Publié le 6 novembre 2022
Écrit par Stéphanie Plamondon, Ac., M. Sc.
Alors que l’utilisation des huiles essentielles est encore peu courante dans les hôpitaux, de plus en plus d’équipes médicales s’ouvrent aux bienfaits que peut apporter l’aromathérapie, notamment dans les départements d’oncologie et de soins palliatifs. Cette ouverture répond à une demande grandissante de la part d’un nombre croissant de patients qui souhaitent recevoir des soins unissant le meilleur des médecines officielles, alternatives et complémentaires afin d’apaiser leurs souffrances et d’augmenter leur qualité de vie.
L’aromathérapie en soins palliatifs
Lorsqu’une personne commence à recevoir des soins palliatifs, il est entendu que la maladie dont elle est atteinte est incurable et il n’est pas rare, conséquemment, que les traitements médicamenteux lourds qu’elle reçoit soient interrompus. Des soins lui sont alors proposés, non plus pour tenter de guérir la maladie dont elle souffre, mais plutôt pour maximiser son bien-être et son confort. Des intervenants de différentes disciplines, tels que des praticiens en massothérapie, en acupuncture et en aromathérapie, peuvent alors être invités à se joindre à l’équipe médicale soignante afin de participer à l’élaboration de protocoles dont l’unique but est de soulager les inconforts du patient, notamment ceux qui sont reliés à la douleur, au stress, à l’anxiété et aux insomnies.
L’aromathérapie en accompagnement au deuil
Les proches du patient admis en soins palliatifs traversent également une période difficile émotionnellement. En plus d’accompagner le patient, ils se préparent à le voir partir et à vivre une période de deuil. Certaines huiles sont reconnues pour leurs effets apaisants et réconfortants faisant de l’aromathérapie une aide précieuse pour le soutien durant le processus de deuil.
Afin de ne pas établir de lien entre l’odeur de certaines huiles essentielles et cette période difficile, il est suggéré de varier régulièrement le choix des huiles et la composition des formules. Plusieurs huiles essentielles peuvent en effet être utilisées, permettant à chacun de se constituer une formule personnalisée à utiliser au besoin, que ce soit en olfaction ou en massage.
Applications et interfaces
Dans la préparation des soins aromatiques, le patient peut être amené, s’il le désire, à participer au choix des huiles et des essences qui entreront dans la composition des formules thérapeutiques. Une trousse d’huiles essentielles visant à soulager des symptômes spécifiques lui sera alors présentée afin qu’il puisse sélectionner celles qui lui plaisent le plus en termes d’odeur. L’approche permet ainsi de développer des formules individualisées selon les préférences de la personne qui recevra le soin. Une fois les huiles essentielles choisies et combinées au sein d’une formule, il restera à identifier le mode d’utilisation qu’elle préfère entre l’inhalation, la diffusion et un massage léger appelé « toucher thérapeutique ». Il est important de noter ici qu’il ne s’agit pas de se substituer au travail des massothérapeutes, mais plutôt d’appliquer tout doucement la formule d’huiles essentielles sur différentes parties du corps en effectuant un effleurage de la région concernée. Ce toucher thérapeutique, s’il est bien toléré et qu’il apporte du bien-être, peut être offert plusieurs fois par jour et par semaine. La prise orale, habituellement courante en aromathérapie scientifique française, est quant à elle rarement utilisée dans le cadre de soins palliatifs et sera mise de côté.
Le toucher thérapeutique
Il est reconnu que les huiles essentielles peuvent aider à augmenter la production de certains neurotransmetteurs, tels que la dopamine et la sérotonine, contribuant à favoriser la bonne humeur, le lâcher-prise et la détente. Le toucher thérapeutique sera effectué avec des huiles essentielles diluées dans une huile végétale, telle que l’huile de noyau d’abricot ou de jojoba, au niveau des mains, des pieds, du visage ou du cuir chevelu, toujours selon les préférences de la personne qui reçoit le soin. Elle bénéficiera ainsi à la fois de l’action des huiles essentielles sur la sécrétion de neurotransmetteurs bienfaisants et, également, du contact physique, ce qui aura comme effet de contribuer à son bien-être, tant physique que psychologique.
La diffusion
Une autre façon d’utiliser les huiles essentielles en soins palliatifs consiste à les diffuser à l’aide d’un nébulisateur ou d’un diffuseur électrique, à raison de 15 gouttes d’une huile ou d’une formule, 10 à 20 minutes à la fois. Si la diffusion n’est pas possible, de petits bâtonnets inhalateurs peuvent être préparés. Pour ce faire, la mèche en coton de l’inhalateur sera imbibée d’une quinzaine de gouttes d’huiles essentielles, puis glissée dans le petit tube percé et prévu à cet effet. Elles pourront alors être humées aussi souvent que souhaité pour apaiser le patient et réduire le stress, l’anxiété et l’insomnie.
Quelle que soit la formule ou l’interface choisie, il est recommandé d’utiliser au minimum cinq huiles essentielles différentes, afin de complexifier l’odeur finale et d’éviter que l’odeur spécifique d’une huile ne soit associée à la maladie ou à des émotions plus difficiles. Ceci est valable autant pour la personne concernée que pour ses proches.
Dans l’élaboration du protocole aromatique, il sera important de prendre en considération la plus grande sensibilité émotionnelle, olfactive et cutanée de la personne, en diluant davantage les huiles essentielles, en proposant des huiles particulièrement douces et en favorisant leur application sur des régions du corps avec lesquelles elle est à l’aise.
D’autre part, il existe certaines interactions médicamenteuses à considérer avec les huiles essentielles. C’est le cas notamment des anticoagulants et des coumarines contenues principalement dans les essences de zestes d’agrumes (bergamote (z), citron (z), mandarine (z), orange (z), pamplemousse (z)), et de l’huile essentielle de thé des bois. Si la personne qui reçoit les soins prend des anticoagulants, l’utilisation de ces huiles sur la peau sera écartée. En revanche, leur diffusion et leur inhalation demeureront sécuritaires.
Formules thérapeutiques en soins palliatifs et en fin de vie
Bien que cette transition soit personnelle et vécue de manière unique selon chaque individu, certains inconforts sont plus fréquents. Voici une trousse d’huiles essentielles efficaces dans la gestion de quelques problèmes de santé plus fréquemment rencontrés.
DOULEURS
Il n’est pas rare qu’il y ait présence de douleurs à gérer lors de soins palliatifs et en fin de vie. Elles peuvent être importantes ou maîtrisées, localisées ou généralisées. Les huiles essentielles suivantes sont reconnues pour leurs effets analgésiques et apaisants.
Trousse :
Camomille noble (Chamaemelum nobile), thé des bois (Gaultheria procumbens) (si la personne n’est pas allergique à l’Aspirine ou sous anticoagulants), laurier noble (Laurus nobilis), lavande vraie (Lavandula angustifolia), menthe poivrée (Mentha x piperita), petit-grain bigaradier (Citrus aurantium aurantium) (fe), ylang ylang (Cananga odorata).
Préparation :
Choisir 5 huiles essentielles parmi celles qui sont suggérées et en déposer un total de 10 gouttes de chacune dans une bouteille de verre de 5 ml vide. Verser par la suite 30 gouttes du mélange dans un contenant à bille de 5 ml. À l’aide d’une pipette, finir de remplir le contenant avec de l’huile de jojoba. Replacer le support avec la bille et bien fermer le contenant.
Utilisation :
Selon la sensibilité de la personne et l’intensité de la douleur, rouler quelques gouttes du mélange à l’endroit de la douleur et masser doucement (jamais sur une plaie ouverte ni sur une tumeur). Pour une action systémique, le massage sous les pieds sera particulièrement intéressant en cas de douleur généralisée. Répéter aussi souvent que souhaité.
ANXIÉTÉ
Il s’agit d’un symptôme très fréquent, qui peut être accompagné d’angoisse, de stress et de fébrilité. Les huiles essentielles suivantes sont réputées pour leurs effets anxiolytiques, apaisants et tranquillisants.
Trousse :
Camomille noble (Chamaemelum nobile), lavande vraie (Lavandula angustifolia), marjolaine à coquilles (Origanum marjorana), orange douce (z) (Citrus sinensis) (z), petit-grain bigaradier (Citrus aurantium aurantium) (fe), verveine des Indes (Cymbopogon flexuosus citratus), ylang ylang (Cananga odorata).
Préparation :
Choisir 5 huiles essentielles parmi celles qui sont suggérées et en déposer un total de 10 gouttes de chacune dans une bouteille de verre de 5 ml vide. Placer la mèche d’un bâton inhalateur dans une petite assiette et y déposer 15 gouttes de la formule. Attendre que la mèche soit bien imbibée et la glisser dans le tube inhalateur avant de le refermer.
Utilisation :
Au besoin, retirer le bouchon de l’inhalateur et humer son contenu en le glissant doucement à l’orée des narines, autant de fois que désiré. Bien fermer le contenant entre chaque utilisation.
FATIGUE
Plusieurs huiles essentielles sont particulièrement intéressantes pour aider à soulager les états de fatigue ainsi que pour tonifier l’énergie vitale.
Trousse :
Citron (z) (Citrus limonum) (z), épinette noire (Picea mariana), eucalyptus radié (Eucalyptus radiata), lime (z) (Citrus limetta) (z), pamplemousse (z) (Citrus paradisii) (z), pin sylvestre (Pinus sylvestris), Romarin à cinéole (Rosmarinus officinalis cineoliferum), sapin baumier (Abies balsamea).
Préparation :
Choisir 5 huiles essentielles parmi celles qui sont proposées et en déposer un total de 10 gouttes de chacune dans une bouteille de verre de 5 ml vide.
Utilisation :
Déposer 15 gouttes de la formule dans le diffuseur et diffuser pendant une vingtaine de minutes. Répéter au besoin. Cette formule peut également être diluée à raison de 5 gouttes dans 1 cuillère à thé d’huile de noyau d’abricot et massée doucement sur les poignets, les avant-bras, la région thoracique et la colonne vertébrale.
DEUIL
Pour accompagner et soutenir les personnes qui traversent une période de deuil souvent éprouvante, des huiles essentielles douces, réconfortantes et enracinantes seront privilégiées. Chacun peut en combiner autant que désiré afin de se constituer une ou plusieurs formules à sentir et à masser au besoin.
Trousse :
Camomille noble (Chamaemelum nobile), encens (Boswellia carterii), lavande vraie (Lavandula angustifolia), marjolaine à coquilles (Origanum marjorana), nard (Nardostachys jatamansi), néroli (Citrus aurantium aurantium) (fl), orange douce (z) (Citrus sinensis) (z), petitgrain bigaradier (Citrus aurantium aurantium) (fe), ylang ylang (Cananga odorata).
Préparation :
Choisir un minimum de 5 huiles essentielles parmi celles proposées et en déposer un total de 150 gouttes dans une bouteille d’huile essentielle de 5ml vide et mélanger. Verser par la suite 30 gouttes du mélange dans un contenant à bille de 5ml. À l’aide d’une pipette, finir de remplir le contenant avec de l’huile de jojoba. Replacer le support avec la bille, mélanger et bien fermer le contenant.
Utilisation :
Au besoin, ouvrir le contenant pour en sentir le mélange d’huiles essentielles ou masser au niveau des poignets et du plexus. Répéter aussi souvent que souhaité.
L’intégration des huiles essentielles dans les protocoles visant à optimiser le confort des patients peut apporter un grand bien-être aux personnes qui les reçoivent. Les huiles aromatiques seront tout aussi bénéfiques, particulièrement lorsqu’elles sont diffusées, pour les proches de la personne malade, qui sont souvent affligés de stress et de fatigue. L’aromathérapie peut apporter un grand réconfort et constitue ainsi une approche accessible et sécuritaire qui gagne à être de plus en plus incluse dans les protocoles de soins palliatifs et de fin de vie et de deuil.
Écrit en collaboration avec Sarah Milon, aromathérapeute certifiée.