L’utilisation de pesticides en forte hausse au Québec

Publié le 16 mars 2016
Écrit par Gabriel Parent-Leblanc. B. Sc., M. Env.

L’utilisation de pesticides en forte hausse au Québec

Effectivement, on épand aujourd’hui plus de 2kg d’ingrédients actifs sur chaque hectare (10 000 m2) de culture par année. De plus, la quantité de glyphosates vendus aux agriculteurs a augmenté de 27% entre 2006 et 2012 (de 999 584 à 1 712 684 kg). Or, cet herbicide de Monsanto, mieux connu sous le nom de Roundup, a été identifié comme étant un produit potentiellement cancérigène chez l’humain par le Centre international de recherche sur le cancer de l’Organisation mondiale de la santé.

Comme l’utilisation des pesticides augmente, leur présence dans l’environnement fait de même. Le ministère du Développement durable, de l’Environnement et de la Lutte contre les changements climatiques (MDDELECC) analyse la qualité de l’eau en région agricole toutes les années.

 

« Dans près de 100% des échantillons, le ministère de l’Environnement a retrouvé de l’atrazine, du glyphosate, des néonicotinoïdes ou encore du S-Métolachlore, qui sont tous en tête de la liste des produits à risque pour l’environnement et la santé, établie par le gouvernement ».

Mentionnons que l’utilisation de l’atrazine est interdite depuis 10 ans en Europe, mais toujours permise ici. Le MDDELCC classe cet herbicide comme « l’ingrédient actif à usage agricole le plus à risque pour l’environnement et pour la santé ». (voir tableau 1).

L’élément le plus inquiétant, cependant, est l’utilisation massive d’une nouvelle gamme de pesticides : les néonicotinoïdes. Ces dérivés de la nicotine interfèrent avec le système nerveux central des insectes, causant la paralysie puis la mort. Très efficaces contre les insectes indésirables, ces produits semblent trop peu sélectifs dans leurs cibles.

Effectivement, la communauté scientifique a émis l’hypothèse que l’utilisation de ces pesticides représentait la cause du syndrome d’effondrement des colonies de pollinisateurs. Depuis le milieu des années 2000, il y a en effet une mortalité extrême dans les colonies d’abeilles un peu partout dans le monde. N’oublions pas qu’en plus de produire du miel, les abeilles assurent la pollinisation de nos cultures.

 

Les néonicotinoïdes, un danger pour les insectes, mais pour nous aussi

Ces pesticides ont une méthode de dispersion bien unique; les semences en sont enrobées, si bien que les composés se retrouvent dans toutes les parties des plantes. Cette méthode était censée révolutionner le monde de l’agriculture : plus besoin d’épandre ses pesticides ! Toutefois, cet enrobage d’insecticides doit se dissoudre dans l’eau pour être absorbé par les plantes. Seule une infime fraction du produit se retrouve à être absorbé par la plante, le reste est emporté par l’eau de ruissellement. De plus, les pesticides sont utilisés partout et en tout temps pour des fins de « prévention » ! Fini, le temps où les pesticides n’étaient utilisés qu’en cas d’infestation d’insectes nuisibles. L’augmentation de l’utilisation des pesticides est donc en partie reliée à l’utilisation des néonicotinoïdes.

Actuellement, presque 100 % du maïs et de 50 à 75 % du soya cultivés au Québec sont traités aux néonicotinoïdes. Cela représente 650 000 hectares de terres cultivées. Or, ces pesticides n’affectent pas seulement les abeilles. Une très large gamme d’insectes sont affectés, dont un autre très important, le ver de terre. En plus d’être un décomposeur essentiel, celui-ci remplit un rôle à la base de la chaîne alimentaire pour plusieurs espèces, dont les oiseaux. Marc Bélisle est un chercheur à l’Université de Sherbrooke étudiant le déclin des hirondelles bicolores. Ses études confirment que la croissance des oisillons est plus lente et que la mortalité est plus grande dans les milieux en monoculture. Il pense que cela est dû à une nourriture moins abondante, et surtout infestée de pesticides néonicotinoïdes. En fait, le taux de mortalité est deux fois plus élevé en monoculture qu’il ne l’est en culture sans pesticides. Les néonicotinoïdes sont persistants dans l’environnement et dans la chaîne alimentaire.

Comme vous pouvez le voir sur la figure 1, tous les cours d’eau agricoles examinés par le MDDELCC dépassent le seuil de critère de la qualité de l’eau pour les néonicotinoïdes.

«  Oui, mais les néonicotinoïdes améliorent le rendement des productions ! », diront les lobbyistes. Faux.

Geneviève Labrie, du Centre de recherche sur les grains (CÉROM), a analysé le rendement de 25 parcelles traitées et non traitées pendant 2 ans en Montérégie. Résultat ? Aucune différence significative ! D’ailleurs, toutes les études qui ont été réalisées à ce sujet dans le monde arrivent au même résultat.

 

Je ne veux pas de ces pesticides dans mon assiette, que faire ?

La réponse simple serait de ne manger que des aliments provenant d’une agriculture biologique. Mais, hélas, il n’y a jamais rien d’aussi simple dans ce monde !

Effectivement, les aliments biologiques que l’on retrouve en épicerie, en plus d’être souvent plus chers, ne proviennent que très rarement du Québec. En fait, comme la majorité de ces aliments proviennent de la Californie, ceux-ci parcourent en moyenne 2600 kilomètres pour se rendre à votre épicerie ! Évidemment, tout ce transport produit des émissions de gaz à effet de serre, dont la présence dans l’atmosphère cause le réchauffement climatique. Cette distance représente aussi beaucoup d’emplois perdus localement. Équiterre soutient que « si tous les citoyens consommaient pour 20 $ par semaine de plus d’aliments locaux comparativement à des aliments importés, on créerait potentiellement au Québec 100 000 emplois ».

Depuis 1995, Équiterre propose un programme génial de paniers bios offerts par des fermiers de famille. Le programme regroupe plus de 100 fermes certifiées biologiques et plus de 500 points de livraison un peu partout au Québec. Vous avez le choix entre des paniers biologiques de fruits et légumes en saison, des paniers d’hiver, de la viande biologique et d’autres produits spécialisés. Le choix dépend de la ferme que vous choisissez !

Pour voir le point de livraison le plus près de chez vous, visitez le http://paniersbio.org/.

 

Présentation d’une ferme : les jardins de la grelinette

Jean-Martin Fortier et Maude-Hélène Desroches ont entamé leur projet de ferme en 2005 à Saint- Armand, en Montérégie. Ils pratiquent une agriculture de petite surface dite « bio-intensive », qui maximise le rendement tout en améliorant la qualité des sols. Comme ils cultivent sur seule- ment 1 hectare (10 000 m2), ils peuvent le faire de façon manuelle, sans grosse machinerie agricole. Tout est pensé pour être le plus productif possible avec le peu d’espace disponible. Et ils réussissent à merveille ; pour preuve, ils nourrissent plus de 200 familles avec leurs paniers bios!

Jean-Martin Fortier a écrit un livre détaillant toutes les démarches pour devenir un jardinier- maraîcher. Le jardinier-maraîcher, publié aux Éditions Écosociété, est vraiment complet. C’est une lecture que je vous recommande ! Un film documentaire sur le même sujet, Le Kit du Jardinier-Maraîcher, devrait être offert au printemps 2016.

Bref, l’utilisation de pesticides dans les cultures agricoles du Québec n’a jamais été aussi élevée, et c’est très inquiétant. Tout d’abord, pour notre santé, car la grande majorité des pesticides ont une influence prouvée sur les taux de cancer. Mais aussi pour les pollinisateurs et les décomposeurs, qui se retrouvent à subir des dommages collatéraux.

La Société canadienne du cancer prévoit que 2 Canadiens sur 5 (45% d’hommes et 42% de femmes) seront atteints de cancer au cours de leur vie. Ingérer le moins de pesticides possible fait alors tout son sens… Encouragez les agriculteurs biologiques au Québec !

 

L’importance des pollinisateurs

(extrait de l’article « Au lieu de faire du miel, les abeilles vont au ciel » du Vitalité juillet-août 2011)

Une étude intitulée Importance of pollinators in changing landscapes for world crops révèle que 75 % des cultures mondiales bénéficient des insectes pollinisateurs, tandis que le quart restant n’en dépend pas. En matière de production, 35 % des aliments produits mondialement dépendent des pollinisateurs. Plusieurs cultures importantes dépendent même totalement de la pollinisation, comme le cacao, la vanille, les courges, les melons et les fruits de la passion. Une perte des abeilles pollinisatrices, les principaux pollinisateurs, serait catastrophique pour la production de biens alimentaires. En fait, une autre étude, celle-ci intitulée Economic valuation of the vulnerability of world agriculture confronted with pollinator decline, quantifie à 153 milliards d’euros la valeur de la pollinisation.

 

 

 

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