Publié le 17 novembre 2018
Écrit par Chantal Ann Dumas, ND.A.
Je répondais récemment à cette question posée par une journaliste, mais puisque j’ai souvent eu à y répondre en tant que naturopathe aussi formée en hormonothérapie bio-identique, j’ai pensé vous faire part de mes observations cliniques des vingt dernières années.
N.B. : Tenons pour acquis pour l’exercice que nous avons affaire ici à une femme moyenne ne souffrant d’aucune maladie particulière et ne consommant pas de médicaments sur une base régulière. Elle n’aurait pas non plus de contre-indications à son dossier médical.
Peut-on réellement soulager la ménopause seulement grâce à la naturopathie ?
Tout d’abord, on doit comprendre que la naturopathie est une approche centrée sur le patient et non sur sa condition médicale. Ces dernières relèvent de la médecine conventionnelle et correspondent à une évaluation de la personne selon une logique ou un paradigme médical qui lui est propre.
La naturopathie est aussi une approche vitaliste, c’est-à-dire qu’elle vise dans un premier temps à identifier les causes qui entravent la libre circulation de l’énergie vitale et engendrent un déséquilibre – pouvant éventuellement se manifester par un ou des symptômes – et à les corriger.
De plus, la naturopathie est une approche dite holistique, ce qui signifie qu’un symptôme – bouffée de chaleur ou autre – ne peut pas être dissocié du processus en cours dont il ne représente qu’une manifestation. Le naturopathe tient compte des différents facteurs ayant un impact sur la santé de l’individu : son alimentation, son mode de vie, son niveau d’activité physique et de stress, son exposition à différentes substances toxiques, ses carences vitaminiques, etc. On comprend donc que chaque cas est unique et doit faire l’objet d’une consultation. Nous n’avons pas de « recette magique » pour GUÉRIR quoi que ce soit ! La médecine conventionnelle non plus d’ailleurs, puisque la guérison survient spontanément lorsque les causes de déséquilibre sont écartées et que l’organisme dispose de ce dont il a besoin pour s’autoréparer. Tout le reste que nous faisons – autant de manière naturelle que pharmacologique – ne sert qu’à soutenir ce mécanisme inné d’autoguérison propre à chaque être vivant.
Avant l’avènement des hormones, comment nos ancêtres géraient-elles les symptômes associés à la ménopause ? Avaient-elles recours à des trucs issus de la nature ?
Précisons que la ménopause ne constitue pas une maladie, mais plutôt une période normale d’arrêt des menstruations survenant autour de la cinquantaine. La nature avait prévu cela, et lorsque la production hormonale ovarienne diminue, nos glandes surrénales prennent habituellement le relais. L’ennui, c’est que nos glandes surrénales fabriquent aussi nos hormones de stress, incluant le fameux cortisol, et que la progestérone sert de matière première pour le fabriquer. Donc, plus nous vivons de stress chronique, moins notre capacité à gérer cette transition hormonale est efficace, d’où l’apparition de symptômes de déséquilibres hormonaux incommodants.
Ma mère a traversé la ménopause sans prendre d’hormones mais, on dirait que de nos jours, la plupart des femmes n’arrivent plus à tolérer les symptômes. Comment expliquer cette apparente intensification des inconforts ?
Le mode de vie traditionnel était moins stressant et plus en harmonie avec les cycles naturels. Il nous exposait moins à différentes sources de toxicité telles que les pesticides et autres substances chimiques agissant comme perturbateurs endocriniens dans notre organisme. L’alimentation contenait également plus de fibres – permettant d’éliminer les résidus hormonaux et autres par l’intermédiaire de l’intestin – et de différentes vitamines et différents minéraux impliqués dans la biotransformation de nos hormones, comme les vitamines B et le magnésium, par exemple. L’appauvrissement des sols, l’utilisation d’engrais chimiques, les méthodes de cuisson et d’entreposage des aliments, la consommation de voleurs de vitamines comme le café, l’alcool, les médicaments, etc. sont autant de facteurs susceptibles d’occasionner des carences nutritives en dépit du taux de calories ingérées quotidiennement.
L’alimentation traditionnelle comporte également des aliments tels que le soya, l’igname et le curcuma qui fournissent des phytoestrogènes pouvant se fixer aux récepteurs estrogéniques dans notre corps et en moduler l’activité, réduisant les bouffées de chaleur et autres symptômes désagréables.
Bien sûr, les plantes médicinales alliées des femmes depuis des millénaires telles que l’actée à grappes noires, l’achillée millefeuille, le chardon-Marie et bien d’autres peuvent également nous fournir différents phytoestrogènes et nous procurer leurs nombreux autres bienfaits grâce à des propriétés détoxifiantes, cholagogues, cholérétiques, laxatives douces, drainantes, etc. qui permettront à l’équilibre hormonal naturel de se rétablir et d’être maintenu.
Règle générale, y a-t-il des symptômes que la naturopathie traite plus efficacement ? Quelle recommandation ou quel supplément naturel a fait le plus ses preuves auprès de votre clientèle au cours de vos années de pratique ?
Encore une fois, nous ne traitons pas un symptôme ni une condition médicale, mais bien une personne possédant une individualité biochimique qui lui est propre et qui évolue dans un environnement spécifique. Il n’y a pas de « meilleure recette », et il faut vraiment sortir une bonne fois pour toutes de cette mentalité de : « Quel supplément pour tel bobo ? » dont nous avons hérité de la médecine conventionnelle. En naturopathie, nous avons affaire à une forme de médecine vraiment personnalisée – donc du cas par cas – et tout dépend aussi de ce que fera la personne de nos recommandations.
Il faut voir la naturopathie comme un processus d’optimisation de la santé et non comme une « pilule magique » qui permet de faire disparaître un symptôme. Pour nous, le symptôme ne constitue pas un ennemi à éliminer à tout prix, mais bien un allié qui nous informe comme un clignotant sur le tableau de bord d’une voiture qui nous indique qu’il y a une perturbation sous-jacente dont nous devons nous préoccuper. Il ne nous vient pas à l’idée de débrancher le clignotant et d’ignorer le problème, alors pourquoi veut-on supprimer le symptôme sans s’occuper de la cause du déséquilibre ? Ce faisant, on risque que le processus de déséquilibre poursuive son évolution jusqu’à ce qu’un nouveau symptôme, souvent plus grave et plus intense que le précédent, fasse son apparition.
En comparaison, lorsqu’on consulte un acupuncteur, on ne lui demande pas quel point d’acupuncture est le plus efficace pour tel problème et on ne demande pas non plus au psychologue quelle est la phrase-clé à dire pour soulager quelqu’un qui vit une crise donnée. On comprend que le clinicien doit procéder à sa propre analyse de la situation selon les connaissances acquises par rapport à l’approche ou au paradigme médical qu’il pratique en s’entretenant avec le patient, puis il aura recours aux techniques éprouvées appartenant à son approche, et que finalement, le processus suivra progressivement son cours avec la participation de la personne concernée et des rencontres de suivi.
On doit aussi comprendre l’importance de l’implication de l’individu dans son processus et le fait que ce processus ne s’effectue pas toujours en ligne droite.
Il en va de même avec la naturopathie. Nous avons soumis notre corps à de mauvais traitements ou à un mode de vie et une alimentation mal adaptés durant des décennies ; on doit comprendre que le processus de retour à la santé optimale ne se fera pas en une consultation grâce à une quelconque pilule magique. On doit s’investir dans le processus et donner le temps à notre organisme de retrouver son homéostasie.
Est-ce utopique de croire qu’on peut retrouver un équilibre hormonal passé l’âge de 50 ans ?
Non, pas du tout ! Ce qui est utopique, c’est de croire que toutes les femmes sont disposées à adhérer aux changements nécessaires et à l’adoption de bonnes habitudes indispensables à la restauration et au maintien de cet équilibre dynamique. Pour beaucoup, il est plus simple, du moins à court terme, de chercher une approche pharmacologique qui diminuera l’intensité du symptôme sans devoir changer quoi que ce soit à leur mode de vie.
Cela étant dit, selon mon expérience clinique, il y a environ 1 femme sur 10 pour laquel le l’approche naturopathique ne sera pas suffi sante afin de soulager efficacement les symptômes et qui finira par avoir besoin d’un coup de pouce supplémentaire. Dans ces cas rébarbatifs, l’hormonothérapie bio-identique peut être considérée. La naturopathie devrait néanmoins être incorporée en complémentarité à ce traitement ou d’un traitement hormonal substitutif afin de diminuer les effets secondaires potentiels associés à ces traitements et d’en potentialiser l’efficacité.
Pour un gynécologue, l’option la plus naturelle est de prescrire des hormones. Pour les naturopathes, quelle est l’option la plus naturelle ?
La voie de la nature et du respect de la biochimie de la femme est toujours la voie la plus naturelle. Il faut d’ailleurs faire une distinction entre ce qui est « naturel » et ce qui est « habituel ». Par exemple, pour un fumeur, il est habituel de fumer un nombre x de cigarettes par jour, mais est-ce que cela veut dire que c’est naturel pour autant
On semble entendre deux discours au sujet de la naturopathie : certaines avancent que la naturopathie les a « sauvées », alors que pour d’autres, ça ne fonctionne pas. Comment expliquez-vous cela ?
La réponse la plus simple est que ni le naturopathe ni la naturopathie n’ont le contrôle sur ce que font les personnes de nos recommandations. Si par exemple vous souffrez d’une entorse à la cheville et que le médecin vous prescrit un comprimé de Tylenol aux six heures, des applications de glace et de soulever votre cheville, mais qu’au lieu de cela, vous achetez un produit générique dont vous ne prenez qu’un comprimé par jour et de façon sporadique sans appliquer de glace ni immobiliser votre cheville, allez-vous accuser la médecine et le médecin pour votre manque de résultat ? On doit aussi comprendre l’importance de l’implication de l’individu dans son processus et le fait que ce processus ne s’effectue pas toujours en ligne droite. Lorsque, par exemple, vous consultez en psychothérapie et qu’un échange vous replonge au cœur d’une émotion douloureuse qui vous perturbe parfois durant quelques jours, allez-vous rejeter le psychologue et rejeter la responsabilité sur la psychothérapie ? Ou allez-vous comprendre que l’inconfort fait partie du processus de retour à votre état optimal ?
L’autre point qu’il est important de mentionner est que puisque la profession de naturopathe n’est pas encadrée par un ordre professionnel au Québec, n’importe qui peut se prétendre naturopathe. La personne qui vous a proposé un supplément après trois minutes de discussion entourant votre symptôme n’est pas forcément naturopathe et elle n’a pas procédé à une consultation naturopathique. Les naturopathes ayant complété une formation sérieuse de 1 400 heures et réussi des examens d’admission sont membres d’associations sérieuses ayant des règles de pratique et un code de déontologie. Celle dont je fais partie est l’Association des naturopathes agréés du Québec (ANAQ) et s’identifie avec les initiales ND.A. (naturopathe agréé). D’autres associations peuvent aussi vous offrir des gens qualifiés, mais il faut poser des questions afin d’évaluer les connaissances de votre praticien. Nous devons procéder à un bilan naturopathique complet avant de vous proposer quelque changement que ce soit en lien avec votre situation spécifique. Le suivi naturopathique s’effectuera la plupart du temps en complémentarité avec celui de la médecine conventionnelle.
À combien de temps dois-je m’attendre avant d’avoir des résultats ?
Cela dépend vraiment de plusieurs facteurs, dont votre état général de santé, la compétence de votre naturopathe, votre implication dans le processus et la rapidité avec laquelle vous mettrez les changements proposés en application, votre niveau de stress, votre disposition à prendre des suppléments, etc. Disons que de façon générale, on peut s’attendre à ressentir une différence lors du premier mois et à obtenir le maximum de bénéfices après trois à six mois de suivi.
Pourquoi la naturopathie représente pour vous la meilleure option, pour une femme en santé, en pleine ménopause ?
Parce qu’elle est respectueuse de notre bio chi mie et donc sans effets secondaires nocifs et potentiellement dangereux comme ceux associés à l’hormonothérapie, parce que la naturopathie considère la personne entière dans son environnement particulier et parce que les facteurs sur lesquels nous allons travailler de concert avec la femme vont lui permettre d’optimiser sa santé sur tous les plans et non seulement de supprimer le symptôme désagréable. Notre approche est réellement personnalisée et elle agit de façon préventive, puisque nous savons désormais grâce à cette nouvelle science appelée « épigénétique » que la plupart des maladies de civilisation sont grandement attribuables à notre alimentation, à notre mode de vie et à notre environnement qui agissent directement sur nos gènes afin d’en modifier le fonctionnement. En adressant ces facteurs sous l’angle de la ménopause et en les rectifiant en fonction des besoins spécifiques à chaque femme, l’énergie vitale s’en trouve potentialisée et elle permettra au corps de retrouver son équilibre dynamique ou homéostasie, ce qui se traduira par un niveau de santé optimale à tous les niveaux.
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