L’inflammation chronique et les pathologies métaboliques du monde moderne

Publié le 21 mars 2016
Écrit par Dre Valérie Conway

L’inflammation chronique et les pathologies métaboliques du monde moderne
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L’inflammation chronique est maintenant reconnue comme une composante commune à plusieurs des pathologies affectant l’homme moderne, à savoir les troubles cardiovasculaires, le cancer et les troubles métaboliques tels que l’obésité et le diabète de type ii.

 

Pourtant, loin d’être néfaste, l’inflammation est essentielle au maintien du bon fonctionnement de l’organisme en assurant la réparation des tissus suivant une infection, ou encore une blessure. Malheureusement, l’inflammation peut, dans certaines conditions, se chroniciser et alors devenir invalidante. Mais qu’est-ce qui différencie l’inflammation bienfaisante de l’inflammation pathologique, et surtout, comment l’organisme peut-il basculer d’un état inflammatoire normal à un état chronique?

 

La biochimie de l’inflammation

Comme introduit précédemment, l’inflammation est en soi une réaction essentielle de protection que met en place notre organisme afin de se prémunir des agressions du monde extérieur. Il existe en fait deux types d’inflammation, dont les finalités sont bien différentes. Premièrement, l’inflammation dite « aiguë » estuneinflammationquisedistingueparsoncaractèrelocalettransitoireetson apparition immédiate suivant une agression. Son but ultime est de neutraliser rapidement les agents agresseurs pour ensuite enclencher le processus de nettoyage et de réparation des tissus. Les agents agressants peuvent être de natures variées, tels que des microorganismes (ex. : virus, bactéries, levure et parasites, etc.), des agents chimiques (ex. : les polluants environnementaux, des toxines, des venins) ou physiques (radiation UV, radicaux libres, blessure, choc thermique), ou des corps étrangers. Les signes typiques de l’inflammation aiguë sont la rougeur, la chaleur, l’enflure, et finalement la douleur, menant à une certaine incapacité fonctionnelle temporaire. Ces manifestations sont en fait les conséquences de l’ensemble des changements microscopiques complexes se produisant spontanément au niveau tissulaire durant le processus d’inflammation.

Brièvement,onobserveendébutd’inflammationunepremièreréponsevasculaire, soit une augmentation localisée de la circulation sanguine au site d’agression. En résultante, il est possible d’observer une rougeur et de ressentir de la chaleur au foyer d’inflammation.

Cette première réaction vasculaire est induite par la production de médiateurs chimiques, soit des molécules sécrétées par nos cellules afin de communiquer entre elles.

Dans un deuxième temps, la perméabilité des vaisseaux sanguins est accrue localement afin de faciliter le passage de nos cellules de défense, les globules blancs, vers les tissus lésés. En augmentant la perméabilité des vaisseaux sanguins, non seulement le flux de globules blancs au foyer d’inflammation est augmenté, mais aussi celui de liquide sanguin (c.-à-d. l’exsudat), provoquant de l’oedème (c.-à-d. l’enflure) et de la douleur. Ce sont ensuite les globules blancs ayant préalablement adhéré à la paroi des vaisseaux sanguins et pénétré dans les tissus lésés qui amorcent la sécrétion d’une panoplie de médiateurs chimiques d’inflammation, par exemple des cytokines et des prostaglandines, venant stimuler la production de cellules immunitaires par l’organisme. D’ailleurs, certains globules blancs, encore en réponse aux médiateurs chimiques, se différencieront en cellules phagocytaires, soit des cellules capables d’avaler et de digérer les corps étrangers.

Ces macrophages participent ainsi à l’étape ultime du processus inflammatoire en entamant la résolution par le nettoyage, la réparation et la cicatrisation des tissus endommagés. Que se passe-t-il lorsque le processus de résolution ne se met pas en branle comme prévu? Qu’advient-il lors d’anomalies dans la régulation des cellules immunitaires ? C’est en fait ce qui se produit dans le cas de l’inflammation dite « chronique », soit un état inflammatoire qui se prolonge dans le temps en  raison de la persistance d’un ou des agents agressants.

 

Quand l’inflammation devient chronique

On considère que l’inflammation devient chronique lorsque les symptômes inflammatoires s’incrustent pendant des mois, voire des années. Cette stimulation excessive du système immunitaire en absence de résolution de l’inflammation provoque un remodelage des tissus touchés. Malheureusement, cette situation se solde souvent en une cicatrisation anormale appelée « fibrose ». Si plusieurs mécanismes peuvent mener à l’inflammation de type chronique, la production continue et anormale de médiateurs d’inflammation ainsi que l’infiltration incontrôlée de macrophages aux suites d’une phase initiale d’inflammation aiguë sont l’une des causes les plus probables. En fait, sans l’enclenchement du processus normal de résolution de l’inflammation, l’organisme n’arrive pas à rétablir son équilibre et les tissus touchés perdent peu à peu de leurs fonctionnalités. Si certains de nos globules blancs ont une courte durée de vie, la différenciation de certains de nos globules blancs en macrophage phagocytaire plus résistant retarde le processus de résolution de l’inflammation et favorise aussi la chronicisation. Peu importe la cause de l’inflammation chronique, le remodelage tissulaire qui en résulte finit par entraver le fonctionnement normal des tissus et des organes touchés et peut mener à une myriade de pathologies telles que l’arthrite rhumatoïde, les maladies inflammatoires de l’intestin, l’asthme, l’Alzheimer, les maladies cardiovasculaires et le cancer.

 

Les maladies d’origine inflammatoires

Parmi les maladies dont l’une des causes sous jacentes est bien souvent de nature inflammatoire, l’obésité et ses complications métaboliques sont sans contredit les plus étudiées de nos jours. En effet, aussi surprenant que cela puisse vous paraître, les scientifiques admettent maintenant la présence d’inflammation chronique dans les tissus adipeux des individus obèses. Vraisemblablement, les tissus adipeux chez l’obèse se caractérisent par une hypertrophie, une augmentation du nombre de cellules adipeuses, ainsi qu’une infiltration de cellules immunitaires productrices de cytokines pro-inflammatoires. D’ailleurs, c’est justement en raison de l’accumulation de macrophages dans les tissus adipeux qu’insidieusement les cellules adipeuses se dérèglent graduellement, menant progressivement aux divers troubles métaboliques liés à l’obésité (c.-à-d. les dyslipidémies, l’hypertension artérielle, l’artériosclérose, la résistance à l’insuline). D’ailleurs, on reconnaît un risque accru de développer un diabète de type II chez les gens pour lesquels des degrés élevés de marqueurs de l’inflammation sanguins ont été mesurés. Ces médiateurs pro-inflammatoires interféreraient avec les signaux régulateurs de l’insuline, empêchant ainsi l’absorption normale du sucre dans la circulation sanguine!

Autre phénomène connexe et tout aussi inquiétant : la production excessive de radicaux libres au foyer inflammatoire. En effet, la présence excessive de molécules pro-inflammatoires induit la génération concomitante et spontanée de dérivés réactifs de l’oxygène (c.-à-d. les radicaux libres).Ce faisant, ces fameux radicaux libres ont pour conséquence de stimuler excessivement le système immunitaire et d’ainsi maintenir le cercle vicieux de l’inflammation. Par exemple, la présence accrue et persistante de prostaglandine, un composé inflammatoire, contribue à la persistance et au maintien de l’état inflammatoire en amplifiant les signaux envoyés de stimuler le recrutement et l’infiltration des globules blancs supplémentaires dans les tissus ! Un cercle vicieux permanent.

 

L’alimentation au secours des troubles de l’inflammation

Sachant maintenant que l’inflammation de type chronique fait partie intégrante des complications de l’obésité, les programmes de prévention basés sur des modifications importantes des habitudes de vie sont donc la solution la plus prometteuse ! D’ailleurs, de façon très encourageante, sachez qu’il est possible de diminuer de façon significative plusieurs des marqueurs d’inflammation en circulation par de simples modifications des habitudes de vie. Par exemple, l’adoption d’un programme d’intervention incluant une saine alimentation et la pratique régulière d’activité physique chez des sujets atteints d’obésité morbide a permis d’améliorer les paramètres métaboliques après seulement 15 semaines, en plus de diminuer le niveau des marqueurs d’inflammation!

L’adhérence à une diète de type méditerranéen, riche en acides gras mono-insaturés ainsi qu’en composés antioxydants, présentant un ratio en acides gras oméga-6 sur oméga-3 très faible, a prouvé son caractère anti inflammatoire dans plusieurs études. La consommation à long terme d’une diète caractérisée par une abondance de fruits, de légumes, de produits de grain sentiers, de noix et d’huile d’olive a permis d’induire une réduction significative de la concentration sanguine des principaux marqueurs d’inflammation, en plus de diminuer la résistance à l’insuline chez des sujets atteints du syndrome métabolique. En effet, lors de cette sérieuse étude, chez près de 60% des 90 sujets du groupe d’intervention, le diagnostic de syndrome métabolique avait totalement disparu deux ans après l’adoption d’une diète de type méditerranéen !

 

Les aliments anti-inflammatoires

L’adoption d’un régime alimentaire équilibré, composé à 50% de fruits et de légumes, à 25% de protéines de bonne qualité et à 25 % de produits céréaliers de grains entiers, combinée à la pratique régulière d’activité physique (30 minutes par jour, à une intensité modérée) reste la meilleure solution afin de se prémunir contre l’inflammation chronique, les troubles métaboliques et le stress oxydatif. Évitez les aliments préparés le plus souvent possibles, carils sont généralement riches en acides gras oméga-6, en sel, en sucres et en calories, en plus de contenir plusieurs additifs et colorants chimiques pouvant représenter une certaine toxicité pour l’organisme.

Les aliments caractérisés par leur teneur en acides gras oméga-3, tels que les poissons à chair grasse, sont des précurseurs de médiateur chimique antiinflammatoire à adopter de façon régulière. La consommation abondante de thé, d’aliments riches en acide gras mono-insaturé tels que les noix, l’avocat et l’huile d’olive, sont aussi des promoteurs de bonne santé à introduire dans votre alimentation. Évitez la consommation de charcuterie et limitez la consommation de viande rouge à deux portions par semaine. Consommez deux à trois portions de produits laitiers par jour, idéalement sous forme de produits fermentés comme le yogourt et le kéfir. En effet, les aliments stimulant une bonne microflore intestinale limiteraient de beaucoup l’inflammation. Le plus important, veillez à consommer une abondance de fruits et de légumes, soit vos 8 à 10 portions tous les jours. En effet, comme le stress oxydatif est un promoteur de l’inflammation, tous les aliments aux vertus antioxydantes tels que les phytocomposantes des végétaux auront aussi des bienfaits contre l’inflammation. La consommation modérée de vin rouge et de chocolat noir (>70%decacao) font aussi partie d’un régime anti-inflammatoire.

  • Activité physique(150 à 250 minutes d’activité d’intensité modérée par semaine)
  • Une alimentation saine et équilibrée
  • Gestion du niveau de stress
  • Hygiène de sommeil(>7h par nuit)

 

En conclusion

En reconnaissant le rôle prépondérant du processus inflammatoire dans le développement des maladies chroniques du monde moderne, il est maintenant possible pour la communauté médicale de mettre en place de nouvelles stratégies de prévention de ces maladies pour lesquelles les saines habitudes de vies se doivent d’être la pierre angulaire. Quoique les campagnes de sensibilisation soient de plus en plus nombreuses, il n’en reste pas moins que 49%de la population adulte canadienne reste sédentaire et que plus de 60% des hommes et 46% des femmes font face à un risque accru pour la santé en raison d’un excédent pondéral au Canada !

 

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