Le poisson : bon ou mauvais pour votre santé ? – PARTIE 2

Publié le 22 février 2018
Écrit par Dre Valérie Conway

Le poisson : bon ou mauvais pour votre santé ? – PARTIE 2
Expo manger santé Quebec

Dans la première partie de cet article, nous avons discuté de la problématique entourant la contamination des poissons et fruits de mer par le mercure et les risques potentiels associés à ce polluant.

 

 

En fait, le poisson est la principale cause de contamination au mercure chez l’humain et le mercure est un contaminant hautement toxique ! Considérant la contamination quasi inévitable des produits marins par le mercure, vaut-il mieux s’abstenir d’en consommer ? Les produits marins présentent-ils des risques sanitaires pour les enfants et les femmes enceintes?

Dans cette deuxième partie, nous poursuivrons ensemble l’analyse de la question et tenterons de confronter les données probantes supportant les bien faits associés à une consommation régulière de poisson à celles supportant plutôt les effets délétères lui étant associés en raison des polluants environnementaux qui contaminent sa chair.

Commençons par un petit retour sur le mercure et ses effets sur la santé humaine.

 

Retour sur le mercure

Le mercure est un élément hautement réactif et toxique retrouvé dans l’environnement essentiellement sous deux formes : sa forme non organique peu absorbable et sa forme organique hautement absorbable et toxique, le méthylmercure. Tous les poissons, organismes aquatiques et organismes piscivores, de petits à gros, contiennent du méthylmercure jusqu’à un certain point. Par contre, leur niveau de contamination varie grandement selon leur teneur en matières grasses, les plus touchés étant les grands prédateurs à chair grasse comme le requin, l’espadon et le thon, ainsi que les oiseaux et mammifères ichtyophages tels que l’ours polaire, le phoque et le dauphin. La bioaccumulation le long de la chaîne alimentaire est proportionnelle à la quantité de poisson ingérée, elle-même fonction de la taille et de l’espérance de vie des espèces. Puisque le méthylmercure persiste dans l’environnement, on estime que la concentration en méthylmercure dans les différentes parties des espèces ichtyophages a subi un facteur multiplicateur de cinq depuis le début de l’industrialisation, en 1860, période où les émissions de mercure ont atteint leur apogée par l’utilisation industrielle du charbon comme source de combustible et l’utilisation du méthylmercure comme fongicide en agriculture.

L’une des caractéristiques rendant le méthylmercure très dommageable pour la santé réside dans sa capacité à franchir la barrière hématoencéphalique, soit la barrière physiologique empêchant généralement les contaminants et les agents pathogènes de passer de la circulation sanguine vers le cerveau. De façon similaire, le méthylmercure passe la barrière placentaire chez la femme enceinte et peut aisément atteindre le foetus et cheminer jusqu’au lait maternel. C’est ainsi que l’exposition à des concentrations élevées de méthylmercure durant la période intra-utérine est connue pour provoquer des troubles de neuro développement marqués chez l’enfant. Par contre, si l’on remet ces renseignements en contexte, ces cas d’exposition aiguë ont seulement été rapportés à la suite d’une consommation

régulière de produits alimentaires hautement contaminés au mercure(de 5,6à35,7mg/ kg), comme dans le cas de l’incident de la baie de Minamata, au Japon, dans les années 1950, où plus de 1000 sujets ont péri suivant la consommation de poissons contaminés, ou en Iraq, en 1971, où plus de 450 individus sont décédés suivant l’ingestion de céréales gravement contaminées au méthylmercure. Tenez-le pour dit, l’effet d’une contamination chronique résultant de la consommation typique de poisson est bien en deçà de ces valeurs extrêmes !

 

Le poisson vendu au canada, sécuritaire ou pas ?

En raison des préoccupations entourant la présence de méthylmercure dans certaines espèces de poissons et devant la diversité croissante d’espèces marines consommées par les Canadiens, Santé Canada a revu en 2007 ses normes de surveillance quant aux teneurs limites acceptables de mercure dans les produits marins du commerce. Ainsi, l’Agence canadienne d’inspection des aliments, en respect de la Loi sur les aliments et drogues, surveille rigoureusement non seulement la teneur en mercure dans le poisson canadien, mais aussi celle de tous les poissons et mollusques (d’eau douce ou marine) issus d’importation et en vente sur les marchés canadiens. Depuis la mise à jour de 2007, la limite maximale fixée à 0,5mgde mercure / kg (0,5 ppm) s’applique à toutes les espèces de poissons et mollusques. À noter que cette mise à jour vient remplacer l’exception touchant autrefois le requin, l’espadon et le thon frais ou congelé vendus au Canada. Vous pouvez donc être assuré que les poissons vendus dans  les supermarchés sont tous sous la limitede0,5ppm (0,5mg/ kg) sans exception !

Pour les poissons issus de la pêche sportive, soumise à aucune réglementation, sachez qu’il existe le  Guide de consommation du poisson de pêche sportive en eau douce. Ce document, disponible sur le site du ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques, présente des recommandations spécifiques aux poissons d’eau douce, lesquels n’ont bien évidemment pas été soumis aux contrôles rigoureux de l’Agence canadienne d’inspection des aliments. Notez qu’il est aussi important de consulter la page web du ministère pour les dernières mises à jour et recommandations.

Poissons d’élevage ou poissons sauvages ?

Si les volumes mondiaux de poisson issus de la pêche commerciale sont restés plutôt stagnants (90millions de tonnes / an) depuis les 20 dernières années en raison de l’atteinte, voire le dépassement des stocks disponibles, l’aquaculture a quant à elle subi un essor considérable. Sachez que la vaste majorité du saumon sur le marché provient d’élevage. En fait, la FAO estime que l’aquaculture fournit 50% du poisson disponible pour la consommation humaine !En raison de l’alimentation non conventionnelle des poissons d’élevage, plutôt composés d’huiles végétales que d’huile de poisson, les espèces issues de l’aquaculture sont généralement moins contaminées que les spécimens sauvages. En contrepartie, cette alimentation module négativement le ratio oméga-3 sur oméga-6 retrouvé dans leur chair. Une étude ayant comparé le saumon de l’Atlantique sauvage à celui d’élevage a révélé une concentration d’oméga-3 plus de deux fois supérieure chez les spécimens sauvages (0,037 mg / kg contre0,015mg / kg).

 

Que nous recommande santé canada ?

Santé Canada, en accord avec le Guide alimentaire Canadien, recommande malgré tout de consommer un minimum de deux portions de poisson gras chaque semaine, soit l’équivalent d’au moins 5 onces (150 grammes cuits ou 180 grammes crus). Cette recommandation assure un apport journalier minimal souhaitable fixé au Canada qui se situe entre 300 et 500mg/jourd’acidesgrasoméga-3, soit la combinaison d’acide docosahexanoïque (DHA) et d’acide eicosapentanoïque (EPA). Sachez toute fois que cet apport enacides grasoméga-3 serait nettement inférieur à la valeur optimale ! Selon plusieurs chercheurs, un apport optimal se situerait plutôt autour de 1000mg / jour, voire un minimum de 2000mg / jour pour l’obtention d’une action anti-inflammatoire adéquate ! Une cible adéquate en prévention secondaire serait beaucoup plus élevée chez la population vieillissante, soit de 3500 à 4000mg / jour. De façon générale, on considère que 4 onces de poisson maigre apportent entre 200 mg et 300 mg d’oméga-3 marins et entre 1500 à 3000mg pour les poissons gras. Ce faisant, la consommation régulière de 9 oz (250g) de poisson riches en oméga-3 par semaine (saumon, sardine, anchois, hareng) serait nécessaire à l’atteinte de la cible de 1000mg / jour. Loin d’être excessif, cet apport est en accord avec les recommandations américaines, qui suggèrent pour la population adulte générale de consommer hebdomadairement 8 onces de poisson et de 8 à 12 onces chez la femme gestante ou allaitante.

 

Quels poissons choisir ?

Santé Canada, comme les données probantes de la littérature scientifique le démontrent clairement, soulève que les bénéfices de la consommation de poisson sont si importants qu’ils compensent aisément les risques liés au faible taux de méthylmercure qu’il contient. Par contre, il est vrai que certaines espèces de poisson sont plus à risque que d’autres pour la santé, et c’est pour cette raison que de nouvelles normes ont été émises. En gros, pour ceux qui souhaitent consommer les poissons les plus susceptibles d’être contaminés, il suffit d’en limiter la consommation aux quantités présentées au tableau 1. Si nécessaire, il suffit de compléter l’apport hebdomadaire de poisson recommandé en choisissant d’autres espèces moins à risque. Seules les espèces de poissons figurant sur la liste font l’objet d’une recommandation de limitation de consommation au Canada.

 

Toujours pas convaincu ?

La Food and Drug Administration (FDA) relève dans un rapport conduit en 2014 que la consommation de 1 à 3 repas de poisson par semaine (minimum 3 onces / repas) pour la vaste majorité des produits de la pêche offerts n’induit pas une exposition importante au méthylmercure. Même lorsque ces produits sont consommés en quantité considérablement plus élevée, les équations de prédictions confirment un risque minimal si on le compare aux effets délétères d’une faible consommation hebdomadaire de poisson ! Il vous faudrait ingérer l’équivalent de120sandwiches au thon pâle chaque semaine pour atteindre le seuil minimal requis à l’apparition de certains troubles cognitifs dus à une exposition au méthylmercure.

Une façon simple de bénéficier au maximum de la consommation régulière de poisson tout en évitant les risques, aussi minimes soient-ils, est de vous en tenir aux espèces de poissons, de mollusques et de crustacés les plus riches en acides gras oméga-3 tout en étant faiblement contaminés au méthylmercure. Parmi les choix gagnants, mentionnons les anchois, le capelan, l’omble, le merlu, le hareng, le maquereau, le meunier noir, la goberge, le saumon, l’éperlan, la truite arc-en-ciel, le corégone, le crabe, la crevette, la palourde, la moule et l’huître.

De façon très intéressante, une étude réalisée par un groupe de recherche de l’Université de Montréal indique que la cuisson et la consommation de boissons riches en  polyphénols telles que le thé vert permettent de réduire considérablement la bioaccessibilité du méthylmercure, et donc votre exposition potentielle à ce contaminant. Ainsi, priorisez d’autant plus les espèces faiblement contaminées telles que le saumon pour vos tartares et sushis et accompagnez votre repas d’un bon thé vert pour compenser l’absence de cuisson de votre repas. Encore inquiet ? Choisissez les modes de préparation permettant de réduire au maximum la teneur en lipides, par exemple la cuisson vapeur ou dans l’eau, en éliminant bien évidemment l’eau de cuisson, et retirez le plus possible le gras visible dans vos pièces de poisson. Avec ces quelques trucs simples, vous éviterez de vous priver de tous les bénéfices des produits de la mer, dont leur apport en vitamines D et B12 ainsi que celui d’une multitude de précieux nutriments, tels le sélénium, l’iode, le magnésium, le fer et le cuivre.

 

POUR CONCLURE

Les niveaux de mercure dans les poissons vendus sur le marché canadien sont hautement contrôlés par des normes strictes, parmi  les plus rigoureuses et les plus préventives au monde. Chez la population en général, la consommation de poisson riche en acides gras oméga-3 réduit considérablement le risque de souffrir des maladies cardiovasculaires et le risque de mortalité lui étant associé, alors que les preuves indiquant un risque pour la santé cardiovasculaire de l’exposition au méthylmercure sont bien faibles et  peu concluantes. Considérant que, selon l’Organisation mondiale de la santé, les maladies cardiovasculaires sont la première cause de mortalité dans le monde (54 %), le choix pour la population générale s’avère clair ! Par contre, pour les amateurs de pêche sportive, pour les femmes souhaitant avoir des enfants, enceintes ou allaitantes ainsi que pour les enfants, il est prudent de respecter les recommandations quant à la consommation des espèces de poisson plus à risque proposées par Santé Canada.

 

Références

Disponibles à la demande du lecteur.