Maux de dos : mieux comprendre la hernie discale

Publié le 20 septembre 2018
Écrit par Nicolas Blanchette, B. Sc. kinésiologie, D.O.

Maux de dos : mieux comprendre la hernie discale

Nous sommes les gardiens de l’héritage de notre passé. Jamais cela n’aura-t-il été aussi vrai que dans le cas de notre colonne vertébrale !

 

En effet, selon les anthropologues, nos ancêtres de la famille des hominidés n’auraient adopté la bipédie permanente comme mode de déplacement qu’entre 3 et 8 millions d’années. Sur l’échelle du temps évolutif, c’est bien peu, lorsque l’on considère que la grande famille des mammifères à laquelle notre espèce appartient est apparue il y a plus de 220 millions d’années et que, jusque-là, toute vie animale se mouvait selon un axe horizontal.

Lors du déplacement à quatre pattes, la colonne vertébrale fonctionne à la manière d’un pont à suspension flexible qui supporte le thorax et les organes vitaux, rôle à laquelle elle est bien adaptée, structurellement parlant. Chez l’être humain, en raison de l’adoption de la posture bipède, ce pont s’est transformé en colonne faite pour supporter les pressions verticales. Les éléments anatomiques qui constituent cette dernière sont ainsi soumis à des stress mécaniques sans précédent qui nous condamnent, chez 8 personnes sur 10, à des maux de dos à un moment ou à un autre de notre vie.

Les disques intervertébraux qui supportent chacune de nos vertèbres de la deuxième cervicale au sacrum sont des éléments capitaux de ces adaptations aux pressions verticales. En plus d’absorber les forces compressives, les disques permettent aussi à la colonne vertébrale de s’articuler et de bouger. Malheureusement, de par sa jeunesse évolutive, ce système de disques si important pour notre locomotion n’est pas encore sans faille.

L’une de ces failles, qui a (ou aura) un impact sur la qualité de vie de plusieurs d’entre nous se nomme « hernie discale ». Mais qu’est-ce qu’une hernie discale et comment peut-on la prévenir ou la prendre en charge lorsqu’elle se produit ?

 

Définition et symptômes

Pour bien comprendre ce qu’est une hernie discale, il faut d’emblée connaître la signification du mot « hernie ». Une hernie est la saillie d’un organe ou d’une partie d’organe hors de sa position habituelle. Des hernies peuvent se produire, entre autres, aux niveaux abdominal, inguinal, diaphragmatique, etc. Pour le cas de hernie qui nous intéresse, soit la hernie discale, nous devons identifier et comprendre ce qui constitue l’organe, de même que la situation de sa position habituelle.

L’organe, dans ce cas-ci, est le nucleus pulposus, ou noyau gélatineux, du disque intervertébral atteint. On retrouve une très grande proportion d’eau à l’intérieur du nucleus pulposus, soit environ 77 % de sa composition totale, bien que cette proportion varie selon l’âge du sujet.

Quant à la position habituelle de notre noyau, il se situe à l’intérieur de l’annulus fibrosus, ou anneau fibreux. Il s’agit en quelque sorte de l’enveloppe qui contient le noyau du disque intervertébral. Il est composé de plusieurs anneaux concentriques de fibres cartilagineuses placées en oblique et à angle droit avec les fibres de l’étage précédent dans le but d’augmenter la solidité de la structure contre les pressions obliques et horizontales.

Une hernie discale se produit donc lorsqu’il y a saillie du nucleus pulposus hors de l’annulus fibrosus du disque intervertébral.

Selon la position du disque lésé dans la colonne vertébrale, le patient peut éprouver différents symptômes parmi ceux-ci :

  • Maux de dos ou de cou
  • Douleurs à la fesse ou à la cuisse (sciatalgie, cruralgie)
  • Engourdissements, fourmillements, perte de force dans le membre inférieur dont la racine nerveuse est comprimée

 

Causes et facteurs prédisposants

Comment l’anneau fibreux peut-il en arriver à se fissurer pour laisser s’échapper une partie du noyau pulpeux ? Une bonne partie de la réponse provient du contenu lui-même du noyau (près de 80 % d’eau). En effet, le fluide contenu dans le disque intervertébral se répartit vers l’extérieur lorsque le disque est comprimé. Le simple fait de passer de la position couchée sur le dos à la station verticale entraîne une augmentation de 75 % de la pression contre les parois du disque. Lorsque le centre de gravité est déplacé, comme lors de la flexion, ce pourcentage augmente encore. Ceci s’explique par la déformation des disques intervertébraux en réaction au déplacement des corps des vertèbres qui suivent le mouvement. Le fluide visqueux du noyau se déplace du côté opposé à celui où a lieu le rapprochement des vertèbres, augmentant la pression à l’intérieur du disque.

Tenir un objet dans les mains (ou mieux, à bout de bras) ou encore être assis aura aussi l’effet d’augmenter la pression intradiscale. En effet, la position assise ne permet pas de répartir aussi bien les forces compressives par le bassin et les membres inférieurs que la station debout.

Lorsqu’il y a pression excessive contre une paroi de l’anneau fibreux, ce dernier peut se fissurer, particulièrement s’il est dégradé par les éléments prédisposants énumérés plus bas. L’anneau fibreux est plus vulnérable lorsque la colonne est fléchie. En effet, la grande majorité des hernies discales se produisent lorsque le noyau s’échappe postéro-latéralement, là où le canal vertébral n’est pas protégé par le ligament longitudinal postérieur. Ces éléments, surtout lorsqu’ils sont combinés, facilitent la herniation d’un disque intervertébral :

  • La compression du disque entraînée par une force verticale
  • Une grande flexion entraînant la migration du noyau gélatineux vers l’arrière
  • Le maniement d’une charge
  • La position assise

 

À ces éléments s’ajoutent les facteurs prédisposant tels que :

  • L’âge : les cas de hernie sont surtout relevés chez les gens de 35 à 55 ans. La proportion d’eau dans le noyau gélatineux diminue avec l’âge, tandis que sa part de collagène et celle de l’anneau fibreux se fragilisent.
  • Le sexe : les hommes, malgré la constitution plus robuste de leur colonne vertébrale, sont plus à risque que les femmes, puisque leurs emplois exigent plus souvent de grands efforts physiques mettant en jeu la région lombaire.
  • La présence d’un surplus de poids ou la grossesse : ces conditions déplacent le centre de gravité du corps vers l’avant, agissant comme si la personne tenait toujours un poids devant elle.
  • Un manque de mobilité du bassin et des membres inférieurs : des compensations posturales générées par un bassin peu mobile (muscles contracturés) forcent la colonne vertébrale dans une amplitude de mouvement dans laquelle elle est moins efficace.
  • Des faiblesses de la musculature lombaire ou abdominale : ces dernières rendent plus difficile le maintien de la colonne dans une position érigée. Le maintien « grand » facilite la décompression des disques intervertébraux.
  • Des anomalies congénitales plus rares.

Il est possible d’avoir un disque hernié sans en ressentir de symptômes. Les symptômes apparaissent seulement si une racine nerveuse est comprimée par la herniation.

Finalement, soulignons que la grande majorité des cas de hernie se produisent dans la région lombaire (95 % entre L4-L5 ou L5-S1). Pourquoi ? Parce que les disques intervertébraux bas sont les plus sollicités par les pressions dues à leur position sur la colonne vertébrale.

Au niveau cervical, les sites les plus fréquents sont C5-C6 et C6-C7. Les hernies thoraciques sont plutôt rares (4 % des cas).

Il est important que le patient développe l’habitude de bien se servir de ses membres inférieurs et de son bassin pour les gestes quotidiens (se pencher, pelleter, partir la tondeuse) tandis que la colonne vertébrale maintiendra son rôle de pilier.

 

Prise en charge

Il est prouvé qu’une hernie discale guérit avec le temps (la plupart du temps, cela prend de quelques mois à un an). Bien que le mécanisme intime de destruction de la protrusion discale par l’organisme nécessite plus de recherches, des chercheurs ont proposé que « l’exposition du nucleus pulposus dans l’espace épidural pouvait susciter une réaction auto-immune contre les composants antigéniques du fragment discal considéré comme un corps étranger par le système immunitaire ». Dans 20 à 40 % des cas, la hernie ne sera pas réabsorbée par l’organisme. Il est cependant tout à fait possible qu’elle demeure en partie sans toutefois causer plus de douleur.

La prévention est capitale, pour éviter le problème avant même qu’il se manifeste. Dans cette optique, l’activité physique modérée et supervisée par un kinésiologue est encouragée afin d’optimiser la posture, de prévenir l’obésité et de renforcer les muscles clefs (sangle abdominale, multifides, fessiers, etc.) Il est également important que le patient développe l’habitude de bien se servir de ses membres inférieurs et de son bassin pour les gestes quotidiens (se pencher, pelleter, partir la tondeuse) tandis que la colonne vertébrale maintiendra son rôle de pilier. L’ergonomie du poste de travail pourrait être ajustée au besoin.

 

Lorsqu’il y a déjà présence de hernie, voici les méthodes qui sont généralement recommandées :

D’abord, favoriser le repos en phase aiguë. Se coucher sur le côté avec un oreiller entre les jambes et sous la tête, de même que sur le dos avec un coussin sous les genoux est conseillé (pendant un maximum de deux jours, afin d’éviter l’ankylose et de favoriser une bonne circulation).

De la médication prescrite par le médecin peut être utilisée pour atténuer la douleur sur une courte période : analgésiques, anti-inflammatoires non stéroïdiens, relaxants musculaires ou même opiacés et injections épidurales de corticostéroïdes dans le cas de douleurs particulièrement tenaces.

La thérapie manuelle est souvent aussi d’une grande aide. L’approche consistera à détendre la musculature et à réaliser des tractions sur la colonne afin de réduire les compressions vertébrales mécaniques.

La chirurgie (ablation d’un disque intervertébral ou discectomie) est parfois pratiquée dans certains cas particulièrement graves (comme lorsqu’un nerf lié aux sphincters de la vessie ou de l’anus est touché) ou pour lesquels toutes autres approches n’ont pas permis d’atténuer la faiblesse musculaire.

 

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