Les superfemmes à bout de souffle !

Publié le 17 mars 2017
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.

Les superfemmes à bout de souffle !

Je ne comprends pas ce qui m’arrive, j’ai l’impression de devenir folle !

À quelques variantes près, voici sans contredit la phrase que j’entends le plus souvent dans ma pratique clinique depuis quelques années. Même sans être clinicien, il suffit de regarder autour de soi pour constater que bien que les femmes vivent aujourd’hui plus longtemps, elles n’ont jamais été aussi mal en point ! Comment en sommes-nous arrivées là ? Mais surtout, comment pouvons-nous retrouver notre équilibre physique et émotionnel ? C’est au cœur de cette réflexion déclenchée par la souffrance des femmes que je côtoie au quotidien que je vous propose de plonger ensemble.

Ce n’est plus un secret pour personne, nous vivons aujourd’hui à l’ère des superwomen. Cette notion de « superfemme » popularisée par le livre The Superwoman Syndrome, de Marjorie Hansen Shaevitz durant les années 80 fait référence à cette femme pluridimensionnelle, réglant tout, partout, pour tous et en toutes circonstances ! La superfemme est à la fois une super épouse, une super maman, une super professionnelle, une super copine, super canon et… super épuisée ! Entre le cumul de rôles, les exigences qui nous assaillent de toutes parts, les efforts constants pour être tout sur tous les fronts et cette course effrénée à la perfection, comment en effet prendre le temps de s’arrêter pour éviter de se perdre ? Mue par un insatiable besoin de reconnaissance légitime, la superfemme anticipe et devance même les besoins de son entourage sans jamais oser dire non. Prise au piège dans ce processus, elle s’oublie complètement et néglige de se dire oui à elle-même ! Elle qui est là pour tous en tout temps, elle ne se rappelle plus à quand remonte la dernière fois qu’on lui a demandé comment elle, elle allait… En y réfléchissant, elle doit admettre qu’au fond, elle non plus ne se le demande même plus !

Le corps, lui, en revanche, tient une étroite comptabilité des nuits blanches, des repas escamotés et de la malbouffe qu’on lui inflige, du manque d’activité physique, des grandes déceptions et trahisons, du stress subi ou qu’on s’impose soi-même, des heures passées devant nos écrans cathodiques, bref, de tout ce que l’on vit au quotidien pendant que notre hamster mental de superwoman s’active à sauver le monde ! Inévitablement, notre biochimie interne finit par subir les contre-coups de ces agressions répétitives, et le corps commence à nous envoyer des signaux de détresse sous la forme de symptômes plus ou moins désagréables. Comme ces derniers interfèrent avec nos missions de sauvetage, on se met à la recherche d’une arme secrète qui nous permettra d’en faire encore plus avec toujours moins; moins de sommeil, moins de nutriments de qualité, moins d’exercice, moins de temps pour soi.

Les habituels stimulants tels que le café, les boissons énergisantes ou le sucre, l’alcool, les médicaments psychotropes comme les antidépresseurs, les anxiolytiques ou les somnifères, les analgésiques ou les autres drogues, et même les suppléments nutritionnels font trop souvent partie de notre arsenal de combat nous permettant de camoufler nos symptômes pendant que notre organisme continue de se dérégler davantage. Jusqu’au jour où, comme le disait le père de la théorie du stress, Hans Selye : Le maillon le plus faible dans la chaîne glandulaire peut céder, mais on ne sait pas lequel ni à quel moment.

C’est habituellement à ce chapitre que notre déesse épuisée et n’arrivant plus à rencontrer toutes ces exigences irréalistes atterrit dans le bureau de son médecin à la recherche de réponses et surtout, de la pilule magique qui lui permettra de poursuivre sa mission de superfemme qu’elle continue d’endosser à bras-le-corps sans jamais la remettre en question. Ce n’est évidemment pas la mission qui est à blâmer; si seulement j’étais plus ceci, et moins cela !

Lors de son bref entretien avec son médecin, si elle a le malheur de verser une larme de découragement en lui relatant ses nombreux symptômes allant du dérèglement du cycle hormonal, aux malaises digestifs, en passant par l’insomnie, les sautes d’humeur et j’en passe, il y a de fortes chances qu’elle se voie offrir une prescription d’antidépresseurs.

Si elle insiste malgré tout pour effectuer des tests, ceux-ci reviennent invariablement sans révéler de particularités, aggravant encore le sentiment de désespoir. Intuitivement, notre superfemme sait que rien ne va plus dans son corps et que c’est la raison de son inquiétude, mais à ce stade, elle doute même de sa propre intuition et se dit que le médecin a sans doute raison…

Pourtant, même s’il est indéniable que la médecine conventionnelle, avec son arsenal technologique, s’avère très efficace dans le contexte des urgences et des maladies aiguës, il en va tout autrement en ce qui concerne les troubles chroniques découlant de notre vie moderne. Par exemple, une prise de sang peut confirmer la ménopause, mais elle est d’une piètre utilité lorsqu’il s’agit de diagnostiquer le déséquilibre hormonal. Ceci est dû au fait que seulement environ 5 % des hormones retrouvées dans le plasma sanguin sont sous leur forme libre (ou active) et que les écarts-types très larges servent à identifier un trouble organique et non un simple déséquilibre des ratios entre les hormones comme les œstrogènes et la progestérone.

Ce que j’observe en pratique clinique chez cette épidémie de déesses essoufflées, c’est avant tout un important surmenage des glandes surrénales. À l’instar du déséquilibre hormonal, cet état d’épuisement des surrénales – qui est à la fois la cause et la conséquence d’une multitude de symptômes – n’est ni diagnostiqué ni reconnu en médecine conventionnelle. Les tests conventionnels pour les surrénales servent seulement à identifier des maladies organiques telles que le syndrome de Cushing ou la maladie d’Addison, mais pas un trouble fonctionnel tel que l’épuisement glandulaire. Pour ce faire, certains naturopathes et d’autres praticiens de médecine fonctionnelle ont plutôt recours à une courbe d’hormones salivaires mesurant le taux de cortisol à quatre moments de la journée. Une fois confirmé, l’épuisement sur-rénalien doit être adressé en identifiant les causes et en les rectifiant. Et c’est malheureusement là que le bât blesse souvent, car cela implique de modifier notre façon d’être et de faire les choses.

Alors pourquoi et comment nos surrénales sont-elles si épuisées ? Les surrénales sont de petites glandes endocrines de la taille d’une amande situées sur le dessus de chacun des reins. Leur rôle crucial est de synthétiser et de relâcher des hormones indispensables à la vie telles que le cortisol, l’aldostérone, les androgènes et les fameuses catécholamines (noradrénaline et adrénaline) dans la circulation sanguine.

En somme, les surrénales nous permettent de faire face à toutes formes de stress et de nous adapter à notre environnement via diverses fonctions biochimiques finement orchestrées. Toutefois, ce précieux mécanisme permettant à notre milieu interne de retrouver son équilibre – ou homéostasie – face aux différentes formes de stress physiques ou psychologiques finit à la longue par s’épuiser à force d’affronter les demandes exagérées et répétitives auxquelles nous le soumettons. En effet, notre incroyable biologie s’est parfaitement adaptée pour faire face aux stress normaux auxquels nous avons survécu en tant qu’espèce depuis 12 000 ans, mais force est d’admettre que la nature n’avait pas prévu l’avènement des superfemmes !

De nos jours, notre capacité à nous adapter à notre mode de vie effréné dominé par les valeurs de productivité, de conquête et de domination de notre environnement traditionnellement associées au masculin est en effet dépassée, car profondément en déséquilibre avec les notions d’introspection, de partage et de collaboration associées au féminin sacré. Nous nous retrouvons donc en déficit chronique de temps, de sommeil, de substances nutritives, etc. que nous tentons tant bien que mal de compenser par la nouvelle panacea à la mode, jusqu’à ce que le corps ne réponde plus. Alors, comment pouvons-nous sortir de ce cercle vicieux ? me demandez-vous. Pour cela, rien ne sert de chercher la pilule magique ou la solution facile toute faite : elle n’existe pas ! La seule voie possible et durable consiste à rétablir l’équilibre dans notre vie; entre les sorties et les entrées d’énergie, entre les périodes d’activité et de détente, entre donner et recevoir, entre avoir et ÊTRE. Bref, rétablir l’équilibre entre notre polarité masculine actuellement dominante et notre polarité féminine bafouée.

Il faut comprendre en notre for intérieur que la superfemme est une extrapolation caricaturale du superhéros appartenant au monde des bandes dessinées, et non un modèle réaliste à atteindre. Mettons notre costume au rancart une bonne fois pour toutes, et sauvons nous nous-mêmes !

 

RÉFÉRENCES

LARSEN, Pushpa, N.D.; KAPLAN, Michael, N.D.; ALVARADO, Leah, N.D. et Mi-Jung LEE, N.D.
« Hormone Testing: When to Use Serum, Saliva, and Urine », Lac. Townsend Letter

pour les médecins et leurs patients, janvier 2016, http://www.townsendletter.com/Jan2014/hor- mone0114.html.

Adrenal Function Panel, par Rocky Mountain Analyticals,

http://rmalab.com/sites/default/files/tests/instruc- tions/20131203_CI_Adrenal.pdf.