Nausées de grossesse : une bénédiction déguisée

Publié le 11 mars 2022
Écrit par Marik Péro, ND.A.

Nausées de grossesse : une bénédiction déguisée

Vous êtes enceinte (félicitations!) et c’est le bonheur total… enfin presque ! Une ombre vient gâcher le tableau : les satanées nausées et vomissements de grossesse (NVG).

Peut-être est-ce même « grâce » à ces fameuses nausées que vous est venue l’idée de passer un test de grossesse. En effet, elles sont fréquentes (environ 75 à 80 % des grossesses) [1] [2] et le cinéma hollywoodien ne manque pas une occasion de nous le rappeler.

Malgré la forte prévalence des NVG et les nombreuses études à leur sujet, notre compréhension des mécanismes menant à leur apparition est étonnamment encore très limitée à ce jour [3]. Plusieurs hypothèses sont soulevées, notamment en lien avec la glycémie [4] et la thyroïde [3]. Le milieu scientifique s’entend toutefois pour dire que ces troubles sont attribuables aux importants changements hormonaux survenant en début de grossesse [5], les hormones étant éliminées par les voies hépatobiliaires. Effectivement, dans une étude, 100 % des femmes enceintes ayant une maladie de la vésicule biliaire préexistante et 98 % de celles qui n’avaient pas toléré les contraceptifs hormonaux ont souffert de NVG [6]. De plus, près de 50 % des femmes qui finissent hospitalisées en lien avec leurs NVG souffrent de troubles hépatiques [7]. Ces données éloquentes expliquent pourquoi les naturopathes accordent ici une importance toute particulière au foie.

 

Faisant généralement leur apparition dans les 3 à 8 premières semaines de la gestation, les NVG sont normalement légers et passagers. S’ils sont réputés survenir plus souvent le matin, ils peuvent se manifester à n’importe quel moment de la journée. Pour 50 % des femmes enceintes vivant des nausées, celles-ci s’accompagnent de vomissements [2] pouvant prendre une forme invalidante (on parlera alors d’hyperemesis gravidarum [HG], dans 0,3 à 2 % des grossesses) [3]. Ils peuvent alors persister au-delà du premier trimestre (voire jusqu’à l’accouchement) et devenir inquiétants si la future maman peine à s’alimenter et/ou s’hydrater. Le risque de carences et de déshydratation devient alors bien réel [2]. Il est capital d’aller consulter un médecin quand la situation s’aggrave et qu’apparaissent des signes de déshydratation (soif intense et/ou urines diminuées/foncées, sécheresse de la bouche, tachycardie, hypotension, léthargie, etc.), des maux de ventre, de la fièvre ou des vomissements sanguinolents, si les symptômes apparaissent après le second mois de grossesse [2], ou s’ils s’aggravent malgré toutes les solutions tentées [1] [8].

En tant que naturopathe, face à quelque réaction physiologique que ce soit, je m’interroge toujours pour en comprendre la raison d’être. Cette investigation en lien avec l’importante incidence des NVG mène à un constat fascinant, mis en lumière par les chercheurs Flaxman et Sherman en 2000 [3] : les NVG auraient un rôle protecteur de la femme enceinte et de son embryon/fœtus, et ces mécanismes de défense réduiraient considérablement son risque de fausse couche, d’anomalie gestationnelle et d’accouchement prématuré [9].

Mais comment diable des symptômes si désagréables peuvent-ils être bénéfiques ? C’est ce que ce duo de chercheurs s’est affairé à expliquer en étudiant des milliers de femmes enceintes de nationalités et de cultures différentes. Ils en sont arrivés à quelques savoureuses conclusions [9] :

  • Ces mécanismes seraient présents pour rejeter tout aliment susceptible de renfermer des substances tératogènes (altérant le développement de l’embryon) ou abortives, notamment les boissons alcoolisées et caféinées. Effectivement, les symptômes atteignent leur paroxysme précisément pendant la période gestationnelle où le développement des organes de l’enfant à naître est le plus vulnérable aux perturbateurs exogènes.
  • Les fréquentes aversions alimentaires aux viandes, aux poissons et aux œufs, quant à elles, seraient issues d’une longue évolution humaine et installées depuis bien avant l’ingénieuse arrivée des frigos dans nos cuisines. Elles s’expliqueraient du fait que ces aliments étaient (et sont encore parfois) sources de nombreux pathogènes (parasites, notamment). On sait que le système immunitaire de la femme enceinte est légèrement inhibé pendant la grossesse afin de lui permettre de tolérer le développement d’un petit corps étranger pendant neuf mois. En conséquence, elle est plus vulnérable aux infections; un micro-organisme qu’elle aurait combattu efficacement avant d’être enceinte peut s’avérer grave, voire fatal, pendant sa grossesse. Ses nausées et vomissements compensent en quelque sorte cette diminution de ses capacités immunitaires.

Les NVG auraient donc un rôle prophylactique important !

Cela dit, ce n’est pas pour autant qu’on doit en souffrir sans tenter de les soulager. Et rassurez-vous, aborder ces symptômes ne mène pas à des complications de grossesse, au contraire [5] ! Il existe heureusement une panoplie de moyens naturels pour venir à bout des NVG. Chaque femme répondra différemment à ces solutions, et il faut parfois en tenter plusieurs avant de trouver le soulagement tant attendu.

Voici les solutions à tester pour parler à votre nerf vague et le supplier de bien vouloir garder un peu d’eau et de nutriments :

 

HYDRATATION [3]

Pour minimiser la menace de renvoyer son eau, il est préférable de boire fréquemment, mais à petites gorgées et loin des repas (ne serait-ce que quelques cuillérées à thé toutes les quinze minutes). Les liquides suivants sont d’excellents moyens de s’hydrater :

  • Eau (au besoin ajouter une pincée de sel de mer et/ou un filet de jus de pamplemousse frais pressé)
  • Eau gazéifiée avec jus de citron ou lime (on peut même y infuser du gingembre frais et vous voilà avec un savoureux ginger ale maison)
  • Bouillon d’os ou de miso maison

Surtout, on évitera les liquides susceptibles de contribuer à la détente du cardia, cher petit clapet qui assure la fermeture entre l’œsophage et l’estomac. Exit (autant que possible) le café, le thé noir, les boissons gazeuses (et le chocolat !).

Si aucun liquide n’est toléré, manger des fruits riches en eau comme le melon d’eau peut être salvateur. Même si ce n’est qu’un ou deux raisins frais toutes les quinze minutes, ce sera déjà mieux que rien [10] !

 

ALIMENTATION

S’il y a bien une période de la vie où l’alimentation intuitive prend toute son importance, c’est pendant la grossesse ! Il va de soi qu’on évitera autant que possible de s’exposer à l’odeur (voire même à l’idée) des aliments qui temporairement nous lèvent le cœur. La plupart des femmes verront leurs symptômes s’améliorer en répondant à leurs envies de salé (noix rôties salées, céleri frais, croustilles d’algues, olives, feta, etc.) et en évitant les mets épicés, gras et frits qui les rebutent.

Il faudra miser sur de petits repas [4], cinq à six fois par jour [1] [2], afin d’éviter d’avoir le ventre vide trop longtemps. On assurera aussi l’équilibre de la glycémie grâce à des apports suffisants en protéines et en fibres (feu vert à tous les légumes qui sont tolérés) [4].

On peut même placer quelques en-cas sur sa table de chevet le soir avant d’aller au lit, et les manger avant le dodo et/ou dès le réveil, une quinzaine de minutes avant de poser le pied au sol [4].

 

VITAMINE B6 [1] [3] [4]

Son efficacité contre les nausées n’est plus à démontrer. Elle fait même partie du Diclectin, médicament généralement prescrit aux femmes souffrant de NVG. À essayer donc avant d’en arriver à la médication, et s’assurer que sa formule prénatale multivitamines et minéraux renferme une B6 activée (P-5-P) !

 

GINGEMBRE [1] [3]

Très étudiée, cette merveilleuse racine ne présente aucun risque pour la grossesse, et son efficacité serait au moins équivalente à celle de la vitamine B6. En tisane, ginger ale maison, capsule ou bonbon, c’est LA première chose à essayer. Pour celles qui n’apprécient pas son goût, la combiner à des graines d’anis ou de fenouil, des feuilles de menthe ou du jus de lime peut être judicieux. Attention toutefois ; le ginger ale commercial aromatisé sans véritable gingembre n’aura pas les effets escomptés… et risque de jouer sur un autre facteur important : votre glycémie !

 

PRENDRE SOIN DE SON FOIE… EN DOUCEUR [10] !

Le foie aime la chaleur et les plantes amères. Une bouillotte chaude placée sur le côté droit du ventre (20 minutes avant et 45 minutes après chaque repas) permet d’amener le foie à sa température optimale (39°). On peut aussi ajouter quelques gouttes (1 à 15) de teinture mère de racine de pissenlit pour stimuler la production de bile par le foie et la contraction de la vésicule biliaire tout en améliorant l’appétit [3]. S’il y a constipation, la priorité est d’assurer le retour d’un transit intestinal minimalement quotidien.

 

D’autres petits gestes simples peuvent faire une grande différence, comme :

  • Changer votre multi prénatale pour une forme liquide et/ou contenant moins de fer [2];
  • Aérer la maison tous les jours (même en hiver!);
  • Aller prendre une grande bouffée d’air frais[2];
  • Essayer certains remèdes homéopathiques, tels Nux vomica et Pulsatilla[4];
  • Tenter l’hypnose ou la psychothérapie, qui peuvent être d’un grand secours si le stress et l’anxiété jouent un rôle prépondérant dans le déclenchement des symptômes[3];
  • Tenter l’acupuncture ou l’acupression (notamment sur le point P6 situé à l’intérieur du poignet) [2] [3] [4] [8];
  • Honorer aussi souvent que possible son besoin de repos : construire un petit être humain est un travail à temps plein[8]!

Saviez-vous qu’on peut également prévenir les NVG ? Si vous lisez ces lignes et que vous prévoyez tomber enceinte dans les prochains mois, c’est le moment idéal pour rencontrer un naturopathe ferré en la matière qui saura vous accompagner dans la préparation à une grossesse optimale… et confortable !

 

RÉFÉRENCES

[1] E. E. Bunce and R. P. Heine, « Le manuel MSD, version pour les professionnels de la santé, » Merck manuals, décembre 2020. [Online]. Available: https://www.msdmanuals.com/fr/professional/gyn%C3%A9cologie-et-obst%C3%A9trique/sympt%C3%B4mes-pendant-la-grossesse/naus%C3%A9es-et-vomissements-au-d%C3%A9but-de-la-grossesse?query=naus%C3%A9es%20de%20grossesse. [Accessed janvier 2022].
[2] Équipe Naître et grandir, « Naître et grandir, » Juillet 2021. [Online]. Available: https://naitreetgrandir.com/fr/grossesse/trimestre1/nausees-vomissements-durant-grossesse/. [Accessed Janvier 2022].
[3] A. J. Romm, Botanical medicine for women’s health, 2e ed., St-Louis, Misouri: Elsevier, 2018, p. 382.
[4] Clinique communautaire de Pointe-Saint-Charles, « Cahier pour les usagères des services de sage-femme, » Inconnue. [Online]. Available: https://ccpsc.qc.ca/wp-content/uploads/2019/11/CAHIER%20DES%20USAG%C3%88RES%20FR.pdf. [Accessed Janvier 2022].
[5] Expecting Science, « Morning Sickness & Miscarriage: How Much Does Nausea Lower Your Risk?, » Expecting Science, 11 Mars 2016. [Online]. Available: https://expectingscience.com/tag/morning-sickness/. [Accessed Janvier 2022].
[6] G. M. Velinder, G. Samsioe and A. Järnfelt-Samsioe, « Nausea and Vomiting in Pregnancy – A Contribution to Its Epidemiology, » Karger, 1983. [Online]. Available: https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/6629143/. [Accessed Janvier 2022].
[7] World journal of gastroenterology, « Liver diseases in pregnancy: Diseases unique to pregnancy, » NCBI, Novembre 2013. [Online]. Available: https://www.ncbi.nlm.nih.gov/pmc/articles/PMC3837262/. [Accessed Janvier 2022].
[8] M.-J. Beaulieu, « Le milieu scientifique s’entend pour dire que ces troubles sont attribuables aux importants changements hormonaux survenant en début de grossesse., » OIIQ, Août 2011. [Online]. Available: https://www.oiiq.org/sites/default/files/uploads/pdf/publications/perspective_infirmieres/2011_vol08_n04/15_Nausees.pdf. [Accessed Janvier` 2022].
[9] S. M. Flaxman and P. W. Sherman, « Morning Sickness: A Mechanism for Protecting Mother and Embryo, » Juin 2000. [Online]. Available: https://www.journals.uchicago.edu/doi/pdf/10.1086/393377. [Accessed Janvier 2022].
[10]] C. Laperle, « L’ultime Liste Pour Calmer Les Nausées De Grossesse, Naturellement !, » 15 Novembre 2015. [Online]. Available: https://maternitesacree.ca/lultime-liste-pour-calmer-les-nausees-de-grossesse-naturellement/. [Accessed Janvier 2022].