Publié le 12 octobre 2013
Écrit par Aurore Bonvalot, présidente l’agence Collectionneurs de Voyages
Nous avons commencé notre tour du monde par un safari en Tanzanie. Qui n’a jamais été fasciné par la beauté sauvage des paysages de l’Afrique ? Des milliers de zèbres et de gnous s’évadant à l’infini, un guépard traquant sa proie à travers les herbes sèches, des troupeaux d’éléphants traversant fièrement les rivières, les Masaï se frayant un chemin à l’horizon, les couchers de soleil orangés et rouge vif, le Kilimandjaro et son sommet enneigé qui domine le continent du haut de ses 5 895 mètres…
Tout cela, nous l’avons retrouvé dans ce magnifique pays d’Afrique de l’Est situé au bord de l’océan Indien. Ici, nous sommes loin des images véhiculées par les médias : dictatures, terre hostile, pays ravagés par les guerres, enfants soldats, apartheid, sida et autres maladies mortelles… et quoi encore ! À notre grand bonheur, nous avons découvert une beauté naturelle et humaine inégalée et notre séjour fut l’un des points culminants de notre tour du monde.
Ce n’est pas sans raison si la Tanzanie vole de plus en plus la vedette au Kenya dans le do- maine de l’organisation de safaris. Le pays est d’abord plus agréable à parcourir parce que les touristes y sont moins nombreux. La population, moins blasée par l’achalandage de visiteurs, est plus accueillante. On retrouve aussi les Big Five (lion, éléphant, rhinocéros noir, buffle et léopard) en tout temps. La Tanzanie a plus de parcs nationaux et de terres protégées que n’importe quel autre pays du continent africain. Selon EarthTrends, plus de 39 % de ses terres sont protégées comparativement à une moyenne mondiale de moins de 11 % ! Contrairement aux autres pays d’Afrique, les parcs de la Tanzanie n’ont pas de barrières, ce qui permet aux animaux de se déplacer librement et de faire leur migration naturelle sans aucun contrôle humain. L’un des trésors du pays est Zanzibar, une île paradisiaque où il fait bon se reposer après un safari.
Comme nous ne connaissions personne ayant déjà fait un tel voyage et qu’aucun des parcours proposés par les agences de voyages québécoises ne nous convenait, nous avons entrepris de nous tracer un itinéraire sur mesure en multipliant d’abord les lectures et les recherches sur le sujet. Nous avons ensuite contacté un voyagiste tanzanien d’un grand professionnalisme qui a su organiser le safari de nos rêves. Nous sommes partis en décembre 2012 et ce cadeau de Noël nous a permis de vivre un séjour magique et inoubliable.
Armés de nos petites valises, de notre appareil photo et d’une grande soif de découverte, nous avons rencontré notre guide francophone, Hussein, à l’aéroport d’Arusha, ville de départ des excursions pour les grands parcs et l’ascension du mont Meru. Nous avons passé nos deux premières nuits chez les Masaï, ces tribus d’éleveurs et de guerriers semi-nomades vivant principalement au nord de la Tanzanie ainsi que dans le centre et le sud-ouest du Kenya. Leur population varierait entre 300 000 et 880 000 personnes. Très fiers de leurs traditions culturelles, ils vivent en groupe, toujours avec leur bétail qu’ils déplacent dans la savane lors des changements de saison.
Dans le pays masaï, nous avons dormi dans un camp de toile permanent installé en pleine nature recréant la magie des safaris d’époque. Notre tente de 30 m² était toute équipée : vrai lit avec moustiquaire, toilette et douche. Une équipe de Masaï tanzaniens s’occupait de nous et restait sur place. Un chef cuisinier nous préparait de succulents repas (nous avons même eu droit à des crêpes françaises au déjeuner) accompagnés de vins africains divins. Le parc d’Arusha est propice aux safaris de marche. C’est donc avec notre guide Saitoti, vêtu d’une tunique rouge et portant une lance en bois d’ébène à la main, que nous avons circulé dans le parc en ayant la chance d’approcher de très près une famille de onze girafes venues se nourrir aux arbres de la savane. Un moment inoubliable ! Nous avons également aperçu au loin des antilopes gambadant fièrement, quelques singes joueurs ainsi qu’un impressionnant combat de taureaux qui amusait les jeunes Masaï.
Nous nous sommes ensuite dirigés vers un village masaï typique. Le marché très coloré du village est un lieu de retrouvailles pour les habitants qui y vendent entre autres des bijoux confectionnés à la main. La nuit venue, nous avons regagné notre camp et admiré le ciel étoilé d’une beauté exceptionnelle. Le calme apaisant nous a vite fait oublier la frénésie du monde moderne.
Le lendemain, nous avons pris la direction de l’ouest et de la vallée du Rift pour arriver au parc de Tarangire, d’une superficie de 2850 km² , qui doit son nom à la rivière qui le parcourt. Dans la partie nord, nous avons pu observer des bao- babs, dont certains ont plus de 300 ans et atteignent 25 mètres de haut et plus de 12 mètres de circonférence. Leur tronc est si large qu’on peut y rentrer à plusieurs ! Un autre phénomène spectaculaire observable durant la saison sèche est la migration de milliers d’animaux, en particulier des éléphants, qui marchent vers le parc pour s’abreuver dans la rivière du Tarangire, laquelle ne se tarit jamais. Toujours à bord de notre jeep, nous avons foulé les longues pistes poussiéreuses à la recherche des girafes se cachant derrière les arbres, des zèbres et de leurs fidèles amis les gnous, ou encore des petits phacochères courant à une vitesse folle. À chaque tournant, une nouvelle scène se dessinait sous nos yeux. Nous étions chaque fois étonnés et sans voix devant cette beauté naturelle et ces animaux qui cohabitent depuis la nuit des temps.
Nous avons passé notre première nuit dans un tented lodge, tenu par des Masaï : notre chambre, installée dans une tente « de luxe » sur pilotis, offrait tout le confort d’un hôtel quatre étoiles. Ce lodge disposant d’une belle piscine donnant directement sur la rivière, nous en profitions pour nous y rafraîchir après cette longue journée passée dans la savane. Le soir, un Masaï est venu nous chercher à notre chambre pour nous emmener souper, puis il nous a raccompagnés en fin de soirée. Le camp n’étant pas clôturé, il n’est pas rare de croiser la route d’un dik-dik (antilope naine) ou d’une antilope égarée !
Dès les petites heures du matin, nous sommes partis en direction du parc du lac Manyara, d’une superficie de 325 km², qui doit son nom au mot masaï emanyara, une plante cultivée dans la région.
La flore est très variée grâce à la vallée du Rift et des variations d’altitude importantes s’étendant sur peu de kilomètres. Le nord du parc est occupé par une forêt tropicale dense et notre route a sillonné à travers une jungle luxuriante peuplée de centaines de babouins, de singes verts et de vervets bleus. Le sud du parc est plus clairsemé : les baobabs font place aux arbres à saucisses, aux buissons d’acacia et aux termitières. On y retrouve les légendaires lions de Manyara, souvent perchés dans les arbres. Le lac Manyara, d’une superficie de 230 km², vaut le détour à lui seul et contraste avec la densité de la forêt. Des troupeaux de zèbres, de gnous, de buffles ainsi que des hippopotames mâles se rassemblent ici. Le lac alcalin est également un sanctuaire important pour près de 400 espèces d’oiseaux, dont des milliers de flamants roses qui donnent une couleur divine à cette grande étendue d’eau.
La visite du cratère du Ngorongoro aura été le point fort de notre safari ! Cette vaste mer- veille naturelle est la plus grande caldeira non submergée au monde. D’une superficie de 326 km², elle s’est formée à la suite de l’effondrement d’un volcan sur lui-même. Elle est d’ailleurs située dans l’aire de conservation du Ngorongoro, protégée et inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO depuis 1979. Afin de préserver la nature, la zone intérieure est non constructible et il est interdit aux Masaï d’y faire paître leurs troupeaux, mais ceux-ci peuvent évidemment s’y abreuver lors d’un transit. Avant notre descente, notre guide nous a informés que nous allions maintenant découvrir la huitième merveille du monde. Et il avait raison !
Depuis ses hauteurs, la caldeira est vraiment immense. C’est un spectacle à couper le souffle. On devine au loin plusieurs plans d’eau.
Nous avons entrepris notre descente : la forêt tapisse la paroi interne du cratère, et le chemin est cahoteux et sinueux. Après quelques instants, nous nous sommes retrouvés en plein cœur de ce décor presque surnaturel, immortalisé par les créateurs du Roi Lion (l’équipe de Disney est venue sur place pour s’inspirer des lieux). Ce film d’animation a d’ailleurs fait connaître dans le monde entier l’expression Hakuna Matata, qui signifie « Tout va bien, la vie est belle ! » en swahili.
Des étendues à perte de vue, qui sont le lieu de transit de nombreux migrateurs au fil des saisons : en été, ce sont près de 1,7 million de gnous, 260 000 zèbres, 470 000 gazelles de Thomson et des milliers de prédateurs, mammifères et oiseaux qui s’installent ici à la recherche de pâturages.
En tout temps, environ 25 000 animaux élisent domicile dans le cratère, dont les espèces qui constituent le Big Five. Le terme Big Five, employé dans un esprit très marketing par la plupart des agents de voyages et des voyagistes, a été créé par des chasseurs du XXe siècle pour désigner les cinq animaux les plus difficiles et dangereux à capturer à pied. On ne trouve jamais de girafes ici, car il n’y a pas assez d’arbres pour les nourrir.
Les seuls éléphants présents sont des mâles, les femelles n’ayant pas assez de force pour franchir le passage escarpé donnant accès au cratère. Scène cocasse, nous avons assisté aux ébats d’une lionne avec son lion. La période de reproduction s’étalant sur sept jours et sept nuits, un second mâle attendait non loin de là pour prendre le relais au cas où…Une vraie domination féminine ! Nous avons appris que certains animaux y venaient pour prendre leur retraite : c’est un peu leur Floride à eux !
Notre lodge, construit tout en pierre apparente, se trouvait sur les hauteurs du cratère et offrait une vue imprenable à l’aube et au coucher du soleil.
Le lendemain, départ pour les plaines du Serengeti, d’une superficie de 60 000 km², qui abritent le parc du même nom qui s’étend de la Tanzanie au Kenya. Chaque année, en octobre, près de 2 millions de gnous migrent des collines du Kenya vers les plaines du sud de la Tanzanie en traversant la rivière Mara (un peu plus de 10 % ne survivront pas à ce grand voyage et mourront d’épuisement ou seront tués par des prédateurs). Ce phénomène est l’un des plus marquants du continent africain. Notre guide n’a pas hésité à emprunter des routes hors des sentiers battus, à l’affût de la moindre scène animalière. À un moment donné, il a aperçu au loin quelque chose d’extraordinaire. Notre jeep s’est alors engagée au plus profond des plaines.
Au détour d’un petit buisson, quelle ne fut pas notre surprise de voir deux léopards en train de dévorer une petite antilope. Une scène à la fois fascinante et cruelle. Nous avons poursuivi notre route, avides de découvertes et de surprises. Soudainement, notre guide, qui roulait d’ordinaire à bonne vitesse, a commencé à ralentir. Grâce à sa vision incroyable (il est Masaï à demi), il venait de détecter au loin des policiers faisant du radar !
Dernière étape de notre grand safari : un arrêt au plus grand lac d’Afrique d’une superficie de 68 100 km². C’est la petite touche humanitaire de notre safari. En effet, notre excursion contribuera à supporter le village et les projets venant en aide aux femmes et aux enfants (avec la création de programmes jeunesse et d’une école). Après avoir assisté, au cœur du petit marché local, au marchandage des poissons pêchés au petit matin, entre perches du Nil et tilapias, nous sommes montés à bord d’une embarcation relativement précaire pour une croisière d’une heure aux abords de ce lac immense et majestueux. Cette découverte du lac et du village nous a permis de sortir des sentiers battus traditionnels des safaris et de nous rapprocher de la population locale. Le sourire et la chaleur des habitants ont illuminé notre journée. Nous avons passé notre dernière nuit dans un lodge du réseau des Small Luxury Hotels of the World. Champagne, majordomes, malles en cuir pour ranger nos vêtements, piscine rafraîchissante… tout est pensé pour offrir aux visiteurs un confort exceptionnel.
Le lendemain matin, nous avons traversé une rivière. D’un côté, nous avons aperçu une cinquantaine d’hippopotames et, de l’autre, quelques crocodiles attendant patiemment leurs proies avec la gueule grande ouverte.
C’est ici que nous avons quitté notre guide Hussein, les larmes aux yeux. Nous nous étions attachés à lui, à sa très grande générosité, à sa culture débordante pour la faune et la flore, à son pays et ses traditions. Dans notre petit avion de brousse nous conduisant à Zanzibar, nous nous sommes regardés en silence en partageant la même pensée : quand aurons-nous le bonheur de revenir ici ?
Une fois nos larmes séchées et après 90 minutes de vol, nous sommes arrivés à Zanzibar, un archipel tanzanien de l’océan Indien baigné par des plages de sable blanc paradisiaques peuplées de palmiers et de cocotiers. L’endroit est envahi par une végétation luxuriante et de fameuses plantations d’épices. Zanzibar est le berceau du swahili, la langue parlée en Tanzanie. Nous avons commencé notre visite par la ville principale, Stone Town, inscrite au patrimoine mondial de l’UNESCO. Cette ville de pierre a été construite au XIXe siècle par des négociants indiens et arabes. L’après-midi nous a suffi pour déambuler dans ses ruelles minuscules et très sinueuses, humer les odeurs enivrantes émanant du marché principal et prendre un bain de foule. Nous avons appris que 98 % de la population y est musulmane. Les portes des maisons, construites en teck et comportant des pics de bronze, indiquent le rang social, la richesse et la culture de leurs propriétaires. Leurs ornements et symboles (fleurs, chaînes, poissons, etc.) offrent la protection et la prospérité aux familles qui y résident. Au coucher du soleil, il faut absolument aller prendre un verre dans le port pour avoir une vue imprenable sur les dhows, ces voiliers arabes traditionnels originaires de la mer Rouge. Après le coucher du soleil, nous n’avons pas tardé à aller nous coucher à notre tour.
Le lendemain, nous sommes partis pour quatre jours de détente complète dans un hôtel plein de charme situé sur la plage. Le service est divin, les plats délicieux, la mer chaude et le soleil de plomb. Au nord de l’île, les marées sont brusques et l’eau se retire très rapidement tel un cheval au galop. Sur la côte Est, les plages déclinent plus doucement. En revanche, il est très agréable de pouvoir marcher très longtemps à marée basse et de croiser sur notre route des étoiles de mer, des crabes et des coraux remontés à la surface. On ne peut qu’être séduit par la diversité des bleus de mer : l’azur, le bleu océan et le turquoise s’entremêlent et rendent cette côte orientale spectaculaire.
Notre voyage en Tanzanie touche à sa fin. Comme dans Out of Africa, nous y avons trouvé l’amour d’un peuple extrêmement attachant et l’amour de la nature à son état le plus pur. Avant d’arriver dans ce pays, nous n’aurions jamais pu imaginer que nous serions à la fois si émus et éblouis par tant de beauté. Le safari est une occa- sion privilégiée pour se recentrer sur ce qui est important, naturel et authentique. C’est un retour aux sources qui nous fait prendre conscience de la beauté et de la fragilité de notre environ- nement. En Tanzanie, chaque paysage est un tableau magique où l’être humain ne peut voler la vedette aux milliers d’animaux en liberté.
Rencontre avec Saitoti, notre chef Masaï
Où pouvons-nous rencontrer des Masaï ?
Puisque nous sommes nomades, nous sommes omniprésents sur le territoire tanzanien : sur les routes, dans les parcs, etc. Nous aimons aller à la rencontre des touristes, car ils nous fascinent !
Pourquoi les Masaï ont-ils un sens de la vue aussi exceptionnel ?
Nous sommes habitués depuis notre plus jeune âge à nous débrouiller dans la nature et à nous méfier des animaux. Comme nous n’avons que notre lance pour nous défendre, nous devons apprendre à détecter le danger même lorsqu’il vient de très loin.
Quelle est votre principale source d’alimentation ?
Nous mangeons peu d’aliments d’origine animale et pas de poissons ni d’oiseaux. Nous mangeons toutefois du buffle et de l’éland (une sorte d’antilope) et nous consommons beaucoup de plantes.
Comment la société masaï est-elle organisée ?
C’est une société patriarcale divisée en clans et en classes d’âge : enfants, jeunes guerriers ou morane, guerriers adultes, jeunes aînés et aînés. Le passage d’une classe à l’autre a lieu au cours de rites d’initiation.