Peut-on rajeunir nos cellules ?

Publié le 9 mars 2018
Écrit par Sylvie Rousseau, nd.a.

Peut-on rajeunir nos cellules ?

La gérontologie, soit la science qui s’intéresse au vieillissement, est à l’heure actuelle très à la mode, dans un contexte où une grande proportion de la population (les baby-boomers) avance en âge rapidement. Cette science tente de trouver des solutions pour ralentir ce phénomène naturel.

 

Rappelons que le vieillissement est le résultat des préjudices faits à la cellule et au matériel génétique de l’ADN par la production exagérée de molécules hautement réactives (radicaux libres) par notre propre métabolisme (mauvaise digestion) ou ingérées par la pollution environnementale (radiations, produits chimiques dans l’alimentation, cuisson sur le barbecue, café, alcool, pesticides…). Ce phénomène est en relation directe avec l’accumulation des toxines endogènes (métaboliques) et exogènes (pollution), combinée à l’inflammation chronique qui endommage les organes. La sénescence cellulaire

L’inflammation s’installe parce que les cellules n’arrivent plus à se diviser, un phénomène connu sous le nom de « sénescence cellulaire ». Ce dysfonctionnement est causé par le dommage infligé à l’ADN et par le raccourcissement des chromosomes par les télomères. Normalement, les cellules saines réparent les dommages et remplacent les cellules sénescentes au fur et à mesure dans l’organisme. En vieillissant, le système immunitaire est de moins en moins capable d’éliminer ces cellules déficientes.

Ces cellules déficientes sont particulièrement troublantes, car elles relâchent des cytokines pro-inflammatoires responsables de causer un dommage important aux tissus, des facteurs de croissance cancérigènes et d’autres substances toxiques. Elles contribuent à plusieurs problèmes de santé, dont les maladies cardiovasculaires, le cancer, le diabète, l’ostéoporose, l’obésité, les maladies hépatiques ou rénales et les maladies neurodégénératives, pour ne nommer que ceux-là.

 

LA RECHERCHE SUR LES TÉLOMÈRES ET LA TÉLOMÉRASE

Les télomères sont des morceaux d’ADN non codants situés à l’extrémité de chaque chromosome. Ils servent à protéger ces extrémités. Or, les télomères raccourcissent chaque fois qu’une cellule se divise. S’ils deviennent trop courts, la cellule meurt ou devient sénescente. C’est pourquoi on appelle les télomères « l’horloge biologique », qui détermine la fin de l’existence. Un télomère long est synonyme de bonne santé. À l’opposé, lorsque le télomère est trop court, la cellule l’interprétera comme une corruption de l’ADN, entrera en sénescence et provoquera une apoptose.

Maria Blasco, Ph. D. (directrice du Spanish National Centre for Cancer Research, à Madrid), une autorité dans le domaine du cancer, s’est intéressée de près à l’évolution des télomères dans le temps en lien avec les maladies du vieillissement. Elle croit que le raccourcissement des télomères est une cause majeure du vieillissement. Elle affirme que le rôle des télomères dans le développement du cancer est déterminant, mais elle croit aussi que ce processus peut être réversible.

À cet effet, on a identifié une enzyme capable d’inverser le processus de raccourcissement en synthétisant de nouvelles séquences d’ADN. Cette enzyme est connue sous le nom de télomérase. Celle-ci serait très active au moment du développement du fœtus et dans les cellules souches, mais absente à l’âge adulte. En médecine, les cellules souches font l’objet de nombreuses recherches depuis au moins une vingtaine d’années, dans l’espoir de régénérer des tissus malades.

 

DE NOUVELLES ARMES CONTRE LE VIEILLISSEMENT

On appelle les molécules capables d’identifier et d’éliminer les cellules sénescentes les « sénolytiques », soit « une nouvelle génération de médicaments pour contrer le vieillissement ». Les géroprotecteurs sont, quant à eux, des molécules capables de prévenir et même de renverser le vieillissement cellulaire.

La bonne nouvelle, c’est que la recherche sur les géroprotecteurs et les sénolytiques a bénéficié d’avancées technologiques hors du commun. En effet, si on avait procédé selon la façon habituelle, les découvertes se seraient fait attendre longtemps, car ce type d’étude doit s’échelonner sur plusieurs décennies pour que l’on soit en mesure de déterminer quels sont les bénéfices réels d’une molécule étudiée chez l’humain. La façon de faire est de comparer un nombre important de profils venant de tissus humains de patients de tous âges avec ceux de tissus malades pour être en mesure d’évaluer les changements faisant partie du vieillissement et les bénéfices de ces molécules. Ces études faites en laboratoire (in vitro) ou celles faites sur des animaux vivants (in vivo) sont limitatives comparativement à la recherche novatrice qui a été mise de l’avant pour évaluer le potentiel de ces molécules.

En effet, pour contrecarrer ce problème, la recherche sur les géroprotecteurs et les sénolytiques a bénéficié de programmes informa tiques à haute vitesse utilisant des algorithmes biomédicaux d’intelligence artificielle. Cette technologie a été réalisée de façon virtuelle et par simulation grâce à un ordinateur. Elle est connue sous le nom d’étude in silico. Les algorithmes ont permis d’identifier plusieurs nutriments comme étant des sénolytiques ou des géroprotecteurs. On a découvert que ces molécules sont capables de moduler les voies de signalisation des cellules endommagées afin de ralentir leur dégénérescence et d’éliminer celles qui sont irrécupérables.

Notamment, on a trouvé quatre nutriments dignes de mention. Les études ont montré que ceux-ci protègent les cellules du stress oxydatif, diminuent l’inflammation et le dommage à l’ADN. Ils aident aussi à l’élimination des débris qui s’accumulent dans les cellules vieillissantes. Utilisés en synergie, ces nutriments ont montré encore plus d’efficacité en régulant chacun à leur façon les différentes voies de signalisation.

La myricétine est un polyphénol retrouvé dans de nombreux végétaux, plus particulièrement dans les baies et les raisins. Elle a démontré une grande capacité à moduler les voies de signalisation dans les troubles liés au vieillissement. Par exemple, elle joue un rôle crucial pour régulariser les p38 MAPK, une famille de molécules responsables de la gestion interne du stress en lien avec plusieurs problèmes de santé.

La N-acétylcystéine (NAC) est une substance naturelle riche en soufre, plus connue pour ses capacités à éliminer les radicaux libres. Elle protège les cellules du stress oxydatif lors de dégénérescence cellulaire et diminue l’inflammation.

Le gamma-tocophérol a démontré une grande capacité à moduler différentes voies de signalisation qui dépassent de loin les molécules antioxydantes connues. Il régule entre autres la voie métabolique du mévalonate, responsable de la production du cholestérol, de la formation des os et de la promotion du cancer.

L’épigallocatéchine-gallate (EGCG) est un autre polyphénol qu’on trouve principalement dans le thé vert et ayant des propriétés anti-inflammatoires impressionnantes. De plus, il contrôle plusieurs voies provieillissement et prévient le dommage induit aux tissus par l’ingestion de sucre.

La recherche dans ce domaine émergeant peut nous permettre de croire que nous arrivons à une croisée des chemins déterminante pour améliorer la longévité de l’humanité. Un dossier à suivre !

 

RÉFÉRENCES

  1. ALIPER, A., A. V. BELIKOV, A. GARAZHA et coll. “In search for geroprotectors: in silico screening and in vitro validation of sinalome-level mimetics of young healthy state”, Aging (Albany, NY), 2016; 8 (9): 2127-52.
  2. BERNARDES DE JESUS, B. et M. BLASCO. “Aging by telomere loss can be reversed”, Cell Stem Cell, 2011; 8(1): 3-4.
  3. BLACKBURN, E.H., E.S. EPEL, J. LIN. “Human telomere biology: A contributory and interactive factor in aging, disease risks and protection”,