilisent cette plante depuis toujours, des chercheurs ont pu confirmer les propriétés antidiabétiques de notre cher bleuet québécois, le Vaccinium angustifolium. Les propriétés antidiabétiques du bleuet étaient également connues sous d’autres latitudes, avec des variétés différentes qui comportent les mêmes propriétés. Très riche en tannins et en anthocyanines, contenant aussi beaucoup de vitamine C et de manganèse, la baie de bleuet est antioxydante, anti-inflammatoire ainsi qu’astringente et fortifiante des vaisseaux sanguins. De façon générale, bien que ses racines soient également traditionnellement utilisées lorsqu’on veut travailler sur la glycémie, on utilise surtout ses feuilles, ou les feuilles en combinaison avec les baies, ce qui est à l’heure actuelle beaucoup plus éthique. Peut-être un jour le bleuet sera-t-il cultivé pour ses propriétés médicinales? À ce moment-là, il serait intéressant d’envisager d’utiliser aussi les racines. Malheureusement, la plupart des recherches qu’on retrouve à l’heure actuelle sont effectuées sur des animaux ou in vitro. Celles qui existent démontrent une activité hypoglycémiante, en agissant d’une façon similaire à l’insuline.

Parmi les autres plantes médicinales à utiliser pour régulariser la glycémie, nous pouvons penser au galega, qu’on connaît moins ici mais qui est couramment utilisé en Asie, ou aux plantes dont les racines contiennent de l’inuline comme le pissenlit, la bardane ou même l’astragale, par exemple. L’on pourrait également parler des apiacées comme le fenouil, le carvi ou le cumin, ou également du fenugrec. Bref, encore une fois, les plantes médicinales ont plusieurs tours dans leur sac et sont nos alliées dans la réappropriation de notre autonomie face aux grands pouvoirs de persuasion de sucre. Après tout, rappelons-nous que nos plus grandes dépendances comme le café et le sucre sont elles aussi des plantes qui étaient autrefois considérées comme des médecines. Tout est une question de dosage comme on dit!

 

N.B. : Cet article n’encourage d’aucune façon de cesser une médication existante ou de remplacer une molécule par une plante. En cas de diabète, l’automédication peut être très dangereuse. Il est important de parler à votre médecin et à un herboriste-thérapeute pour l’utilisation à doses thérapeutiques de certaines de ces plantes.