Les ventouses à travers l’histoire et les différentes cultures

Publié le 7 février 2022
Écrit par Francis Létourneau

Les ventouses à travers l’histoire et les différentes cultures

Connaissez-vous les ventouses thérapeutiques ?

Les ventouses sont cette fameuse technique thérapeutique qui a connu un regain de popularité en 2016. Qu’est-il arrivé en 2016, me demandez-vous ? Michael Phelps, champion olympique en natation, remportait pas moins de six médailles aux Jeux olympiques de Rio, au Brésil. À part cet exploit, un autre élément a retenu l’attention des médias et du public. C’était la présence de ronds disposés selon certains patrons sur son dos et ses épaules.

Plusieurs questions sont alors apparues, et avec raison !

Quelle est la raison de ces marques et leur utilité ?

Est-ce douloureux ?

Qui lui a fait cela ?

Pour répondre à cela, et même bien plus, nous allons voir tout d’abord le volet historique et culturel de la technique des ventouses, afin de placer les choses en perspective. Par après, dans un second article, nous allons aborder cette approche thérapeutique dans une perspective moderne, qui est tout aussi fascinante !

 

Les ventouses : une exclusivité de la médecine traditionnelle chinoise ?

La première fois que j’ai été introduit aux ventouses a été en 2005 chez mon acupuncteur. J’avais été impressionné par l’effet différent qu’elles procuraient. En effet, la sensation ne ressemblait à rien que j’avais connu. Je ressentais un soulèvement de ma peau et un dégagement musculaire, tout cela dans un confort relatif. Après cette séance, je sentais mon dos et mes épaules beaucoup plus légers, fluides, et ma mobilité était meilleure.

Depuis ce jour, les ventouses m’ont intrigué et ont piqué ma curiosité. Parlant de « piquer », avançons en 2009 alors que je commençais ma formation d’acupuncteur au Collège de Rosemont et où j’ai pu apprendre de façon officielle l’utilisation des ventouses thérapeutiques. Comme bien des gens, je croyais que cette technique venait exclusivement de la médecine traditionnelle chinoise, et… je m’étais trompé !

En effectuant une recherche sur le sujet, je me suis rendu compte que plusieurs cultures utilisaient les ventouses. La forme, le matériel utilisé, la terminologie et la grille conceptuelle devenaient des variables qui donnaient une couleur propre à chaque culture. Commençons ce voyage à travers le temps !

 

En Asie

Le savoir se partageait par la tradition orale. Utilisées depuis plus de 3 000 ans, tout comme aujourd’hui, les ventouses pouvaient être utilisées en combinaison avec l’acupuncture, le massage Tui na, la chaleur du Moxa et d’autres instruments tels que la Gua Sha. À ce jour, les premières traces écrites des ventouses dans la médecine chinoise se retrouvent dans Le Classique de la Médecine interne de l’Empereur Jaune (300 av. J.-C.).

Des matériaux variés

Les ventouses pouvaient être fabriquées en différents matériaux, comme le bambou, la pierre Bian, le verre et l’argile, entre autres.

Comment la succion était-elle produite ?

Les ventouses étaient souvent utilisées avec du feu ! Pour cela, les Asiatiques plaçaient un coton imbibé d’alcool sur le bout d’une tige ou de pinces. Ensuite, ils allumaient le coton, l’introduisaient dans la ventouse, et le retiraient rapidement, afin de créer un vide.

Immédiatement après, la ventouse était placée sur le corps du receveur avec un certain niveau de succion. Les ventouses demeuraient sur place pour une durée de temps variable, allant de 5 à 20 minutes et parfois même plus. Elles pouvaient aussi être glissées sur le corps.

Pour quelles raisons utilisaient-ils les ventouses ?

Les raisons les plus communes d’utiliser les ventouses dans ce contexte étaient pour :

  • diminuer les douleurs;
  • favoriser la bonne circulation;
  • éliminer les pathogènes internes (froid, vent, humidité, chaleur, venin).

Il existe aussi une grille d’interprétation des marques de ventouses basée sur la couleur et le type de réaction de la peau (rouge, noir, mauve, blanc, froideur, etc.). Nous y reviendrons dans la suite de cet article.

 

En Égypte

Les ventouses étaient très utilisées dans la médecine égyptienne. Nous en retrouvons la mention dans le papyrus Ebers (1550 av. J.-C.). Même Imhotep, connu comme étant le premier médecin et chancelier du pharaon, préconisait les ventouses. Si jamais vous avez la chance de visiter ce beau pays, passez faire un arrêt au temple de Kôm Ombo. Vous aurez la chance de voir des ventouses sculptées sur ses murs et d’autres instruments médicaux utilisés à l’époque.

Les ventouses étaient utilisées dans plusieurs circonstances :

  • les douleurs musculaires;
  • les troubles menstruels;
  • les problèmes digestifs;
  • la décongestion (en perçant la peau et en appliquant une ventouse par-dessus, ce que l’on appelle des « ventouses humides, saignées ou scarifiées »).

 

En Grèce antique

Hippocrate (460-377), considéré comme le « père de la médecine moderne », a étudié au temple d’Imhotep et a adopté la pratique des ventouses. Les ventouses étaient très utilisées dans le milieu médical grec. Plusieurs autres médecins connus ont intégré cette approche, tels qu’Hérodote et Galien.

La technique était appelée « vendouzes », et les ventouses étaient souvent fabriquées en bronze. Parmi les nombreuses utilisations, notons ces pathologies : toux, rhume, fièvre, douleur, manque d’appétit, troubles menstruels, vertiges, circulation des quatre humeurs du corps.

La technique scarifiée était aussi très utilisée. Celle-ci consistait à faire une légère incision dans la peau et à appliquer immédiatement une ventouse sur la zone. Cette technique était utilisée dans plusieurs circonstances, et plusieurs avantages y étaient vus.

Parlant de différentes visions du corps humain, les ventouses étaient aussi utilisées pour équilibrer les humeurs. Cette théorie d’Hippocrate et de Galien propose que quatre éléments soutiennent l’être humain de manière si intime qu’ils ne peuvent être séparés les uns des autres.

Voici ces quatre éléments et leur représentation dans le corps humain :

  • Le feu, sec et chaud, est donné par la bile jaune secrétée par le foie.
  • L’air, chaud et humide, est transmis par le sang.
  • L’eau, humide et froide, correspond à la lymphe ou le flegme, et est en lieu avec le cerveau.
  • La terre, froide et sèche, correspond à la bile noire née de la rate.

L’équilibre de ces éléments est la condition d’une bonne santé. L’excès de l’un d’entre eux induit quatre « tempéraments » : colérique (bile jaune), sanguin (sang), flegmatique (lymphe) ou mélancolique (bile noire). Cela me fait penser au concept des cinq éléments en médecine chinoise, mais comme les humains travaillent et étudient tous le même corps, il est normal qu’il y ait des ressemblances dans les concepts avec bien sûr des variations dans la façon de les présenter.

 

Le monde arabe et musulman

Avicenne (Ibn Sina), médecin d’influence, recommandait déjà les ventouses dans son livre Canon de la Médecine, daté de 1025. Cette approche thérapeutique était aussi valorisée par le prophète Mohammed, ce qui a grandement contribué à sa diffusion et à sa popularité. Le nom utilisé pour désigner cette technique est « hijama », qui vient du mot « hijm », signifiant « absorber, extraire ».

Les ventouses étaient alors placées sur des points précis où la peau a été préalablement désinfectée et percée légèrement par le thérapeute. J’avoue que la première fois qu’on voit cela, c’est assez impressionnant. Le quart de la ventouse se remplit graduellement de sang, et parfois plus !

 

En Afrique

Je n’ai pas trouvé beaucoup de renseignements sur le sujet, mais plusieurs belles photos anciennes. Voici quelques éléments que j’ai dénichés :

  • Des cornes pouvaient être utilisées. La succion pouvait se faire par une ouverture à la pointe de la corne à l’aide d’une aspiration buccale. Le trou était ensuite bouché avec une sorte de pâte ou gomme, que le thérapeute avait dans sa bouche.
  • Des ventouses à feu étaient utilisées.
  • Des ventouses scarifiées étaient utilisées.
  • Les ventouses étaient pratiquées par le Medicine Man.

 

En Amérique

Les renseignements et les photos étaient encore plus difficiles à trouver que celles pour l’Afrique ! Voici ce que j’ai pu dénicher à ce jour. Les Autochtones utilisaient des ventouses appelées « sucking tubes », qui pouvaient être fabriquées en différents matériaux :

  • cornes vides,
  • coquillages,
  • ocre,
  • stéatite,

 

En Europe du XVIIIe au XIXe siècle

Les ventouses étaient utilisées autant par la royauté que par le peuple, décrites comme un art par certaines références dans le domaine de l’époque (Samuel Bayfield). Le chirurgien Charles Kennedy disait que les bénéfices des ventouses n’étaient plus à prouver (1826). Cependant, vers la mi-1800, un nouveau paradigme médical était en train de s’instaurer, soit celui de traiter par l’interne au lieu de l’externe.

Alors, a commencé une série de remises en question de la pertinence de l’utilisation des ventouses en médecine. D’autres avancées médicales, comme les antibiotiques, la découverte de certains médicaments et la découverte des hormones, ont pu aussi être l’une des raisons de la baisse de popularité des ventouses en Europe après. Mais comme nous le savons maintenant, la popularité ne fait que croître depuis les 20 dernières années !

 

Pour conclure cette première partie

Depuis 2017, je donne de la formation sur la décompression myofasciale avec ventouses. Pratiquement tous les cours, nous avons une participante qui nous dit : « Mes grands-parents m’en faisaient quand j’étais petite ! » Cette anecdote est si souvent entendue venant de gens autant du Québec que de la Grèce, du Cambodge et du Maroc ! À la lumière de ces renseignements, on voit qu’il est bien difficile de savoir avec exactitude qui a inventé la technique des ventouses !

Personnellement, je le vois comme un bel héritage venant de l’humanité dans son ensemble. Toutefois, une question se pose. Est-ce que les ventouses profiteraient d’une telle popularité si ce n’était pas de la médecine chinoise ? Sur ce, je vous invite à découvrir le volet fascinant de l’approche moderne myofasciale des ventouses, dans notre prochain article.

C’est un rendez-vous !