« Mauvaises herbes » à boire et à manger

Publié le 16 mai 2019
Écrit par Anny SCHNEIDER, Auteure et herboriste-thérapeute accréditée

« Mauvaises herbes » à boire et à manger

Des trésors sont cachés dans vos pelouses. Laissez pousser, étudiez, buvez et mangez votre pelouse, véritable potager thérapeutique subspontané !

 

Si vous possédez un terrain à vous, ne serait-ce qu’un carré de pelouse près de votre maison, surtout si elle n’a jamais été traitée et rarement tondue, il se peut que vous fouliez des aliments et des remèdes gratuits et savoureux encore ignorés.

Ainsi, au lieu de vous fatiguer à la raser hebdomadairement, de brûler du gaz, de produire du bruit et des CFC, ne la traitez plus jamais chimiquement, mais taillez-la sélectivement, au sécateur ou avec des cisailles. Servez-vous-en à bon escient pour vous nourrir et vous soigner, avec vos provisions congelées, séchées ou en teintures mères, hiver comme été !

Apprenez à cueillir au bon moment ces plantes qui sont des médicaments et des ornements, mais aussi des légumes ou des salades qui renferment de précieux nutriments : antioxydants, enzymes, protéines, sucres, vitamines et minéraux.

Souvenez-vous qu’une pelouse artificielle contient rarement plus de quatre plantes sélectionnées (souvent modifiées génétiquement), alors qu’une prairie sauvage peut héberger autour de 400 espèces qui se relayent, chacune à son temps, saison après saison, dans une joyeuse interdépendance alternée ! Sachez profiter de ce potager et de cette pharmacie verte qui poussent et s’offrent à vous, gratuitement, sous vos yeux, à vos pieds !

 

Précautions pour une cueillette raisonnable et saine

  • Cueillir uniquement les plantes lors de journées ensoleillées dans un endroit sain, loin de la fosse septique, sans déjections de chats ou chiens, et pas trop près d’une route passante.
  • Évidemment, ne jamais récolter les plantes dans une pelouse traitée aux herbicides, une pratique désormais prohibée dans plusieurs municipalités.
  • Avant d’en faire une salade ou une décoction, rincer dans deux ou trois eaux avec un peu de vinaigre. En ville, privilégier les teintures mères dans l’alcool ou le vinaigre de cidre de pommes bio.
  • Toujours brosser et laisser sécher au soleil les racines durant quelques heures, à moins d’en faire une décoction immédiate (bardane, pissenlit).
  • Si on cueille à la campagne, il faut systématiquement demander la permission des propriétaires, se limiter à 1 plant sur 20 et épargner les racines. Évidemment, ne jamais cueillir de plantes dans les parcs nationaux ni les réserves protégées, sous peine d’amende salée.

 

Cure de salade, soupe ou décoction d’herbes sauvages, une tradition universelle

C’est quand elles sont encore toutes jeunes et tendres que les plantes sont les plus agréables à manger et aussi les plus bénéfiques et digestes.

Dans la plupart des cultures, les premières plantes du printemps-été sont recherchées avidement par les animaux comme les connaisseurs en manque de verdure fraîche, riche en enzymes et en vitamines, si rares dans la diète traditionnelle d’hiver.

Les décoctions ou les potages aux herbes sauvages en cure dépurative et minéralisante se retrouvent chez plusieurs cultures rurales, avec des variantes régionales.

 

Soupe aux herbes sauvages locales

Pour deux bons bols

  • 500 ml d’eau (filtrée ou de bonne source)
  • 1 oignon doux ou 2 échalotes
  • Huile d’olive, de tournesol ou de carthame (bio, bien sûr)
  • 5 plants d’alliaire effeuillés avec les fleurettes
  • 1 plant ou 15 feuilles de chénopode
  • 5-6 feuilles de mauve musquée
  • 10 feuilles d’oxalide
  • 1 feuille de carotte sauvage coupée finement

Faire frire les échalotes ou l’oignon dans une casserole. Ajouter les feuilles triées et rincées.

Verser l’eau, puis laisser mijoter de 10 à 15 minutes.

Consommer tel quel en début de repas, avec ou sans beurre ou crème sure. Toutes les saveurs y seront : amer, piquant, doux et salé.

Si vous préférez, passez le mélange au mini-robot pour en faire un potage.

Consommée une semaine d’affilée, cette soupe assainit les intestins, la lymphe et les poumons.

 

Pleins feux sur les plantes sauvages les plus accessibles

Alliaire (Alliairia officinalis ou petiolata) : de son nom botanique populaire, ce qui indique qu’elle est reconnue depuis longtemps comme outil thérapeutique. Effectivement, cette brassicacée soigne les bronchites rebelles, dissout les mucosités et stimule le système immunitaire. Elle est piquante et amère et, à cause de son haut taux de vitamine C et de sulforaphanes, on conseille de la cuire très peu. Ces dernières années, elle envahit tout le sud du Québec et on la considère, à tort, comme une indésirable importée à éradiquer.

 

Amarante (Amaranthus retroflexus) : originaire de l’Amérique latine, où on la cultive pour ses feuilles et graines riches en protéines, elle contient également un haut taux de lysine, acide aminé antiviral. Jeune, elle renferme aussi beaucoup de vitamine C, de bioflavonoïdes et de caroténoïdes.

 

Chénopode (Chenopodium album et ssp.) : on lui doit l’expression « Ne jetez pas vos choux gras ! » Effectivement, cette adventice des jardins échappée de culture est extrêmement nutritive et riche en vitamine A, en vitamine C et en fer. On peut la faire cuire à la vapeur ou l’incorporer à une soupe. Ses graines mûres sont très riches en amidon, en lipides et en protéines et représentent un bon aliment de survie en farine ou en soupe. Même Napoléon en mangeait avant les batailles, ajouté à son pain de seigle ou pumpernickel.

 

Galinsoga (Galinsoga parviflora) : cette autre plante d’origine latino-américaine est très invasive et s’est formidablement bien adaptée à nos jardins et pelouses. Au-delà de son goût terreux, sa consistance est douce et elle est très riche en nutriments de base (protéines, fibres, mucilages et minéraux). En Colombie, on la boit en tisane pour soigner les cystites et les colites.

 

Marguerite (Chrysanthemum leucanthemum) : ce sont ses toutes jeunes feuilles ondulées et sucrées qu’on repère et qu’on consomme ajoutées à la salade dès la fonte des neiges. Flavonoïdes, provitamines A, minéraux, mucilages et saponines lipotropiques : la gentille marguerite contient tout cela.

 

Mauve (Malva moschata) : dès le dégel, on peut cueillir ses petites feuilles en rosette, riches en mucilages et en vitamines (A, C et E) et les incorporer à une salade. Plus tard en été, on peut aussi manger ses jolies fleurs blanches ou roses doucement laxatives, crues de préférence, pour préserver ses vertus. Naturalisée au Québec, mais hélas trop souvent déterrée pour sa beauté, elle est l’une des meilleures plantes émollientes et adoucissantes. Elle répare les muqueuses en douceur, des poumons aux sinus, de la gorge au côlon terminal. Elle combat la constipation en douceur, mais en profondeur, et régénère la peau et les poumons. En externe, elle est antiride, cicatrisante et hydratante.

 

Mouron ou stellaire (Stellaria media) : cette toute petite plante au feuillage brillant très fin et aux fleurettes en étoiles blanches est entièrement comestible. Même si ses feuilles et fleurs sont tendres, il est conseillé de les faire blanchir rapidement à cause de leur haute teneur en vitamine C, afin de les consommer en soupe. On peut aussi les faire mariner dans du vinaigre mélangés à une plante plus aromatique pour profiter de leurs vertus en toute saison. La stellaire draine les mauvais gras accumulés et circulant dans la lymphe. En tisane, elle calme le système nerveux.

 

Oxalide (Oxalis acetolosa) : cette surette, symbole du trèfle de la Saint-Patrick, est très riche en vitamine C et en acide oxalique. On peut la manger en trempette ou l’ajouter aux salades, sans exagérer à cause de son acidité et de ses oxalates. En externe, elle soigne les plaies infectées, et en concentré vinaigré, elle aide à clarifier le teint brouillé et à dissoudre les taches brunes.

 

Pissenlit (Taraxacum officinale) : les premières feuilles de pissenlit constituent une excellente source de vitamines A et de minéraux (calcium, magnésium et fer). Hachées finement ou cuites à la vapeur et bien assaisonnées, elles peuvent être consommées jusqu’à la fin de l’été. Les fleurs en salade, en gelée ou transformées en vin soignent les problèmes de foie. Les tiges et leur latex, amer mais virucide, s’ajoutent finement hachés à une laitue plus douce. La racine d’automne ou de printemps, riche en inuline et en potassium, entre autres, nettoie à merveille les reins. Elle se mange même torréfiée ou déshydratée et s’ajoute à bien des tisanes cholagogues et diurétiques le jour. Comme son nom le dit (« pisse-en-lit »), il faut éviter d’en boire le soir.

 

Trèfle (Trifolium pratense) : la fleur de cette plante, parmi les préférées des vaches, est un bon diurétique, utile contre l’arthrite et dépuratif sanguin aux vertus immunostimulantes. C’est une source de prohormones féminines et de protéines, à consommer germée comme la luzerne. On peut aussi manger ses pétales ajoutés à une salade.

 

Violette (Viola odorata et ssp.) : cette jolie demoiselle violette, mais parfois blanche ou jaune, se mange telle quelle ou garnit joliment une salade. Elle se sèche facilement et se boit en tisane contre les maux de gorge et les infections pulmonaires. Ses feuilles soignent les maladies du sang et les déséquilibres immunitaires. La racine est dépurative et, en excès, vomitive.

 

Dans le si généreux règne végétal, parfois la ligne est mince entre le bienfait et l’excès, mais nombre de plantes sont aussi soignantes que nourrissantes et peuvent se consommer quotidiennement, du moins pour une période raisonnable. Tout cela en se fiant évidemment à ses goûts, son bon sens naturel et un guide botanique en chair et en os, sinon livresque ! Avec le nom précis, botanique de préférence, Google photo aide aussi.

Invasives ou naturalisées, échappées de culture ou cultivées sciemment, les plantes sont utiles et à ceux qui les aiment, les protègent, les reproduisent et en usent intelligemment !