Oméga-3 et longévité ; où en est la science ?

Publié le 27 septembre 2022
Écrit par Éric Simard, docteur en biologie et chercheur

Oméga-3 et longévité ; où en est la science ?

Mon domaine d’expertise est la longévité en santé ; comment garder les gens en santé, plus longtemps. Dans cette optique, les oméga-3 sont un incontournable. Ils sont importants autant pour le bon fonctionnement de nos cellules, que pour le bon fonctionnement du système immunitaire et toutes les implications de l’inflammation.

Je parlerai donc du lien entre les oméga-3 et la longévité en soulignant au passage quelques études cliniques et métanalyses récentes qui soutiennent un grand nombre de bénéfices. Parlons un peu de longévité avant d’aller plus loin et nous reviendrons à la définition des oméga-3, l’apport alimentaire et les dosages thérapeutiques.

Une première indication sur la longévité nous vient des télomères ; ces indicateurs très fiables de la durée de vie utile de nos cellules. Plus nous sommes en santé, plus nos télomères sont longs. Une étude récente a démontré qu’une consommation de 3 à 6 mois d’oméga-3 réduit le raccourcissement naturel des télomères et nous indique ainsi que nos cellules sont plus en santé. Il s’agit d’une preuve indirecte de leurs effets sur la longévité.

D’autres études vont dans la même direction. En Chine, une étude a permis de démontrer un lien entre la fréquence de la consommation de poisson et la longévité : 3 à 10 consommations par mois pour les gens vivant au bord de la mer contre une consommation ou moins pour les personnes éloignées. Cette consommation, responsable de l’apport en oméga-3, aurait un effet significatif sur la longévité de la population à l’étude.

 

Si nous regardons maintenant les processus du vieillissement, une autre étude récente s’est attardée aux mécanismes d’action possible des oméga-3 sur leurs effets préventifs dans le vieillissement. La consommation d’oméga-3 influencerait positivement l’expression de notre génétique. Ces gènes reliés à la prise d’oméga-3 permettraient de ralentir les processus du vieillissement.

L’effet serait en partie relié à la composition du microbiote à la suite de la consommation d’oméga-3, qui influencerait cet effet bénéfique de nos gènes (ce qui souligne l’importance de toujours penser à la santé d’une façon globale même si la science tend à isoler les paramètres pour étudier leurs effets causaux).

Outre la longévité en général, les impacts des oméga-3 sur la dépression, l’hypertension ou l’inflammation sont aussi très bien documentés et nous y reviendrons. Parlons maintenant de ce que sont les oméga-3.

 

Quelques explications de chimie pour ces bons gras

Les oméga-3 font partie des acides gras polyinsaturés au même titre que les oméga-6. Il s’agit d’un lipide, avec une tête polaire (soluble dans l’eau) composée d’un groupement acide et une queue de molécules de carbone hydrophobe (insoluble dans l’eau). Cette polarité fait en sorte qu’ils composent la bicouche lipidique des membranes cellulaires avec la queue hydrophobe vers le centre de la membrane.

La position de leur double lien, ce que l’on appelle « l’insaturation », cause une courbure dans cette queue qui empêche les molécules de s’empiler facilement. Lorsque les molécules de gras s’empilent facilement, cela provoque la rigidité, comme pour les huiles qui sont solides à température de la pièce (gras saturés et trans).

La présence des oméga-3 dans les membranes cellulaires assure ainsi la fluidité de celles-ci et cela permet l’ajout des récepteurs membranaires, des canaux de transport et d’autres protéines essentielles au bon fonctionnement des cellules. C’est ce que l’on appelle la « fluidité membranaire ». Mauvaise fluidité = mauvais fonctionnement des cellules. Vous pouvez donc facilement comprendre que les oméga-3 sont essentiels au bon fonctionnement de toutes les cellules du corps humain et donc, qu’ils ont une importance primordiale dans la conservation d’une bonne santé et de la longévité.

 

De plus, ils sont impliqués dans tous les processus inflammatoires. L’inflammation est essentielle à la vie et les molécules provoquant l’inflammation sont produites à partir des oméga-6, tandis que celles permettant de réduire l’inflammation une fois qu’elle n’est plus nécessaire sont fabriquées à partir des oméga-3. Si le corps contient trop d’oméga-6 par rapport aux oméga-3, les cellules fonctionneront moins bien, l’inflammation durera trop longtemps ou sera provoquée trop facilement et cela augmentera les risques d’un grand nombre de maladies en plus d’accélérer le développement de la majorité de celles associées au vieillissement.

Malheureusement, au cours des dernières années, les gras ont été diabolisés pendant que nous augmentions la consommation néfaste des glucides. Il est vrai que certains gras peuvent être mauvais pour la santé, comme les gras trans, mais ce discours axé sur le côté négatif de tous les gras d’une façon erronée a détourné l’attention de l’importance des bons gras et des ratios oméga-6/oméga-3 dans l’alimentation. Des études récentes ont estimé que ce ratio est généralement de 20 :1 à 50 :1 en Amérique du Nord, alors qu’il devrait se situer aux environs de 4 :1 afin de permettre une bonne santé.

 

L’alimentation et les oméga-3

Il faut donc consommer plus d’oméga-3 et aussi, je tiens à le souligner, moins d’oméga-6 dans certains cas. Pour les gens qui ont des ratios de 50 :1 actuellement, juste augmenter la consommation d’oméga-3 ne sera probablement pas suffisant. Il faut aussi réduire les oméga-6, qui sont présents en grande quantité dans les huiles végétales, la friture, le « néfaste food », comme le dit si bien mon ami Jean-Yves Dionne, et les charcuteries. La viande de façon générale en contient aussi, mais en moins grande quantité.

Pour ce qui est des oméga-3, les recommandations sont simples : mangez du poisson et prenez des suppléments. Les sources végétales, comme la graine de lin, contiennent un oméga-3 (ALA : l’acide alpha linolénique) qui n’est pas utilisé par le corps humain pour les membranes cellulaires et doit être converti en AEP (l’acide eicosapentaénoïque) ou en ADH (l’acide docosahexaénoïque). Le taux de conversion est très faible (aux environs de 1 à 5 %). C’est que l’ALA est une chaîne de 18 carbones qui doit être rallongée de 2 carbones pour faire l’AEP (environ 5 % de conversion) ou de 4 carbones pour faire l’ADH (environ 1 % de conversion).

Ainsi, les bonnes sources alimentaires d’AEP et d’ADH prêtes à être assimilées sont le saumon, les sardines et le maquereau (les poissons gras) pour lesquels une portion raisonnable peut contenir de 1 500 à 3 000 mg d’oméga-3. Les recommandations alimentaires habituelles sont de 3 consommations de poissons gras par semaine, ce qui donne une moyenne d’environ 1 100 mg/jour d’oméga-3, mais est-ce vraiment suffisant ?

 

Les dosages thérapeutiques

Il faut se poser plusieurs questions avant de savoir s’il faut augmenter la dose en prenant des suppléments.

Avons-nous tous besoin d’un dosage thérapeutique ? Pour quelles raisons considérez-vous d’augmenter votre apport en oméga-3 ? S’il s’agit de raisons reliées aux démonstrations cliniques effectuées avec des dosages thérapeutiques, vous devrez en prendre suffisamment pour permettre ces impacts positifs. Il y a une différence entre les doses de base de la consommation d’oméga-3 alimentaire et l’usage thérapeutique.

L’Organisation mondiale de la Santé recommande une dose journalière de 1 000 mg d’oméga-3 qui correspond à peu près à trois consommations de poissons gras par semaine. Les dosages thérapeutiques sont ceux utilisés pour optimiser un apport en oméga-3 dans le but de rétablir ou une condition de santé ou de l’aider. Ils sont définis comme étant supérieurs ou égaux à 1 800 mg d’oméga-3/jour et les études cliniques utilisent souvent de 2 000 à 4 000 mg/jour d’oméga-3. Voici trois exemples :

  • HYPERTENSION : Méta-analyse de 71 essais cliniques, près de 5 000 personnes (Zhang et autres, 2022) :
    • bénéfices significatifs entre 2 000 et 3 000 mg/jour,
    • bénéfices supérieurs à 3 000 mg/jour,
    • bénéfices pas plus élevés que 5 000 mg/jour,
    • pris par l’alimentation ou en suppléments.

 

  • DÉPRESSION : 26 études cliniques, 2 160 participants : effet thérapeutique sur l’amélioration de la dépression (Liao et autres, 2021). Effets significatifs sur les symptômes de dépression vs placébo (P = 0.004) :
    • ≥ 60 % d’AEP,
    • ≥ 1 000 mg d’AEP/jour,
    • aucun effet significatif de l’ADH.

 

  • Maladies rhumatoïdes inflammatoires, analyses systématiques et méta-analyses, 30 études cliniques, 1 420 participants, 3 à 6 mois, dose thérapeutique ≥ 2 000 mg/jour (Sigaux et autres, 2022), effets significatifs comparés au placébo sur :
    • le nombre d’articulations douloureuses, enflées et sensibles,
    • le niveau d’activité de la maladie (évaluation pour 28 articulations),
    • les résultats du questionnaire d’évaluation de la santé.

 

Ainsi, bien que la consommation de 3 à 10 portions de poisson par mois semble déjà avoir un impact sur la longévité, les démonstrations cliniques utilisent habituellement plus de 2 000 mg/jour d’oméga-3 pour la majorité des bénéfices considérés par les consommateurs. Il est donc nécessaire, pour la majorité des gens, de compléter leur consommation d’oméga-3 par la prise d’un supplément de qualité permettant d’atteindre les dosages thérapeutiques de 2 000 à 4 000 mg/jour.

 

RÉFÉRENCES :

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Zhang et al, 2022. Omega-3 Polyunsaturated Fatty Acids Intake and Blood Pressure: A Dose-Response Meta-Analysis of Randomized Controlled Trials. J Am Heart Assoc. 2022 Jun 7;11(11):e025071.