Nos produits identitaires

Publié le 21 octobre 2016
Écrit par Louis Lapointe et Yves Prescott

Nos produits identitaires
Now pour juillet

On garde habituellement d’heureux souvenirs des repas traditionnels chez nos grands-parents.

 

À CETTE ÉPOQUE, on était loin de se douter que le Québec allait se singulariser tant par la qualité que par l’originalité de sa production alimentaire. La mise en marché de certains produits propres à notre climat nordique dépasse désormais le marché local pour rejoindre les amateurs de haute gastronomie et les consommateurs étrangers.

Dans le cadre de cet article, on a retenu deux aliments phares qui ont connu une progression fulgurante et, en contrepartie, un troisième, dont le parcours singulier a réussi à le positionner avantageusement sur le marché nord-américain.

 

Produits de l’érable

Un aliment qui vient probablement tout de suite à l’esprit est bien évidemment celui des produits de l’érable. On rappelle que le Québec couvre à lui seul près des trois quarts de la production mondiale de sirop d’érable et soucieux de la pureté de sa production, il est le seul au monde où le contrôle de qualité se fait sur environ 200 000 barils annuellement. Tout comme le miel, le sirop d’érable se présente sous différentes couleurs, le plus clair ayant le goût le plus délicat, alors que le plus foncé accuse une saveur plus prononcée.

On apprend, sur le site de la Fédération des producteurs acéricoles du Québec, que 20 % du sirop produit ici est certifié biologique et qu’une partie de cette production répond même aux normes de l’alimentation cachère !

Outre son goût incomparable, il renferme également plus de 20 composés antioxydants. Des chercheurs universitaires ont démontré son potentiel pour lutter contre les problèmes d’antibiorésistance, en plus de contribuer au traitement de l’arthrite et autres maladies semblables.

Nous sommes témoins d’un nouvel engouement pour l’eau d’érable certifiée NAPSI (naturelle, authentique, pure, stérile, intégrale), peut-être moins connue du grand public. En effet, outre ses composantes bioactives, elle contient un éventail de vitamines et de minéraux tels que le potassium, le manganèse et le zinc. Si elle demeure faible en sucre, l’eau d’érable contient également des acides reconnus pour stimuler le relâchement de l’insuline, d’où ses propriétés thérapeutiques favorables pour combattre le diabète.

Un marketing audacieux des produits de l’érable a permis de l’utiliser comme substitut au sucre blanc raffiné ou à la cassonade dans plusieurs recettes. Sa saveur se marie admirablement avec celle de la canneberge.

 

La canneberge

Le Québec se situerait au 3e rang mondial (avec la Colombie-Britannique) pour sa production de canneberges; de plus, nous occupons sans conteste le premier rang pour la production plus spécifiquement biologique de cette baie. En effet, depuis une décennie, certains producteurs se sont intéressés à cemodedeproduction,quioccupeaujourd’hui15%dessuperficiesdédiées à la culture de la canneberge.

Cette performance est possible en raison des faibles besoins en fertilisants et du nombre limité de ravageurs présents dans notre zone climatique. On exporte désormais la majeure partie de notre production dans 25 pays, dont les États-Unis. Cela n’empêche pas nos cuisiniers de lui donner une nouvelle identité – qui soit indépendante de la dinde – en l’intégrant dans les salades, les confiseries, les sorbets et les mélanges santé.

Si cette baie contribuait à la conservation des viandes et poissons consommés par les Premières Nations, ces derniers connaissaient depuis longtemps ses vertus diurétiques et l’utilisaient même en cataplasme pour le traitement de blessures. L’atoca (canneberge) était aussi un bon antiseptique, car il est riche en flavonoïdes et reconnu pour ses vertus antioxydantes. Certains thérapeutes suggèrent même de consommer du jus de canneberge pour prévenir les problèmes de prostate. Excellente source de vitamine C, la canneberge est aussi très bonne pour la santé des os. Notons enfin que c’est un fruit totalement dépourvu de sodium, contenant très peu de sucres et de protéines.

Des études en laboratoire rapportent que des extraits de jus de canneberge préviennent l’adhésion et la croissance des bactéries causant la plaque dentaire et pourrait aussi être efficace pour soigner ou prévenir la gingivite et la parodontite, maux qui affectent, à divers degrés, près de 75% de la population. Peut-on espérer trouver un jour du dentifrice à saveur de canneberges sur nos étalages ?

 

Fromages

Si les deux produits discutés précédemment ont connu un parcours apparemment sans embûches, celui du fromage demeure unique et singulier. Il importe d’abord de souligner qu’à l’image de la canneberge et des produits de l’érable, la durée de vie de certains fromages reste relativement appréciable. Par exemple, on peut souligner que la tradition de la production fromagère de cheddar et de fromage en grains au Québec est plus que centenaire et que ce type de produit s’exportait facilement, car il s’adaptait remarquablement aux longs voyages en bateau. Historiquement, le fleuve Saint-Laurent a d’ailleurs facilité sa distribution, permettant ainsi de soutenir l’économie de nos fermes locales.

Ce n’est que beaucoup plus tard que la production de fromages de lait cru s’est implantée avec passion, ce qui nous distingue du reste de l’Amérique. Toutefois, la crise de la listeria semblait avoir anéanti cette diversification importante de notre patrimoine alimentaire. En 2008, la production au lait cru, qui venait de s’implanter solidement chez nous, a connu une chute spectaculaire et provoqué la fermeture de nombreuses usines ainsi que leurs points de vente. Contre toutes attentes, la situation s’est progressivement rétablie, grâce à l’affermissement des exigences de contrôle des productions artisanales. La production locale devient maintenant un compétiteur sérieux aux importations en provenance d’Europe ; d’ailleurs, le nombre de fromageries spécialisées offrant une vaste sélection reste sans égal en Amérique.

 

Les allergies aux protéines de lait et l’intolérance au lactose

Environ 75% des habitants de la planète ne sont pas capables de digérer le sucre du lait appelé « lactose ». Lorsqu’il n’est pas transformé dans le tube digestif, le lactose qui parvient au niveau du côlon provoque des douleurs intestinales et des diarrhées. On peut noter d’autres symptômes, tels que les maux de tête, douleurs musculaires et maux de gorge.

Si la majorité des produits laitiers contiennent du lactose, les fromages qui ne passent pas le processus d’affinage, tels que le Camembert et le Saint-Paulin, n’en contiennent plus, tout comme le beurre. Compte tenu de l’importance de ce marché, certaines fromageries de chez nous répondent à ces besoins spécifiques.

Par contre, l’allergie aux protéines du lait, qui diffère de l’intolérance au lactose, se manifeste le plus souvent par des crises d’eczéma, de vomissements ou de diarrhée. Presque exclusive aux enfants en bas âge, cette allergie se résorbe dans 90%des cas avant l’âge de 6 ans.

En conclusion, l’époque où la production alimentaire visait un marché strictement local soucieux de répondre à des besoins de subsistance est révolue. Depuis à peine quelques décennies, notre production alimentaire a su rayonner, tant à l’échelle continentale qu’internationale. Cette évolution nous a notamment amenés à redécouvrir les vertus curatives et nutritives de notre patrimoine alimentaire, ce qui n’a pas empêché le potentiel gastronomique de ces produits phares d’être pleinement exploité par les Québécois qui se distinguent par leur souci des arts de la bonne table.