Les traditions alimentaires méconnues du sud-est des États-Unis

Publié le 22 octobre 2018
Écrit par Louis Lapointe et Yves Prescott

Les traditions alimentaires méconnues du sud-est des États-Unis

L’engouement pour le porc effiloché a certes pris une place notoire dans le paysage culinaire du Québec.

 

Pourtant, ce plat typique de la gastronomie des Carolines ne résume pas à lui seul la cuisine du Deep South. En effet, plusieurs légumes, noix et légumineuses offerts chez nous et largement employés dans le sud-est américain gagneraient certes à être mieux connus.

Berceau de l’agriculture américaine, le sud est des États-Unis voit les cultures locales enrichies par l’apport de denrées en provenance de l’Afrique. Le gombo (aussi connu sous les noms de « calalou » et d’« okra ») y a vite été cultivé avec succès. Riche en vitamines et en minéraux, ce légume en forme de trompette aiderait à réduire le cholestérol et à contrôler le diabète. Attention, on ne le mange pas cru, il sert surtout de liant dans de nombreuses soupes dont le célèbre gombo de la Nouvelle-Orléans. On le trouve chez nous au rayon des produits surgelés, frais et plus rarement séchés et notons que les petits gombos sont les plus savoureux.

Autre produit en provenance de l’Afrique, le pois dolique, mieux connu sous le nom de « black-eyed peas », est une légumineuse faisant partie intégrante des repas de fin d’année dans le sud-est des États-Unis ; sa consommation apporte chance et prospérité tout au long de la nouvelle année. Offert en conserve ou en vrac, le pois dolique contiendrait une part importante de nos besoins quotidiens en magnésium, en calcium et en fer. Dans le sud-est des États-Unis, ils font partie des repas quotidiens (soupe, salade, accompagnement, etc.), tant chez les riches que chez les pauvres.

Tout comme le gombo dont il a déjà été question, le haricot rouge contribuerait à lutter contre le cholestérol et le diabète. Le red beans and rice, plat louisianais dont raffolait le grand trompettiste de jazz Louis Armstrong, était traditionnellement servi le lundi ; allons savoir pourquoi ! Fait, comme son nom l’indique, de riz et de haricots rouges, il ne s’agit pas pour autant d’un plat végétarien, puisqu’on y incorpore aussi au moment de la cuisson du jambon ou des andouilles (note : l’andouille de Louisia ne est faite de porc et de riz, contrairement à celle de France, qui contient surtout des viandes fumées).

Il pourrait sembler surprenant de voir ici l’importance du riz (pudding, muffin, jambalaya, etc.), ingrédient que l’on serait porté à associer aux cuisines d’Orient. Cette céréale, hélas peu nutritive, a été exploitée avec succès en Amérique à partir de semences rapportées d’Afrique de l’Ouest et de Madagascar. Ce sont principalement les esclaves de la Sierra Leone et de Sénégambie qui – à compter du XVIIe siècle – ont assuré le succès de cette culture en sol américain ; le riz constituant l’un des piliers de l’alimentation de ces deux zones d’Afrique de l’Ouest.

Les traditions alimentaires du sud-est des États-Unis se sont aussi bâties autour des nombreuses cultures existant déjà à l’arrivée des Européens. Parmi les plus intéressantes, on retiendra bien sûr la pacane, principalement cultivée en Géorgie.

Les vertus associées à cette noix sont légion, que ce soit en ce qui concerne les bienfaits pour la peau, les cheveux et la santé en général ; notamment riche en fer, en fibres et en vitamine B, la pacane est beaucoup plus versatile que ne le suggère son rôle de premier plan dans les desserts hypercaloriques (tarte aux pacanes, pralines, crèmes glacées, etc.). On l’utilise couramment dans les recettes de farces pour la volaille, et leur saveur subtile se marie bien à de nombreux plats de légumes, voire avec les restes de poulet et de dinde. Il est conseillé de les faire rôtir avant de les consommer, ce qui a pour effet d’accentuer considérablement leur saveur.

La chayote (aussi connue sous les noms de « mirliton », de « christophine » et de « chocho»), est un fruit saisonnier dont le goût est plus subtil encore que la pacane. De couleur vert pâle, elle est consommée presque exclusivement en Louisiane. Réputée pour agir sur les graisses abdominales, la chayote est riche en fibres, et en antioxydants. Elle est offerte chez nous pratiquement douze mois par années dans les épiceries hispaniques et asiatiques. Elle est à son meilleur lorsqu’elle n’est pas plus grosse qu’un oeuf, et on la sert de mille et une façons ; gratinée, râpée, cuite à la vapeur… Le regretté Paul Prud’homme, « gourou » de la cuisine cajun* et créole*, précise que la graine de ce fruit est tout à fait comestible et qu’elle se marie bien aux salades.

Impossible de parler de la Louisiane sans parler de la célèbre sauce Tabasco, qui ne vient pas de la province mexicaine du même nom, bien qu’à l’origine, les semences aient été rapportées du Mexique. Commercialisée à partir de 1868, cette sauce longtemps fermentée aiderait à éliminer le gras ; la cuisine de la Louisiane est totalement impensable sans cet apport incendiaire bien que riche en vitamines et faible en sodium. Paraît-il que les Louisianais ne voyagent jamais sans leur bouteille de Tabasco dans leur bagage.

Condiment incontournable du garde manger du peuple cajun, le filé ou sassafras doit être employé avec modération. Il sert notamment à épaissir les sauces, mais doit être incorporé à la toute dernière minute, sinon se formeront des filaments peu appétissants – d’où son nom de « filé ». Le sassafras est essentiellement une plante aux vertus médicinales que les Indiens Choktaw connaissaient depuis toujours. Aussi connu sous le nom de « laurier des Iroquois », le sassafras serait recommandé pour le traitement du rhumatisme, de l’arthrite et des troubles digestifs.

Terminons enfin ce bref tour d’horizon en mentionnant le kale – ou chou frisé – cet ingrédient vedette de certains smoothies. Ce légume est riche en vitamines et, compte tenu de son faible taux de calories, il reste tout indiqué pour les régimes amaigrissants. Néanmoins, le chou frisé doit être consommé avec modération, car tout comme la banane, ce légume possède un taux élevé de potassium.

Avec son goût marqué pour l’hospitalité et sa proximité des Antilles, le Deep South a développé une gastronomie riche en apports les plus divers. Ces ingrédients habituellement peu coûteux pourront nous aider à enrichir notre vocabulaire culinaire et notre répertoire de références en matière d’aliments riches en valeur nutritive.

 

* La cuisine créole se veut plus cosmopolite que la cuisine cajun, qui demeure en théorie une cuisine de subsistance.