Lorsque l’arachide sort de son écale

Publié le 27 septembre 2022
Écrit par Louis Lapointe et Yves Prescott

Lorsque l’arachide sort de son écale
Expo manger santé Quebec

L’arachide, bien que connue de tous, reste un aliment sous-utilisé, dont l’emploi se résume généralement chez nous à un beurre à tartiner, à moins qu’elle ne soit servie rôtie et salée comme collation.

 

Mais l’arachide est bien plus que cela. Selon les nombreuses théories, cette légumineuse, puisqu’il ne s’agit pas d’une noix, serait originaire du Pérou, du Brésil, de Chine ou de l’Afrique subsaharienne. Chose surprenante, le plus grand producteur mondial à l’heure actuelle serait les États-Unis (?), et la culture de l’arachide est en grande partie restreinte aux états du sud ; ici aussi, les recettes faites à base de cette légumineuse sont plutôt limitées, ce qui n’est pas le cas ailleurs dans le monde.

En Bolivie, on en fait une soupe nourrissante (sopa de mani), alors que dans les Antilles, le peanut punch (sorte de smoothie) connaît moult adeptes. En Indonésie, la cacahuète sert dans la réalisation de vinaigrette pour salades dites gado gado, en plus de constituer la base essentielle d’une sauce d’accompagnement pour les brochettes satay.

En Inde, l’arachide constitue l’ingrédient important d’amuse-gueules de type chaat, de plats de légumes et de salades, alors que dans l’espace andin, le cochon d’Inde est nappé d’une sauce à l’arachide, plat jadis réservé à la noblesse en Bolivie, au Pérou et en Équateur. Cette recette s’est démocratisée au fil du temps, et les livres de recettes latines suggèrent même une variation intéressante à base de lapin.

En Chine et au Vietnam, les adeptes du bouddhisme emploient la cacahuète comme source de protéines, alors qu’aux Philippines, les arachides se retrouvent surtout dans les gâteaux et la crème glacée, à moins qu’on ne les consomme bouillies dans l’eau salée ou frites avec de l’ail.

 

C’est vraisemblablement au sud du Sahara que la cacahuète est utilisée avec le plus d’enthousiasme et d’imagination, et pour cause. Deux des cinq plus grands producteurs sont situés en Afrique, soit le Nigeria et le Sénégal, où cette culture est encadrée par une fraternité musulmane depuis le 19e siècle. On transforme cette légumineuse en soupe, en ragoût, en gâteau, en plus d’accompagnement à toutes sortes de légumes.

Quelques recettes africaines sont faites à partir de farine d’arachide, et ce produit, disponible chez nous et souvent importé du Rwanda, emploie 30 % de la masse de cet aliment, soit la protéine dont on a extrait le gras. Ce gras est bien sûr l’huile d’arachide, riche en vitamine E et en antioxydants, incidemment considérée comme excellente pour la friture.

Anecdote intéressante au sujet de cette huile, à la fin du 19e siècle, les consommateurs d’Angleterre étaient méfiants à l’égard d’importations peu connues et les marchands astucieux la vendaient simplement comme huile d’olive.

Mais quelle est la différence entre cette farine de cacahuète et la poudre de beurre d’arachide, que l’on retrouve désormais dans les magasins en vrac aussi bien que sur les tablettes d’épicerie ? La réponse est simple : on ajoute parfois, avant la mise en marché de la poudre de beurre d’arachide, du sel, du sucre et d’autres additifs. De plus, elle contient une certaine quantité de gras, contrairement à la farine d’arachide, qui, elle, en est complètement exempte.

 

Impossible de parler de la cacahuète sans faire mention des allergies alimentaires causées par l’épitope, protéine responsable de cette réaction pouvant avoir des conséquences très sérieuses. Selon les données du gouvernement canadien, ce serait le cas de 1,2 % de la population. L’Australie serait le pays où on connaît le plus haut taux d’allergie à l’arachide.

À leur intention, il existe des substituts faits de soya, d’huile de palme ou de biscuits spéculoos moulus. On notera que les spéculoos sont des biscuits épicés habituellement consommés à la Saint-Nicolas aux Pays-Bas et en Belgique. On accuse souvent ces substituts d’être un peu trop sucrés.

 

Contrairement à ce que l’on pourrait penser, le « vrai » beurre d’arachide n’est pas fait à partir d’une recette standardisée. En Hollande, on combine le son et la légumineuse d’une couleur beaucoup plus sombre que les marques disponibles en Amérique du Nord, alors qu’aux Philippines, le sucre domine le goût de cette tartinade.

On a même mis sur le marché des variantes adaptées au goût du 21e siècle, soit l’incendiaire mariage cacahuète-piment fort. Mais peu importe sa provenance ou les ingrédients employés, c’est le chimiste montréalais Marcellus Gilmore Edson qui aurait créé le beurre d’arachide, bien que nos voisins du sud préfèrent l’attribuer à un des leurs, soit John H. Kellogg, dont les céréales sont synonymes du rituel du petit-déjeuner.

Toutefois, la paternité d’un goûter quelque peu surprenant trouve sans équivoque ses origines aux États-Unis. Depuis les années 20, les cols bleus du Texas, incapables de se laver les mains à l’heure de la pause, remplissaient au préalable leur bouteille de boisson gazeuse avec le contenu des sachets de cacahuètes vendus dans les stations-service et les dépaneurs, évitant ainsi toute manipulation. Loin d’être une mode passagère, il existe un engouement indéfectible pour ce mélange dans les états du sud des États-Unis.

 

On arrive parfois à trouver des arachides fraîches ou congelées au Québec. Elles proviennent généralement des États-Unis, puisque la production ontarienne est vendue sous forme de produit transformé ; on notera que cette culture, pratiquée au sud de l’Ontario, remonte à environ 1979. Au Québec, le Jardin d’Edem, établi à East Farnham, constitue ce qui serait l’entreprise artisanale la plus nordique de la culture arachidière.

On doit enfin souligner deux usages peu connus de la cacahuète. Les rations produites dans l’État américain de la Géorgie sont employées dans la lutte contre la malnutrition. Ces rations sont composées d’une pâte d’arachide dans laquelle on a ajouté du lait, des vitamines et des minéraux essentiels.

Par ailleurs, les cacahuètes destinées à être rôties et salées et ne correspondant pas aux critères « esthétiques » dans le domaine de l’alimentation seront, quant à elles, acheminées vers un autre type de marché, soit celui de mélanges pour oiseaux. Ces produits sont populaires en saison hivernale, alors que la nourriture se fait rare pour les volatiles qui hésitent à migrer plus au sud.