Publié le 15 mai 2018
Écrit par Sylvie Leblanc, n.d.
En mai, la nature renaît. Les racines de nos fleurs, arbustes et plantes vivaces qui semblaient morts en surface sous la neige et le gel reprennent sous les chauds rayons du soleil. Il ne faut pas oublier la nourriture de la terre provenant des saisons passées, qui aide à propulser la nature vers de nouveaux présent et futur.
Nous sommes tous issus du passé et des racines qui nous ont été offertes.
Aussi, j’aimerais partager avec vous une branche de mon arbre et héritage familial qui vient me rattraper par les traditions vivantes dans le temps et les similitudes.
Lorsque j’ai mentionné à ma famille mon grand intérêt pour les plantes, la naturopathie et les soins naturels, ma mère s’est remémoré la vie de sa grand-mère Adèle, Adèle Thibault Beaunoyer (1879-1958). Comme beaucoup de femmes de son époque, elle a vécu majoritairement à la campagne. Elle vivait donc en contact direct avec la nature et en connaissait de nombreux secrets.
Par défaut et aussi par nécessité, elle utilisait « la pharmacie de la nature » dans un premier temps, qui était d’un grand secours pour les gens du village et de sa famille.
Selon ce que l’on m’a raconté, mon arrière-grand-mère Adèle était la personne qui était appelée au village lorsqu’une femme accouchait et avait besoin d’aide. Ma mère se souvient d’être allée cueillir des herbes avec sa grand-mère, entre autres ce qu’elle appelait « des fleurs de sirop blanc ». Après vérification visuelle avec ma mère, il s’agit en fait de fleurs de sureau blanc que ma grand-mère Adèle utilisait surtout en tisanes. Elle avait des notions de santé, suffisamment pour reconnaître certaines maladies graves, ce qui a d’ailleurs sauvé ma mère lorsqu’elle était enfant.
Bien entendu, certains petits soins faisaient partie du répertoire traditionnel, comme des « mouches de moutarde » pour les flegmes persistants aux poumons, les cataplasmes de patates pour les maux de tête, les cures printanières durant la période du carême, des fumigations aux herbes, les feuilles de plantain pour les piqûres d’insectes, et beaucoup d’autres soins à partir des produits de la nature faisaient partie de ses connaissances. Chaque fois qu’une personne âgée meurt, c’est une encyclopédie riche de savoirs ancestraux qui s’en va.
Autrefois, ces traditions se passaient verbalement, souvent comme ce que l’on appellerait aujourd’hui le « mentorat ». Dommage que je n’aie pas connu mon arrière-grand-mère Adèle. Quel plaisir ça aurait été de faire la cueillette d’herbes à ses côtés pour apprendre toutes ces traditions et préparer des vins de plantes et de fruits, des infusions, des fumigations et des cataplasmes.
Si certains d’entre vous se questionnent à savoir pourquoi une ou deux générations n’ont pas eu la chance de recevoir en cadeau ces traditions de soins à partir de la nature, j’ai ma petite et humble hypothèse.
Plusieurs membres des familles des années 1940-1950 ont migré en ville pour trouver de l’emploi, ou afin de permettre à certains de leurs enfants d’avoir accès à des études supérieures, comme ce fut le cas pour ma grand-mère Lucienne et ses enfants.
Bien entendu, loin de la campagne et de ses ressources naturelles, les citadins se sont tournés de plus en plus vers la médecine allopathique pour de petits maux aussi, si bien que les traditions de soins des petits maux de tous les jours avec les herbes et les plantes ont été remplacées et oubliées peu à peu, et c’est bien triste. Bien entendu, les traditions de soins ne remplacent pas certains médicaments et soins médicaux de nos jours, mais ces connaissances pourraient devenir de petits trésors dans l’avenir.
J’ai lu dernièrement un article de l’Institut Rodale qui mentionnait que plusieurs chercheurs revisitent des ouvrages médiévaux tels que Codex vegetabilis et Materia Medica, afin de trouver des molécules qui pourraient contre-carrer des infections provenant des superbactéries, résistantes aux antibiotiques qui pourraient se présenter dans les prochaines décennies. Drôle de penser que j’ai toujours été passionnée par les écrits de sainte Hildegarde de Bingen, moniale médiévale en matière de santé. Comme quoi rien ne se perd… Qui sait, les traditions d’avant-hier seront peut-être la base des molécules salvatrices de demain.
Si vous n’avez pas de lopin de terre ni le grand privilège de connaître des terrains boisés ou des sols riches en végétaux et en molécules bienfaisantes, il vous est difficile de cultiver et de récolter, ou de faire vivre des traditions héritées de votre famille ou provenant de connaissances partagées.
Comme certaines semences et racines qui peuvent rester en dormance, il semble que mon intérêt et ma carrière ont su faire renaître certaines traditions et connaissances de ma grand-mère Adèle.
J’ai eu le grand privilège dans ma carrière de rencontrer de grands maîtres de la phytothérapie. Depuis des décennies maintenant, en attendant l’occasion d’avoir une plus grande terre nourricière, je cultive un petit terrain et j’ai la chance d’avoir dans mon humble jardin de la molène, de l’échinacée pourpre, de l’achillée, de l’ortie, du pissenlit, de la consoude, du raifort, de la bourrache, de la chicorée, de magnifiques fleurs de souci, et plus encore. Chaque année, je prépare selon le temps propice et les traditions la cueillette soit des fleurs, des racines et des feuilles, afin de transformer ces plantes.
En y pensant bien, nous pouvons, un peu comme nos arrière-grands-mères, faire des baumes, des teintures mères, des herbes sèches pour notre mieux-être !
Mais c’est aussi la fête des Mères, des grands-mères, de toutes ces femmes qui font une différence dans nos vies et très souvent dans celle de leur communauté. On le sait, les femmes ont été un vecteur de transmission de plusieurs connaissances de soins.
Combien d’entre vous, mesdames, apportent régulièrement des choix alimentaires sains à votre famille ? Vos premières tentatives ne sont pas toujours un succès, mais vous persévérez avec d’autres astuces pour leur mieux-être. Vous leur offrez des soins remplis de bonté et d’amour !
Certaines plantes se transforment et changent, d’autres perpétuent ce que leur ADN et leur héritage leur ont offert ! Comme de nombreuses mères monoparentales, dont mon arrière-grand-mère Adèle ainsi que ma grand-mère, qui ont dû prendre soin de leurs quatre enfants seules, j’ai élevé ma famille seule, tout en conservant ce principe d’offrir le meilleur de la nature à ma progéniture.
On dit que la pomme ne tombe jamais bien loin de l’arbre ; eh bien, mon fils est biologiste et détient une maîtrise en environnement. Il a grandi avec le plus de nourriture biologique possible, et pour les petits maux, il avait et a toujours à sa disposition les bienfaits de la nature. Il a toujours eu un immense respect et un amour pour la nature, et partage ses connaissances et travaille avec la communauté. Vous avez d’ailleurs la chance de le lire régulièrement avec sa chronique « La minute écologique » au sein de Vitalité Québec.
À toutes ces femmes, ces mères, ces grands-mères, ces tantes, qui font une différence par leur dévouement, le respect des aliments ou des soins qu’elles apportent à leur famille, je vous souhaite un bon mois de mai, une bonne fête des Mères. Nous, les femmes, donnons la vie et l’entretenons tous les jours par de petits gestes et choix santé. Hommage à toutes celles qui participent et ont participé positivement à la santé de leur communauté.
Merci, Adèle, Lucienne, et Lise pour votre dévouement et votre force morale !
RÉFÉRENCE
https://www.rodalesorganiclife.com/wellbeing/mediev- al-cures-for-superbugs?’s%20Organic%20Life
Merci aux descendants d’Adèle Thibault Beaunoyer, Serge, Doris, Claudette et ma mère, pour me diriger dans le passé des traditions !