Publié le 1 octobre 2024
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.
L’iode est un nutriment un peu méconnu même s’il est indispensable à notre survie. Il appartient à la catégorie des nutriments essentiels, car l’organisme humain n’est pas en mesure d’en produire et dépend donc d’un approvisionnement alimentaire régulier. On le qualifie d’oligo-élément, puisqu’on le retrouve qu’en quantités relativement faibles. L’iode sert au bon fonctionnement de la glande thyroïde, dont les hormones régulent notamment la croissance, le métabolisme, la température basale, le fonctionnement rénal, etc. La carence en iode provoque de sérieuses conséquences, alors qu’un apport excessif pourrait entraîner des troubles de la thyroïde. Partons à la découverte de ce précieux élément.
Iode 101
La majeure partie de l’iode de la Terre se trouve dans les océans sous la forme d’ion iodure (I-). La teneur en iode dans le sol varie selon la région. Plus la surface exposée du sol est ancienne, plus il est probable que l’iode ait été lessivé par l’érosion. Les zones les plus gravement déficientes en iode dans le monde sont les régions montagneuses telles que l’Himalaya, l’Atlas, les Andes et les Alpes, les vallées fluviales inondées comme la plaine du Gange en Inde et de nombreuses régions intérieures, telles que l’Asie centrale et l’Afrique, l’Europe centrale et orientale, et la région du Midwest de l’Amérique du Nord.
Besoins quotidiens en iode
Les besoins en iode sont variables selon l’âge et le sexe. L’apport nutritionnel suffisant a été établi à 150 μg par jour chez les adultes par Santé Canada. Les femmes enceintes et allaitantes doivent être particulièrement vigilantes quant à leur apport en iode, car l’apport nutritionnel considéré comme suffisant est majoré à 190 μg par jour et 220 μg par jour respectivement.
On entend parfois des gens dire qu’ils sont allergiques à l’iode. Cependant, une allergie à l’iode pur est impossible, puisqu’il s’agit d’un élément essentiel à notre organisme. De plus, l’iode est une toute petite molécule dotée d’une structure toute simple que le système immunitaire ne remarque même pas! Certaines personnes ont tout de même une réaction de sensibilité aux médicaments qui contiennent de l’iode (désinfectants, agents de contraste aux rayons X, médicaments antifongiques, etc.). Ces réactions sont dites « pseudo-allergiques », car elles n’impliquent aucun des anticorps nécessaires pour déclencher une réaction allergique.
Sources d’iode
Sel et iode
En raison du grand nombre de terres pauvres en iode au Canada, l’ajout d’iode au sel de table est devenu obligatoire en 1949. Le sel vendu pour usage domestique contient 0,01 % d’iodure de potassium et environ 380 μg d’iode par 5 ml (1 c. à thé). Le sel iodé est autorisé dans la restauration collective, mais ne l’est pas dans la production d’aliments manufacturés. On doit savoir que le sel de mer n’est pas obligatoirement enrichi en iode et que la plupart des sels de spécialité (fleur de sel, sel himalayen, sel de Guérande, etc.) ne contiennent pas d’iode.
Fonctions de l’iode
Bien que la teneur totale en iode du corps ne représente qu’environ 15-20 mg (ou 0,000016 % du corps humain), celui-ci a un large éventail de tâches importantes. La glande thyroïde d’un adulte en bonne santé en concentre 70 à 80 % et utilise en moyenne 80 μg d’iode par jour pour synthétiser les hormones thyroïdiennes.
Pour répondre à la demande du corps en hormones thyroïdiennes, la glande thyroïde emprisonne l’iode du sang et l’incorpore dans une grande glycoprotéine appelée thyroglobuline (Tg). L’hydrolyse de la Tg par des enzymes lysosomales produit des hormones thyroïdiennes qui sont stockées et libérées dans la circulation en cas de besoin.
Régulation de la fonction thyroïdienne
Il s’agit d’un processus complexe qui implique l’hypothalamus et l’hypophyse. En réponse à la sécrétion de l’hormone de libération de la thyrotropine (TRH) par l’hypothalamus, l’hypophyse sécrète l’hormone stimulant la thyroïde (TSH). La TSH stimule le piégeage de l’iode, la synthèse de l’hormone thyroïdienne, et la libération de thyroxine (T4) et de triiodothyronine (T3) par la glande thyroïde. La T3 est l’hormone thyroïdienne physiologiquement active qui peut se lier aux récepteurs thyroïdiens dans les noyaux des cellules et réguler l’expression des gènes. La présence de T4 et de T3 en circulation à des taux adéquats se répercute dans l’hypothalamus et l’hypophyse, ce qui diminue la production de TRH et de TSH. Inversement, lorsque le taux de T4 diminue, l’hypophyse augmente sa sécrétion de TSH, ce qui a comme conséquence le piégeage accru d’iode et une augmentation de la production et de la libération de T4 et de T3.
Carence en iode
L’Organisation mondiale de la santé (OMS) a estimé que plus de 30 % de la population mondiale (2 milliards de personnes) a un apport insuffisant en iode, comme mesuré par les concentrations médianes d’iode urinaire inférieures à 100 μg/L et qu’environ un tiers des enfants d’âge scolaire dans le monde (241 millions d’enfants en 2011) ont une consommation insuffisante d’iode.
Chez les jeunes enfants, une carence même modérée en iode peut provoquer un retard mental appelé « crétinisme ». Les adultes sévèrement carencés en iode peuvent développer un goitre et souffrir d’une production insuffisante d’hormones thyroïdiennes. La carence en iode entraîne une production insuffisante de T4 et, en réponse à la diminution des concentrations sanguines de T4, l’hypophyse augmente sa production de TSH. Des niveaux constamment élevés de TSH peuvent mener à l’hypertrophie de la glande thyroïde (goitre).
Étude sur l’iode au Québec
Une équipe de l’Université McMaster, en Ontario, en collaboration avec des chercheurs de Vancouver et de Québec, a mesuré les concentrations en iode dans l’urine de 800 Canadiens sur une période de 24 heures. Ces concentrations sont directement corrélées à l’apport nutritionnel et au taux de cet oligo-élément dans l’organisme. Selon les résultats publiés dans la revue Nutrients, les chercheurs ont constaté que les habitants de Québec et de Vancouver avaient un risque relatif 2,5 fois plus élevé de carence en iode que ceux d’Hamilton et d’Ottawa. Au total, 11,9 % des adultes inclus dans l’étude présentaient une carence modérée à sévère (taux inférieur à 50 μg/L).
Signes et symptômes de carence en iode
Lorsqu’une personne est carencée en iode, la glande thyroïde s’hypertrophie provoquant un goitre dans le but de capturer plus d’iode. Elle peut devenir sous-active et produire trop peu d’hormones thyroïdiennes (hypothyroïdie). Dans ces cas, des signes tels qu’une peau à l’apparence gonflée, sèche et squameuse, les cheveux clairsemés et grossiers, la voix rauque, une altération des fonctions mentales, une intolérance au froid, la prise de poids et l’altération de la fertilité peuvent être présents.
Doit-on éviter les aliments dits « goitrogènes » en cas de trouble thyroïdien?
Certains aliments tels que les crucifères (le chou de Bruxelles, le chou, le chou-fleur, le brocoli, le chou frisé, les feuilles de moutarde, le rutabaga, le radis, le raifort, etc.), le manioc, la patate douce, les graines de soja, les arachides et le millet sont qualifiés de « goitrogènes ». Ces aliments sont riches en glucosinolates et en glucosides cyanogénétiques, qui sont transformés en thiocyanates dans l’organisme, et ils induisent une excrétion urinaire accrue de l’iode ingéré. Cependant, la cuisson inhibe ces substances et la plupart de ces goitrogènes ne sont pas d’importance clinique à moins qu’ils ne soient consommés en grande quantité ou qu’il y ait une carence en iode coexistante.
Se supplémenter en iode
Un supplément de multivitamines et minéraux qui fournit 150 μg d’iode contient 100 % de la valeur quotidienne (VQ) pour l’iode. L’American Thyroid Association (ATA) recommande une supplémentation prénatale avec 150 μg par jourd’iode.
N.B. : Les suppléments d’iode, peuvent interagir avec des médicaments antithyroïdiens tels que le méthimazole (Tapazole), utilisés pour traiter l’hyperthyroïdie. La prise de fortes doses d’iode avec des médicaments antithyroïdiens pourrait amener votre corps à produire trop peu d’hormones thyroïdiennes.
Excès d’iode
Même si l’alimentation fournit suffisamment d’iode, un supplément de 150 μg/jour est peu susceptible d’entraîner une consommation excessive d’iode. Cependant, il vaut mieux ne pas dépasser la limite supérieure de sécurité de 1100 µgd’iode par jour. L’ATA déconseille l’ingestion de ≥500 μg/jour d’iode provenant de l’iode, de l’iode de potassium et des suppléments de varech pour les enfants et les adultes, ainsi que pendant la grossesse et l’allaitement.
Peut-on consommer trop d’iode en mangeant des algues?
La valeur limite de la teneur en iode dans les algues a été définie à 2000 mg/kg de poids sec par jour par l’Agence française de sécurité sanitaire des aliments (AFSSA). Cela équivaut à une consommation maximale quotidienne de 226 mg d’algues sèches. Sachant qu’un maki contient approximativement 220 mg de nori, nous disposons que d’une faible marge de manœuvre. Cependant, les Japonais consomment en moyenne 10 g d’algues sèches par jour sans problèmes.
Conclusion
Bien que l’ajout d’iode au sel de table dans les régions à risque ait réduit le risque de carence en iode, les effets d’une carence sont vraiment importants et doivent être pris au sérieux. Si vous consommez peu d’aliments qui en contiennent et présentez des signes de carence ou êtes enceinte ou allaitante, il est préférable d’incorporer un supplément qui vous fournira 150 µg par jour d’iode. Il s’agit d’une dose sécuritaire qui peut vous protéger et protéger votre enfant, le cas échéant.