Publié le 29 février 2024
Écrit par Eric Simard, docteur en biologie et chercheur
Beaucoup d’entre vous savent que je suis en train d’écrire mon cinquième livre, qui devrait sortir en 2024. Dans celui-ci, je me donne comme défis d’aller plus loin et de vous expliquer le fond de ma pensée. Comme scientifique dans ce domaine, j’ai bien sûr des opinions, mais aussi, une compréhension approfondie de la biologie de la longévité qui m’a permis de développer une vision vers où la science se dirige. Ce cinquième livre se veut à la fois un exercice de globalité pour être le plus complet possible, mais aussi, un exercice d’élaboration en projection m’obligeant à étirer ma zone de confort. Il est facile de dire « les données démontrent » ou encore, « la science semble démontrer que », mais la recherche et la science de pointe permettent aussi, pour les experts, et j’ai la prétention d’en être un, de dire « personnellement, les connaissances dont je dispose me permettent de croire que ‘’ceci’’ est très important dans un contexte de longévité ». Je me suis obligé à faire cet exercice difficile, pour vous livrer rien de moins que ce que je crois être le meilleur protocole de longévité.
D’ici la sortie de ce livre, voici un résumé simplifié des plus importantes orientations sous la forme de mes 10 conseils.
Des études récentes ont rapporté que 88 % à 93 % de la population seraient en mauvaise santé métabolique. Pour être plus précis, O’Hearn et ses collaborateurs soulignent que seulement 6,8 % des gens n’auraient aucun indicateur d’une mauvaise santé cardiovasculaire. Ce que cela veut dire, c’est que pour la vaste majorité de la population (93 %), leurs paramètres physiologiques, en lien avec leur métabolisme (pression artérielle, lipides sanguins, résistance à l’insuline, accumulation de graisse viscérale), se détériorent. Ces données démontrent que leur situation se dégrade et que s’ils continuent dans cette voie, ils vont développer des maladies comme le diabète de type II ou les maladies cardiovasculaires. Ces désordres métaboliques sont reliés à une plus faible longévité et à une incidence accrue d’une vaste gamme de maladies.
Ici, je vais me citer moi-même : « Si vous voulez vivre en santé le plus longtemps possible, il faut éviter de mourir ». Cela semble un peu simpliste, mais l’objectif est de ramener l’attention sur les tueurs les plus importants comme les maladies cardiovasculaires ou le cancer. De plus, il est impossible de bien vieillir sans une bonne santé métabolique. Elle dépend de la qualité de votre alimentation (riche en légumes et faible en glucides raffinés), de votre niveau d’activité physique et de l’usage de certaines stratégies comme le jeûne qui peuvent vous aider à améliorer votre flexibilité métabolique. Être capable de s’entraîner à jeun sans aucun problème est un bon indicateur d’une bonne santé métabolique.
Les études ont démontré que les centenaires sont moins stressés, plus faciles à vivre, plus efficaces en général. Ils sont très peu négatifs (neuroticisme) et beaucoup plus extravertis et consciencieux. De plus, il a été démontré que le neuroticisme est un facteur de risque important de dépression et de mortalité prématurée. Pour être plus précis, les effets physiologiques directs du fait d’avoir des pensées constamment orientées vers des émotions négatives augmentent les risques de maladies. Ces effets physiologiques se traduisent par des impacts sur l’hypothalamus et la glande hypophyse, la production des hormones de stress, l’augmentation de la pression artérielle, la modification du métabolisme, l’augmentation de l’inflammation et la réduction des fonctions de défense immunitaire.
Il faut devenir fondamentalement positif, avoir une grande capacité à exprimer nos émotions, être agréable et ricaneur. Les centenaires, peu importe leur origine, ont tous le même type de personnalité et cela se développe. Il s’agit d’un aspect tellement important, que j’en fais mon conseil privilégié. Nous devrions tous nous attarder à améliorer cet aspect parce que les études démontrent qu’il facilite l’adoption de meilleures habitudes de vie.
Un des points facilités par la personnalité typique des centenaires est la qualité de la vie sociale. Pour avoir une vie sociale de qualité, il faut parler de nos émotions. Si vous avez beaucoup d’amis, mais que vous ne parlez pas de vos émotions, ce n’est pas de la vie sociale de qualité. Il s’agit du facteur qui aurait le plus gros impact sur la longévité humaine. Une personne vivant seule aurait 15 ans de moins d’espérance de vie qu’une personne avec un grand cercle d’amis. L’amplitude de l’impact de la vie sociale de qualité serait même plus importante que l’alimentation ou l’activité physique. Toutefois, il serait extrêmement difficile de bien séparer ces facteurs confondants.
L’impact de la vie sociale de qualité serait entre autres relié à une meilleure gestion du stress. Il s’agit de l’un des outils pour mieux gérer notre stress. Une chose est sûre, la qualité du sommeil, qui dépend de la saine gestion du stress, est primordiale pour une longévité en santé. Il existe un très grand nombre de conseils pour l’améliorer et l’important n’est pas de tous les appliquer, mais d’avoir ceux qui vous conviennent. Le stress, c’est personnel et c’est une réaction qui nous appartient. C’est à nous d’apprendre à être conscients de ses impacts et de développer des approches pour réduire ses effets négatifs sur notre vie.
Soulignons que l’impact de l’activité physique est directement proportionnel à la quantité et à l’intensité, jusqu’à ce que l’on dépasse la capacité antioxydante du corps (pour les athlètes de très haut niveau). Ainsi, être actif c’est bien, faire plus d’activité c’est mieux, mais y mettre de l’intensité, c’est très important. Un exemple épatant est l’étude de Gillen et ses collaborateurs, publiée en 2016. Ils ont démontré, chez de jeunes adultes sédentaires, que 3 fois 20 secondes de vélo à 250 % de la puissance maximale aérobie (PMA) (le maximum qu’ils pouvaient atteindre), 3 fois par semaine durant 12 semaines, a des effets équivalents sur le VO2max, la fonction mitochondriale musculaire et la sensibilité à l’insuline, qu’un entraînement modéré continu de 45 minutes en vélo à 70 % PMA. Les bénéfices des exercices de haute intensité seraient reliés à la stimulation de certaines fonctions mitochondriales en lien avec la production d’énergie en anaérobie. L’idée n’est pas d’opter uniquement pour des activités de haute intensité, mais d’incorporer à nos activités de courts efforts de très haute intensité. Cela peut prendre la forme de courtes périodes de sprint durant vos sorties de marche ou de course.
Ici, vous pouvez faire d’une pierre deux coups : l’activité physique de haute intensité et le désir de vivre. Nous savons tous que les chances de guérison face à une maladie dépendent de notre état d’esprit. Parfois, on entend dire « il s’est laissé mourir » ou encore, « il a arrêté de se battre ». La vie sexuelle est à la base même du désir de vivre parce que se reproduire est l’action ultime de notre raison biologique d’être en vie. J’ai souvent dit à la blague, même si c’est une réalité, qu’une petite bête en santé est une petite bête qui veut se reproduire. Cela souligne aussi que la production de nos hormones et notre désir sexuel sont au mieux lorsque l’on est plus en santé. L’activité physique y joue pour beaucoup. Je dis aussi régulièrement que « tout ce qui ne sert pas disparaît ». C’est une grande loi de la biologie. Sans avoir de démonstrations cliniques précises, nous pouvons émettre l’hypothèse qu’il puisse être bénéfique que notre corps ait l’impression que nous essayons encore de nous reproduire, que l’on est utile selon sa plus simple expression, même en avançant en âge. Je suis convaincu que cela peut avoir des impacts significatifs pour notre longévité en santé.
Probablement l’une des facettes sur lesquelles nous portons le plus d’attention. Les études sur la population d’Okinawa semblent démontrer que les centenaires consommaient moins de calories même s’ils avaient une plus grande quantité d’aliments que les autres habitants du Japon. Il s’agit d’une recommandation que l’on pourrait résumer ainsi : manger très riche en nutriments, mais le moins de calories possible, en coupant avant tout tous les sucres et glucides raffinés. Mangez beaucoup de légumes, pensez à varier les sources de fibres et intégrez les noix et autres protéines végétales. De plus, cette recommandation devrait être mise en relation avec les bénéfices de manger sur la période la plus courte possible de la journée. L’alimentation à temps restreint, 16/8 ou 18/6, qui consiste à s’alimenter par exemple de midi à 18 heures (18/6) est déjà à favoriser, mais des périodes de jeûne (22-23 heures, jusqu’à 3 jours) permettraient des bénéfices supérieurs. Ainsi, ce n’est pas seulement la quantité de calories consommée et la qualité de notre alimentation, mais aussi, les laps de temps sans manger. Ces périodes améliorent la composition du microbiote, réduisent l’inflammation dans tout le corps humain, améliorent la sensibilité à l’insuline, facilitent la gestion du poids et augmentent votre flexibilité métabolique.
Une autre façon d’améliorer votre métabolisme. Les gérosuppresseurs sont parmi les éléments les plus puissants pour vous permettre de garder vos capacités le plus longtemps possible. Un éminent chercheur américain a nommé cette approche, de ralentir le vieillissement cellulaire, l’« ultime médecine préventive » dans la prestigieuse revue Science. Ces molécules, qui ralentissent le vieillissement primaire des cellules, améliorent du même coup un grand nombre de processus biologiques et réduisent l’incidence des maladies associées au vieillissement. Elles permettent d’améliorer la gestion du glucose, de réduire l’inflammation et le poids corporel, d’abaisser les triglycérides et le mauvais cholestérol sanguin, d’augmenter le bon cholestérol, de diminuer le niveau des hormones de croissance, de réduire les risques de cancer, de préserver les fonctions des cellules souches, d’améliorer le métabolisme des mitochondries, de réduire la perte de masse musculaire, de préserver la structure et les fonctions cognitives, etc.
Les gérosuppresseurs les mieux documentés actuellement, pour lesquels nous avons le plus de démonstrations cliniques ainsi que les mécanismes d’action, sont les polyphénols d’olives et le resvératrol. La recherche sur les gérosuppresseurs avance rapidement, et je suis très fier de souligner que nous en avons découvert 21 nouveaux, tous d’origine naturelle, durant nos travaux avec l’Université Concordia.
Nous devrions tous prendre des gérosuppresseurs, de préférence le soir avant de nous coucher, de façon à augmenter nos capacités de réparation qui sont déjà plus élevées durant la nuit.
Ici, comme mentionné précédemment, il faut savoir que la biologie est très économe et que tout ce qui ne sert pas disparaît. Cela s’applique à une multitude de processus cellulaires bénéfiques, comme la production antioxydante en réponse à l’activité physique. Quand vous êtes actif, votre corps produit plus d’oxydation et il doit faire appel aux défenses antioxydantes pour protéger les composantes de vos cellules des dommages, dont l’ADN. Cette production dépasse les besoins et permet un bénéfice au-delà de l’augmentation causée par l’exercice. Quand vous arrêtez d’être actif, ces processus s’arrêtent graduellement et votre défense antioxydante baisse.
C’est vrai pour un grand nombre de mécanismes, dont plusieurs sont reliés à la défense contre des stress environnementaux comme la température (ex. : l’exposition aux températures élevées dans un spa), la résistance au manque d’oxygène (créé par exemple au niveau musculaire par l’exercice de haute intensité), ou encore, le manque de nutriment causé par le jeûne. La modulation de ces systèmes secondaires, en étirant nos zones de confort pour les stimuler, permet de conserver ces mécanismes bénéfiques en fonction.
Tout le fonctionnement de notre corps, y compris les mécanismes du vieillissement primaire de nos cellules, est relié au cycle journalier que l’on appelle le « cycle circadien ». Ce cycle est fortement modulé par la production de la mélatonine le soir et la production du cortisol le jour. Le cortisol est à la fois l’hormone de stress et l’hormone régulatrice de notre métabolisme journalier (d’où les problèmes métaboliques reliés au stress : elle régule les hormones de l’appétit, la production énergétique et la gestion des réserves d’énergie). Outre faire attention à notre sommeil, il faut faire attention au cycle circadien en s’exposant le matin à la lumière du jour et en tenant compte de notre métabolisme pour la composition de nos repas. Nous allons plus facilement utiliser l’énergie d’un repas riche en calories le matin et plus facilement emmagasiner cette énergie si elle provient d’un repas riche le soir. Le repas du soir devrait donc être plus léger. La consommation des protéines animales a aussi un impact sur les processus du vieillissement et du point de vue de la chronolongévité, nous devrions concentrer leur consommation dans le repas suivant l’exercice physique et favoriser les protéines végétales pour les autres repas.
Conclusion
Il s’agit d’un résumé de mes recommandations que vous pourrez découvrir en détail dans mon cinquième livre au cours de la prochaine année. Ces recommandations pourraient vous permettre d’ajouter plus de 30 ans de vie de qualité à votre existence. Une étude récente a démontré que pour 8 habitudes de vie positives adoptées, il y aurait un gain de vie de près de 25 ans pour les hommes, et de 22,6 ans pour les femmes. Additionnez à cela les autres recommandations d’optimisation de votre longévité et vous mettrez toutes les chances de votre côté pour vivre centenaire.
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