Publié le 15 juin 2023
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.
Fortement influencée par l’approche dualiste cartésienne, la pensée populaire occidentale tend à établir une distinction de nature entre les états mentaux relevant de l’activité de l’esprit et les états physiques se réalisant dans le corps. Selon Descartes, tous deux sont concevables séparément, et c’est malheureusement sur cette vision fragmentée de l’être humain que s’est construit tout l’édifice de la médecine conventionnelle.
C’est d’ailleurs surtout cette différence de paradigme qui distingue cette dernière des approches complémentaires en santé qui reposent sur une vision holistique de l’individu. Curieusement, on entend beaucoup moins parler du fait que Descartes lui-même soutenait la thèse interactionniste qui stipule que les états mentaux ont une efficacité causale sur les états physiques, et vice-versa[i]. Qu’en savons-nous aujourd’hui ? Notre biographie s’inscrit-elle réellement dans notre biologie ?
Molécules d’émotion
Il aura fallu attendre jusqu’à la parution du révolutionnaire ouvrage de la neuroscientifique et neurophysiologiste Candace B. Pert intitulé Molecules Of Emotion: The Science Behind Mind-Body Medicine[1] en 1997 pour comprendre comment nos pensées et nos émotions affectent notre santé et de quelles façons nos expériences de vie influencent notre biologie[ii].
Comme Pert l’a expliqué, les neurotransmetteurs appelés « peptides » transportent des messages émotionnels qui modifient la chimie des cellules de notre corps[iii]. Ce processus est reconnu par la science, mais il n’explique pas comment les émotions d’une personne peuvent affecter une autre personne et le monde en général. Pour cela, nous devons élargir notre pensée au-delà de la chimie pour inclure la physique et les vibrations. Les neurotransmetteurs sont non seulement des substances chimiques, mais ils portent aussi une charge électrique. Les signaux électriques dans notre cerveau et notre corps affectent la façon dont les cellules interagissent et fonctionnent via un réseau de sites récepteurs. Lorsque le récepteur est activé par une « molécule d’émotion » correspondante, il passe une charge dans la cellule en modifiant la fréquence électrique de la cellule ainsi que sa chimie[iv]. Toujours selon Pert, le corps possède lui aussi une charge électrique comme un électroaimant générant un champ qui envoie divers signaux électriques ou vibrations.
Bien que les molécules d’émotion aient permis d’expliquer l’influence des émotions sur notre biochimie et nos vibrations, plusieurs éléments manquaient toujours à notre compréhension. Nos émotions s’inscrivent-elles réellement dans notre biologie et si oui, par quel moyen ?
Épigénétique
C’est ici qu’entre en scène Bruce Lipton, un biologiste cellulaire, ancien professeur à la Faculté de médecine et chercheur à l’Université de Stanford. En 2005, Lipton publie le best-seller Biology of Beliefs[2] traitant de l’épigénétique, une branche de la biologie qui étudie les mécanismes modifiant l’activité des gènes[v]. Cette nouvelle science a remis en cause le dogme de la biologie moléculaire et de la théorie de l’évolution darwinienne.
En effet, contrairement au déterminisme génétique qui fait de nous des victimes de la loterie génétique, l’épigénétique démontre que nous sommes capables d’intervenir sur notre propre biologie. Selon Lipton, c’est notre environnement, y compris les messages énergétiques émanant de nos pensées positives ou négatives, plus que nos gènes qui influence notre métabolisme.
Ainsi, les expériences de la petite enfance, les traumatismes, mais aussi les mécanismes mentaux qui vous ont été inculqués agissent sur votre santé. Selon ce postulat, nous détenons le pouvoir de changer le cours de notre vie, et notre corps peut se modifier si nous changeons notre mode de pensée.
Expériences négatives durant l’enfance
Si certains doutes concernant l’impact de notre environnement sur nos gènes subsistaient, ils ont certainement été pulvérisés par une étude révolutionnaire portant sur les expériences négatives durant l’enfance (ENE)[3] menée sur 17 000 adultes en 1995 par les Centers for Disease Control et l’organisation de soins de santé Kaiser Permanente en Californie[vi]. L’étude CDC-Kaiser Permanente sur les ENE est l’une des plus grandes enquêtes ayant évalué l’impact de la maltraitance et la négligence infantiles ainsi que le dysfonctionnement domestique sur la santé et le bien-être plus tard dans la vie[vii]. Les principales conclusions extraites de dizaines d’études utilisant les données originales des ENE nous ont permis d’apprendre que : (1) plus des deux tiers de la population déclarent avoir expérimenté un ENE, et près d’un quart en ont expérimenté trois ou plus ; (2) il existe une forte et persistante corrélation entre le nombre élevé d’ENE et le taux d’adversité plus tard dans la vie, y compris un risque considérablement accru de maladie cardiaque, de diabète, d’obésité, de dépression, de toxicomanie, de tabagisme, de mauvais résultats scolaires, de temps sans travail et de décès prématuré. Felitti, le principal chercheur, conclut : « Nous avons constaté que de telles expériences négatives de l’enfance sont assez courantes, bien que généralement cachées et non reconnues ; qu’elles ont encore un profond impact un demi-siècle plus tard, bien qu’elles aient été transmutées d’expérience psychosociale en maladie organique ; et qu’elles sont le principal déterminant de la santé et du bien-être social de la nation[viii]. »
Conclusion
Le paradigme médical conventionnel qui repose sur la dualité cartésienne séparant le corps et l’esprit ne tient aucunement compte d’importantes découvertes scientifiques telles que le rôle des émotions, du champ énergétique, de l’épigénétique ou encore, de l’impact d’événements négatifs vécus durant l’enfance sur notre santé. Pour entrer pleinement dans ce nouveau paradigme, il faut renoncer au rôle de victime de nos gènes ou du hasard et endosser celui de cocréateur de notre destin. Lorsque nous reconnaissons que nous avons la capacité de changer non seulement nos habitudes de vie et notre environnement, mais aussi ce que nous pensons ou ressentons, nous commençons à assumer une plus grande responsabilité envers notre santé.
Nous devenons les auteurs de nos vies et si le scénario ne nous plaît pas ou ne fonctionne pas bien, nous avons la liberté de le réécrire. La quête d’une plus grande cohérence entre ce que nous sommes, ce que nous faisons et ce que nous disons permet une meilleure circulation énergétique et un accroissement de l’harmonie intérieure qui se traduit par une amélioration de notre santé. Chaque journée nous offre l’occasion d’agir sur notre biographie de différentes façons afin de modifier notre biologie.
RÉFÉRENCES :
[1] Molécules d’émotion : la science derrière la médecine corps-esprit.
[2] La Biologie des croyances.
[3] Traduction d’Adverse Childhood Experiences souvent désignées par l’acronyme « ACE ».
[i]https://fr.wikipedia.org/wiki/Dualisme_cart%C3%A9sien#:~:text=L’esprit%20est%20une%20substance,deux%20sont%20donc%20concevables%20s%C3%A9par%C3%A9ment.
[ii] Foss L. The necessary subjectivity of bodymind medicine: Candace Pert’s molecules of emotions. Adv Mind Body Med. 1999 Spring;15(2):122-34. doi: 10.1054/ambm.1999.0161. PMID: 10367495.
[iii] Pert, Candace B. Molecules of Emotion: The Science Behind Mind-Body Medicine. 1997
[iv] https://www.6seconds.org/2007/01/26/the-physics-of-emotion-candace-pert-on-feeling-good/
[v] Lipton, B. H. (2005). The biology of belief: Unleashing the power of consciousness, matter and miracles. Mountain of Love/Elite Books.
[vi] Felitti VJ, Anda RF, Nordenberg D, Williamson DF, Spitz AM, Edwards V, Koss MP, Marks JS. Relationship of childhood abuse and household dysfunction to many of the leading causes of death in adults. The Adverse Childhood Experiences (ACE) Study. Am J Prev Med. 1998 May;14(4):245-58. doi: 10.1016/s0749-3797(98)00017-8. PMID: 9635069.
[vii] Adverse Childhood Experiences (ACEs) Center for Disease Control and Prevention. https://www.cdc.gov/violenceprevention/aces/index.html
[viii] Felitti VJ. Belastungen in der Kindheit und Gesundheit im Erwachsenenalter: die Verwandlung von Gold in Blei [The relationship of adverse childhood experiences to adult health: Turning gold into lead]. Z Psychosom Med Psychother. 2002;48(4):359-69. German. doi: 10.13109/zptm.2002.48.4.359. PMID: 12407494.