Odeurs, souvenirs et saveurs du tournant de l’an

Publié le 21 novembre 2016
Écrit par Anny Schneider, herboriste-thérapeute accréditée

Odeurs, souvenirs et saveurs du tournant de l’an

Le bonheur le plus doux est celui que l’on partage. Jacques Delille, poète francais, 1800

 

AH ! Les parfums des Noëls de notre enfance ! Ils étaient tellement plus variés et intenses que maintenant, il me semble… Ou seraient-ce nos sens qui s’émoussent avec l’âge ?

 

NOËL OU SOLSTICE D’HIVER, RÉPIT BIENVENU

Qu’importe nos croyances, les fêtes de fin d’année devraient constituer une trêve de l’agitation si courante de nos vies, comme une grande bouffée de joie ou d’espoir au cœur des longues nuits glaciales à venir, et le meilleur temps pour partager avec gratitude les délices et surplus accumulés avec nos bien-aimés.

Loin des orgiaques Saturnales romaines d’alors, le tournant de l’An constitue une occasion plus civilisée pour la famille élargie de se rassembler et d’échanger en toute cordialité sur nos histoires personnelles, nos bilans et nos rêves les plus chers. À nous d’en faire une vraie fête, sans mauvais lendemain, sans dettes, sans épuisement ni esclandres sur de vieilles rancunes…

Noël est la fête de l’amour et, quelles que soient vos convictions, sert à ranimer l’espoir en des jours meilleurs, voire un au-delà réjouissant toujours agissant.

 

USAGES HISTORIQUES DU « ROI DES FORÊTS »

Dans mon beau village d’Alsace d’alors, on décorait à peine les rues de conifères géants ou de guirlandes électriques énergivores, car comme partout en Occident, tout se passait dans les salles de séjour où trônait le grand sapin garni de brillants, luxe que s’offraient même les plus démunis, ceux qui avaient des enfants, du moins.

Là-bas, c’était le sapin des Vosges (Abies pectinata), ici, c’est le sapin baumier (Abies balsamea) qui se tient à la place d’honneur, plus ou moins joliment richement garni, selon le budget et les goûts de la famille. Ne pas confondre avec l’épinette (Picea glauca), pour une fois qu’on veut se faire passer un vrai sapin !

L’arbre de Noël ou du solstice, illuminé pour la plus courte nuit d’hiver, remonte à une tradition babylonienne datant d’il y a 5000 ans. En ce temps-là, on choisissait comme arbre-emblème de la vie éternelle un cèdre (du Liban, le Cedrus libani, pas un Thuya occidentalis d’ici), qu’on garnissait de fruits et de fleurs fraîches ou sèches de l’année, pour s’attirer la prospérité et de bonnes récoltes pour celles à venir et aussi pour célébrer la victoire de la lumière sur les ténèbres.

En Europe, dès le XVe siècle, ce sont les protestants alsaciens qui furent les premiers à introduire un sapin des Vosges garni de bougies, d’oranges, de noix ou de pommes rouges dans les églises, puis dans leurs foyers. Ce sont eux et les Allemands immigrés en Amérique du Nord qui ont importé cette tradition sur ce continent. Comme le père Noël, le commerce a bien récupéré ces rituels très payants…

Rappelons que les aiguilles et la gomme de sapin sont de puissants antiseptiques pulmonaires qui assainissent l’air des pièces surchauffées et souvent surpeuplées du temps des fêtes. En faire bouillir quelques rameaux sur le poêle est une bonne idée, et rajouter quelques écorces d’oranges et clous de girofle éveillera encore mieux des réminiscences festives.

 

RAPPEL SUR LES VÉGÉTAUX DÉCORATIFS TOXIQUES

Il est agréable et traditionnel de décorer notre demeure avec des plantes exotiques, mais souvenez-vous que certaines peuvent être dangereuses. Les feuilles du poinsettia et les baies du gui et du houx peuvent provoquer des malaises graves, jusqu’à des convulsions et des comas. Par conséquent, placez-les en hauteur, surtout s’il y a de petits enfants dans la demeure, évitez de les laisser à portée des petites mains et bouches.

 

PARFUMS FESTIFS RAGOÛTANTS

Chatouillant notre cerveau limbique ou émotionnel, quelques jours avant les fêtes des pays de tradition chrétienne, il flotte dans les airs ces effluves suaves entremêlés : anis, cannelle, orange, cinq-épices, laurier, girofle et noix grillées, des gâteaux, tartes et ragoûts longuement mijotés…

En entrée ou comme plat principal, on confectionne bien sûr les tourtières aux trois viandes (bio et locales, si possible) additionnées de clou de girofle, de piment de Jamaïque et de muscade.

Les végétariens choisiront de confectionner des tourtières au millet, aux lentilles au cari, au tofu et tempeh ou encore au seitan, plus digestes et tout aussi protéinés.

Dans les maisons de l’Europe du Nord, ça fleurait bon l’oie aux châtaignes ou le gigot d’agneau aux chanterelles ou autres champignons séchés.

Ici, dès le matin, la cuisinière ou le cuisinier attitré prépare la dinde farcie aux abats et aux herbes (marjolaine, sauge et thym), pour plus de goût, mais aussi pour mieux la digérer.

La gelée aux canneberges fraîchement préparée reste son accompagnement incontournable, meilleure quand elle est légèrement sucrée au sirop d’érable ou au miel.

 

PRÉAMBULES, TRUCS ET VÉGÉTAUX POUR AIDER LA DIGESTION

Avant les agapes, avaler une ou deux cuillères à soupe de bonne huile d’olive biologique, pour tapisser l’estomac, préparer les voies digestives, hépatobiliaires et intestinales. Sinon, avec des intestins très sensibles, on choisit le psyllium, la poudre d’orme ou des graines de lin bien macérées et filtrées.

En apéritif, pour ceux qui ne supportent pas ou qui évitent l’alcool, on peut se préparer une décoction tonique amère, avec du jus de tomates ou aux légumes, avec une pincée de sel de céleri et sa branche.

Entre chaque plat, boire beaucoup d’eau légèrement minéralisée et acidifiée, dans une jolie cruche transparente : pour un litre d’eau, ajoutez deux grammes de sel, le jus d’un demi-citron ou cinq millilitres de vinaigre de cidre de pommes bio, ou encore préparez une décoction refroidie d’anis, de mélisse ou de menthe ! En guise de digestif, essayez une décoction avec de l’anis étoilé, de la réglisse, de l’artichaut, de la camomille romaine ou même de la racine de savoyane, qui sont de puissants stomachiques et draineurs hépatiques !

 

BOISSONS ALCOOLISÉES ACCEPTABLES

Un bon vin blanc d’Alsace ou du Portugal, un hydromel ou encore un cidre sec élaborés au Québec se marient bien avec les entrées légères.

Comme c’est la fête par excellence, on arrose tout cela avec un bon vin rouge certifié bio, les plus riches en saveurs et polyphénols, et les plus pauvres en sulfites et oligo-éléments toxiques (comme le cuivre).

Mais bien sûr, sachez doser, sinon vous regretterez vos débordements, et parfois, vos proches aussi !

Si c’est un vrai banquet à la française s’étirant dans la joie durant des heures, le fromage en clôture reste un incontournable. Souvenez-vous de l’adage de M. Trémolières, célèbre diététiste français du siècle passé : « Précieux fromage, il fait tout digérer, sauf lui-même ! »

Choisissez donc plutôt un fromage de chèvre frais local, sinon une pâte molle de vache du terroir, ou encore un fromage de brebis, toujours assaisonné aux plantes aromatiques de la famille des alliacées (fleur d’ail, ciboulette) ou des lamiacées de l’année (marjolaine, monarde, origan…).

À consommer sur du pain au levain coupé fin ou des craquelins légers.

 

GÂTERIES ET DIGESTIFS APPROPRIÉS

Pour accompagner l’omelette norvégienne ou les îles flottantes à la vanille, desserts privilégiés des Noëls d’Alsace, on choisissait les « bredeles », petits gâteaux fins, ou encore le pain d’épices au miel et au seigle, que faisait cuire la fée du logis en prévision des agapes et de la grande visite à venir.

Ici, en Amérique du Nord, on perpétue plus les traditions britanniques comme le gâteau aux fruits, substitut du « mincemeat », qu’on choisit de confectionner à l’avance, car il sera meilleur imprégné des saveurs des fruits secs, des noix et des zestes d’agrumes, une excellente collation énergétique, si on n’y ajoute que peu de sucre blanc, évidemment !

Autre classique : les tartes aux pommes, avec ou sans fraises et rhubarbe, mais toujours à la cannelle, pour mieux digérer cette autre combinaison alimentaire discutable, mais si délicieuse.

 

ULTIMES TRUCS ET REMÈDES POST-FIESTA

Si vous veillez tard et que vous avez vraiment trop bu, préparez-vous, même au petit matin pour les résistants, une bonne soupe à l’oignon à la sarriette (mais sans gratiné au fromage gras). Et que le lendemain, en entrée, votre premier repas soit une bonne salade de chou finement râpé.

 

CONCENTRÉS DIGESTIFS RECONNUS EN CAS D’INDIGESTION DUE AUX EXCÈS, AU CHOIX
À ce stade, une petite liqueur digestive s’impose, outre la typique crème de menthe, Cointreau ou Grand Marnier si sucrés, choisissons plutôt celles faites maison durant la belle saison.

Plutôt que le si décapant trou normand à l’eau-de-vie pure ou au calvados, on se contentera d’un tout petit verre de teinture-liqueur (épaissie au sirop de sucre bio) au fenouil, à la menthe ou à la tanaisie, sinon au brou de noyer.

 

ATTENTION AUX ABUS PARFOIS FATALS

Mourir d’apoplexie, après un trop riche festin, était courant autrefois.

C’est plus rare aujourd’hui, mais c’est arrivé à ma pauvre mère, décédée d’un anévrisme suite à un banquet, hélas mémorable.

Donc attention à la démesure, l’excès et les mélanges d’alcool aussi, pouvant mener à un décès prématuré, surtout avec des systèmes cardiovasculaire et digestif fragiles.

Les Grecs ne disaient-ils pas : « Le péché originel, c’est la démesure » ? Cela dit, nous nous souhaitons à tous un excellent temps des fêtes : joyeux, dynamique, aromatique et amoureux !

 

Autres remèdes renommés contre les gros malaises

  • Du charbon activé: anti gaz et adsorbant des toxines, en vrac, une cuillère à soupe dans l’eau, bien dilué, ou quatre capsules à la fois;
  • Enzymes digestifs complets en comprimés ou en capsules, pour mieux digérer et assimiler l’alcool, les gras, les protéines, les sucres ;
  • Élixir du Suédois, à la petite cuillère, dilué dans l’eau ou pas: un tonique amer célèbre ;
  • Huile essentielle de menthe poivrée, à frotter là où ça fait mal et à avaler quelques gouttes à la fois, contre les coliques éventuelles.

 

Au pire, repos au lit dans la pénombre et eau gazeuse parfumée au gingembre fraîchement râpé, autre excellent antinausé eux, en guise de punition !