Les troubles diverticulaires : quoi savoir ?

Publié le 1 mars 2021
Écrit par Valérie Conway, ostéopathe, Ph. D., ND. A 

Les troubles diverticulaires : quoi savoir ?
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Douleur soudaine au bas gauche de l’abdomen qui augmente progressivement sur plusieurs jours, associée à une sensibilité générale de l’abdomen, à une difficulté à porter une ceinture et à des ballonnements, peut-être reconnaissez-vous ces symptômes. Plus ou moins spécifiques, ces inconforts sont fréquemment retrouvés dans les troubles diverticulaires. Touchant plus de 130 000 Canadiens, leur prévalence est grandement accrue avec l’âge, avec 10 fois plus de risques d’en souffrir s’ils ont plus de 55 ans et 40 fois plus de risques s’ils ont plus de 75 ans [1].

Outre le vieillissement, il semble que l’accroissement de l’apport en sucres raffinés et la réduction de la consommation de fruits et légumes seraient des facteurs de risque prédominant de souffrir de troubles diverticulaires. De façon intéressante, une augmentation des cas dans les pays en développement semble corrélée avec l’occidentalisation de l’alimentation [2]. 

 

L’intérêt clinique d’une prise en charge des troubles diverticulaires par des approches alternatives repose à la fois sur leur fréquence dans la population, mais aussi sur le manque de solutions alternatives non chirurgicales pour les patients. Ce mois-ci, je vous présente les troubles diverticulaires ainsi que les stratégies probantes afin de diminuer les risques d’en souffrir grâce à des approches naturelles.

 

Diverticules, diverticuloses et diverticulites… : quelques définitions

Un diverticule est simplement une excroissance de la paroi intestinale formant une poche (hernie) qui passe, de façon anormale, au-delà de la couche de muscles circulaires lisses de la paroi colique. On parle de diverticulose en présence de diverticules au niveau du colon alors que la diverticulite réfère à l’inflammation des petits culs-de-sac (diverticules) le long du gros intestin.

Affectant 75 % des octogénaires, les diverticules semblent se former au fil du temps en raison de l’affaiblissement de la musculeuse intestinale, créant des zones de faiblesse favorables à la formation de petites protrusions. Puisque ces petites poches se retrouvent à l’extérieur de la circulation normale du chyme alimentaire, elles sont des zones propices à l’accumulation de déchets pouvant s’infecter. Si la diverticulose est en soi un phénomène majoritairement asymptomatique, l’inflammation des diverticules est quant à elle source de douleurs. Les diverticules passent souvent inaperçus et sont découverts fortuitement lors d’un examen complémentaire ou malheureusement lors d’un premier épisode de diverticulite. Heureusement, la diverticulose se compliquerait en diverticulite chez seulement 10 à 25 % de patients ; par contre, à la suite d’un premier épisode, les récidives sont fréquentes [2].

Même si cette complication inflammatoire est relativement rare, elle peut toutefois mener à des symptômes gastro-intestinaux chroniques, par exemple de la douleur, et mener à des complications parfois mortelles ! Plus de 400 Canadiens meurent en raison de complications associées à la maladie diverticulaire chaque année [1]. Chez nos voisins du sud, les diverticulites monopoliseraient environ 5,3 % du budget annuel de chirurgie générale. Elles causeraient 6 % des mortalités chez les patients hospitalisés et 26 % des mortalités périopératoires [3]. Heureusement, il existe des moyens de réduire le risque de formation de diverticules et d’inflammation.

 

Prévention de la constipation par l’alimentation

La pathogenèse des maladies diverticulaires est multifactorielle, et plusieurs facteurs seraient impliqués, par exemple la structure de la paroi du côlon, la motilité colique, la génétique, l’obésité, l’activité physique ainsi que l’apport en fibres alimentaires [2]. Parmi les facteurs de risque modifiables, la prévention de la constipation est le cheval de bataille incontesté en prévention des complications inflammatoires des diverticuloses. Sachez que la constipation chronique provoque une altération de la flore bactérienne colique et augmente les chances de stagnation des matières fécales au niveau des diverticules, pouvant déclencher la cascade inflammatoire menant à la diverticulite [4]. En assurant le mouvement optimal du contenu intestinal, les fibres alimentaires travaillent de concert avec les contractions segmentaires de la musculature intestinale afin de permettre la bonne progression du chyme alimentaire. Les fibres alimentaires augmentent significativement le volume des selles et leur hydratation, ce qui augmente l’efficacité des contractions musculaires et régularise le transit. De plus, un régime alimentaire riche en fibres limite le risque de dysbiose, une autre cause de constipation, et assure la santé du microbiote intestinal [5].

Dans de larges études prospectives, la consommation de fibres s’est avérée capable de réduire le risque relatif de troubles diverticulaires de 38 % [6] et 41 % [7] chez les consommateurs de 30 g de fibres par jour comparativement aux faibles consommateurs (10 g). L’effet protecteur était particulièrement important pour la cellulose, la principale fibre insoluble retrouvée dans les fruits et les légumes [6]. Outre son action mécanique d’augmentation du volume des selles, une partie de la cellulose (environ 40 %) serait fermentée par le microbiote intestinal et participerait donc au soutien de la microflore colique. À l’appui de l’importance des fibres issues des fruits et légumes, une revue de littérature récente soulève un lien entre un régime abondant en produits végétaux versus un régime riches en viande rouge, l’incidence des troubles diverticulaires étant plus faible chez les végétariens [8]. Sachez que la recommandation canadienne officielle est d’ingérer 25 g et 38 g de fibres alimentaires par jour pour la femme et l’homme respectivement.

Toutefois, selon les statistiques canadiennes, la plupart d’entre nous consommeraient entre 10 et15 g de fibres par jour ! Le tableau 1 vous présente la teneur en fibre par 100 g d’aliments. Par exemple, un petit-déjeuner composé d’une tasse de mûres (150 g) et d’une portion normale de gruau d’avoine additionné de 15 ml de graines de chia vous assure de combler la moitié de l’apport journalier visé en vous procurant autour de 15 g de fibres.

Tableau 1 : Teneur en fibres alimentaires (g) dans 100 g de divers aliments

Teneur en g de fibres /100 g d’aliment tel que consommé
Graine de chia / son de blé 35-48 g
Germe de blé / graine de lin / son d’avoine  22-24 g
Pruneau séché / soya 15-16 g
Abricot séché /avoine /chocolat noir / maïs / blé entier 12-14 g
Amande / artichaut cuit / figue / noix de coco / noisette 9-11 g
Arachide / betterave / haricot cuit / graine de sésame / graine de tournesol / pois chiche cuit 8 g
Datte sèche / lentille cuite / pain complet 7 g
Céleri-rave cru / noix de cajou / noix du Brésil / panais / pois chiche (cuit) 6 g
Avocat / fenouil / noix de Grenoble /pois cassé (cuit)  5 g
Chou de Bruxelles / épinard / fève de Lima cuite / fruit de la passion / mangue / mûre / olive / petit pois (congelé) 4 g
Aubergine / brocoli / carotte / chou-fleur / framboise / kiwi / oignon vert / orge / poire / poivron / sarrasin  3 g
Abricot / ananas / asperge / banane / champignon / choux / cresson / fraise / pêche / orange / pamplemousse / patate douce / pomme / prune  2 g

 

Une question de motilité intestinale

La mobilité intestinale est caractérisée par un mouvement pendulaire de va-et-vient rendu possible par la contraction et la relaxation simultanée de segments de l’intestin (figure 1). Ce phénomène physiologique crée temporairement des compartiments isolés où la pression locale à l’intérieur de cette portion du tube intestinal est accrue afin de favoriser la réabsorption de l’eau et l’équilibrage des électrolytes. Par contre, l’élévation de la pression à l’intérieur de la cavité intestinale (le lumen) lors de la segmentation peut également entraîner la formation de diverticules en présence de faiblesses au niveau de la paroi colique (figure 1). 

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Figure 1 – La motilité colique et la segmentation. 

L’analyse de la motilité intestinale, via l’activité myoélectrique, confirme qu’il existe une motilité colique réduite chez les patients atteints de troubles diverticulaires [10]. Une réduction du nombre d’un type de cellules importantes à la génération et à la propagation des ondes électriques, les cellules interstitielles de Cajal, expliquerait la réduction de l’activité myoélectrique chez les individus atteints de troubles diverticulaires. Ainsi, indépendamment de l’apport en fibres alimentaires, il existe une propension physiologique chez certains individus à un intestin plus paresseux [11]. De façon intéressante, l’ajout de son dans l’alimentation s’est avéré capable de normaliser le patron de motilité chez les patients atteints de troubles diverticulaires.

Outre la réduction du nombre de cellules interstitielles de Cajal, un épaississement de la couche de muscles circulaires en raison d’une augmentation de l’abondance de fibres d’élastines (jusqu’à 200 %) provoquerait une réduction de la longueur des fibres musculaires et de leur contractile. De façon similaire, une organisation désordonnée de fibres de collagène a aussi été observée. Cette caractéristique rend les tissus moins élastiques et donc plus susceptibles de subir des ruptures permettant la formation de diverticules [11].

 

Obésité et activité physique

Il semble exister une corrélation entre la prévalence accrue d’obésité dans la population occidentale et l’incidence croissante des troubles diverticulaires [2]. De façon logique, l’obésité induit une hyperpression intra-abdominale pouvant accentuer les risques de hernie. De plus, l’obésité est maintenant reconnue comme une maladie inflammatoire associée à des changements significatifs du microbiote intestinal [12]. Quant à l’activité physique, elle est positivement associée à une réduction du risque de la plupart des troubles gastro-intestinaux en permettant une meilleure gestion du poids et en prévenant l’obésité en plus d’améliorer la qualité du transit intestinal.

Cependant, sachez que la pratique d’activités physiques très vigoureuses telles que la course à pied intensive semble augmenter les risques de maladie diverticulaire, puisqu’elles augmentent significativement la pression intra-abdominale.

 

Quel rôle la génétique y joue-t-elle ?

De façon très intéressante, il semble exister des variations non seulement dans la fréquence des troubles diverticulaires dans la population, mais aussi au niveau des régions anatomiques atteintes selon les populations. Si la présentation la plus commune en Occident est le côlon sigmoïde (72-90 % des cas), les atteintes du côlon ascendant seraient la forme la plus commune en Asie (dans 70 % des cas) ! Fait encore plus intéressant, l’alimentation ne semble pas être le seul facteur pouvant expliquer ces différences. Des études portant sur des populations japonaises ayant émigré à Hawaii et adopté une alimentation occidentale montrent la persistance accrue des diverticules au niveau du côlon ascendant !

Il semble donc exister des facteurs génétiques dernière les troubles diverticulaires. D’ailleurs, une large étude portant sur les jumeaux soutiennent une forte corrélation génétique avec les troubles diverticulaires, cette dernière pouvant expliquer entre 40 et 50 % de l’incidence de ceux-ci [13]. Venant d’autant plus complexifier la compréhension des troubles diverticulaires, une étude génomique récente a permis d’identifier 42 locus associés aux troubles diverticulaires. Sur ceux-ci sont localisés des gènes impliqués dans diverses fonctions cellulaires allant du transport à la fonction immunitaire en passant par la motilité intestinale [14].

Bien qu’il y ait des prédispositions génétiques rendant certains individus plus susceptibles de souffrir de troubles diverticulaires, l’adoption d’une bonne hygiène de vie combinant une alimentation riche en fibres, la gestion du poids corporel par la pratique régulière d’activités physiques ainsi qu’une bonne hydratation s’avèrent la stratégie gagnante pour contrôler les principaux facteurs de risque de trouble diverticulaire. De plus, ces saines habitudes participent toutes au maintien d’un microbiote intestinal diversifié, limitant l’inflammation et protégeant l’intégrité de la paroi intestinale.

 

RÉFÉRENCES

1. Canadian Digestive Health Foundation. La maladie diverticulaire – Statistiques.  [cited 2020; Available from: https://cdhf.ca/fr/digestive-disorders/la-maladie-diverticulaire/statistiques/#:~:text=Plus%20de%20130%20000%20Canadiens,cause%20de%20la%20maladie%20diverticulaire.

2. Rezapour, M., S. Ali, and N. Stollman, Diverticular Disease: An Update on Pathogenesis and Management. Gut Liver, 2018. 12(2): p. 125-132.

3. Steinback, J., G.C. Kane, and B. Bilir, Diverticulosis of the colon in an ambulatory care practice: A large retrospective study looking at incidence. Practical Gastroenterology, 2012. 36: p. 50-55.

4. Boynton, W. and M. Floch, New strategies for the management of diverticular disease: insights for the clinician. Therapeutic advances in gastroenterology, 2013. 6(3): p. 205-213.

5. Narayanan, S. and C. Pitchumoni, Dietary Fiber. Geriatric Gastroenterology, 2020: p. 1-16.

6. Aldoori, W.H., et al., A prospective study of dietary fiber types and symptomatic diverticular disease in men. J Nutr, 1998. 128(4): p. 714-9.

7. Aune, D., et al., Dietary fibre intake and the risk of diverticular disease: a systematic review and meta-analysis of prospective studies. European Journal of Nutrition, 2020. 59(2): p. 421-432.

8. Moubax, K. and D. Urbain, Diverticulitis: new insights on the traditional point of view. Acta Gastroenterol Belg, 2015. 78(1): p. 38-48.

9. Lunn, J. and J.L. Buttriss, Carbohydrates and dietary fibre. Nutrition Bulletin, 2007. 32(1): p. 21-64.

10. Matrana, M.R. and D.A. Margolin, Epidemiology and pathophysiology of diverticular disease. Clinics in colon and rectal surgery, 2009. 22(3): p. 141-146.

11. Bassotti, G., et al., Interstitial cells of Cajal, enteric nerves, and glial cells in colonic diverticular disease. Journal of Clinical Pathology, 2005. 58(9): p. 973-977.

12. Al-Assal, K., et al., Gut microbiota and obesity. Clinical Nutrition Experimental, 2018. 20: p. 60-64.

13. Granlund, J., et al., The genetic influence on diverticular disease–a twin study. Aliment Pharmacol Ther, 2012. 35(9): p. 1103-7.

14. Maguire, L.H., et al., Genome-wide association analyses identify 39 new susceptibility loci for diverticular disease. Nature Genetics, 2018. 50(10): p. 1359-1365.