Publié le 12 septembre 2023
Écrit par Anny Schneider, autrice, herboriste-thérapeute accréditée et Mère au front des Cantons-de-l’Est
Au plus profond des bois la patrie a son cœur,
Un peuple sans forêt est un peuple qui meurt.
C’est pourquoi, quand un arbre succombe,
Jurons d’en planter un autre sur sa tombe.
Puissent nos enfants voir, aux saisons futures,
Des chênes et des pins les robustes ramures
Onduler sur la plaine et moutonner dans l’air,
Pareils aux flots mouvants et féconds de la mer !
André Theuriet, La forêt
Pour la planète entière, le vaste Québec inclus, la nature est en détresse à cause des changements climatiques, forcément les plantes sauvages médicinales, les arbres et les forêts en tête, car ils reflètent l’état de dégradation de l’environnement, dont l’être humain est le premier responsable.
Ces proportions et ces chiffres affolants, hélas, sont faciles à retenir : depuis 50 ans, 50 % de toutes les espèces vivantes de la planète, de tous les animaux et de toutes les plantes ont disparu par notre faute !
En tant qu’herboriste vagabondant dans toutes les forêts du sud du Québec depuis quarante ans à l’instar de tous les biologistes et de tous les amoureux de la nature, je m’en inquiète comme jamais auparavant.
Au moment où j’écris ces lignes, je sens et vois la fumée âcre et dense issue des immenses forêts en feu du nord de la province.
Et pourtant, comme bien des êtres humains sensibles, j’observe et je ressens avec une acuité grandissante les effets bienfaisants de la nature sur mon état intérieur et ma santé générale, mais je déplore comme jamais l’ampleur des dégâts infligés à ma chère flore médicinale et nutritive ainsi qu’à son habitat.
Il ne reste plus que 15 % de surface boisée dans notre Montérégie, par exemple, la région la plus peuplée du Québec, après Montréal, et dont moins de 4 % sont des propriétés publiques accessibles à tous, moyennant souvent une entrée payante.
Avec 2 253 espèces sauvages en péril au Canada, animaux et plantes inclus, il faudra vraiment changer toutes nos habitudes de consommation et nos choix de culture, du champ à la poubelle, et faire pression sur nos élus pour qu’ils agissent pour protéger concrètement ce qui reste des beautés du monde, notamment en laissant la nature intacte, évidemment !
Tristes constats sur la précarité des forêts de feuillus du Sud québécois
Sachant qu’en Montérégie, région la plus peuplée, 70 % des forêts ont été coupées, et autant de marais asséchés, et que 95 % de celles qui subsistent sont privées, il est temps de se réveiller et de préserver les rares zones humides et surfaces boisées qui restent.
Comment se fait-il qu’en dehors du zonage vert ou blanc, il ne reste rien ou presque pour la forêt publique ou municipale, ou la forêt tout court ? Il est inquiétant de constater le nombre de terres agricoles monocultivées ou sciemment laissées en friche, qui deviennent lentement, mais sûrement, des développements immobiliers, bien plus payants à court terme.
Ultimes propositions d’intérêt public : que chaque gros propriétaire jardine intelligemment sa forêt, qu’il en fasse une fiducie éducative, ouverte aux promeneurs, et détaxable, comme il en existe dans les montagnes laurentiennes, montérégiennes et appalachiennes.
Aussi, que chaque municipalité achète une forêt pour sa communauté, autant pour la beauté que pour la santé publique, sans oublier cette possibilité d’éducation incomparable sur la biodiversité locale, école vivante privilégiée pour nos jeunes étudiants avides de connaissances concrètes et tangibles !
Liste non exhaustive de plantes indigènes en péril
Les marais et les forêts de feuillus mixtes sont les premiers à pâtir de la déforestation, de l’érosion, de l’agriculture intensive et du développement immobilier.
Voici quelques plantes indigènes, dont vous pourrez vous-mêmes trouver les utilités et les vertus, avec un peu de recherche :
Et ces vilaines EEE (espèces exotiques envahissantes) ?
Le ministère de l’Environnement du Québec a dressé une liste de celles-ci sur son site dans la section « Espèces floristiques exotiques envahissantes prioritaires ». Faites vos recherches !
À mes yeux, les pires sont les anthrisques, les berces, les phragmites, les myriophylles, les nerpruns et les renouées asiatiques, même si elles ont leurs qualités. J’en cite d’ailleurs quelques-unes dans mon dernier ouvrage révisé, Je me soigne avec les plantes sauvages lV.
Leurs pires méfaits : avec une vigueur génétique intrinsèque intégrée, elles se multiplient à une vitesse folle et interfèrent sur la viabilité des espèces indigènes et même naturalisées plus utiles.
Outre le réchauffement climatique qui favorise leur multiplication, c’est le rasage systématique des forêts et des bords de route, l’assèchement des terres humides, l’urbanisation et la monoculture qui permettent leur fulgurante expansion.
Mais que font les autorités pour protéger le patrimoine végétal national ?
Plusieurs partis politiques qui se sont succédé à l’Assemblée nationale du Québec ont adopté au fil des ans des lois et des règlements en ce sens.
En voici des exemples :
La philosophie écologiste, une question de bon sens et de passion vitale
Jusqu’à quel point se donne-t-on les moyens, les outils et le personnel nécessaires pour faire appliquer les règlements sur la protection des écosystèmes ?
Avec un ridicule 0,5 % du budget provincial, le ministère des Ressources naturelles n’a que peu de pouvoir et de poids dans ces dossiers. Espérons que nos élus, au fédéral comme au provincial, en font bien plus pour protéger le peu de beauté sauvage qui reste dans les forêts et les marais laurentiens, et même dans la grande forêt boréale du Nord, la 2e plus importante au monde !
Que restera-t-il comme habitats sauvages dans 30 ans ? Bien peu, j’en ai peur. 30 % du territoire protégé en 2030 comme le promet le Québec ? J’en doute fort…
Je pense souvent à cette parole de feue Céline Caron, merveilleuse autrice, biologiste et écologiste, quand je lui avais demandé ce qu’on pouvait faire de mieux pour la forêt. « Qu’on lui fiche la paix ! », m’avait-elle répondu avec son franc-parler passionné et passionnant de spécialiste de la vie du sol, ou pédogenèse forestière.
« Penser globalement, agir localement », disait Lovelock, adage que m’a rappelé Richard Desjardins, grand guerrier pacifique, immense poète et protecteur de la forêt boréale (www.actionboreale.org), à qui je demandais ce qu’on pouvait faire de plus utile pour sauver notre forêt et le peu de nature sauvage qui reste. Il m’a répondu ceci : « Tous les moyens non violents sont bons : lettres ouvertes dans les blogues et les journaux, prises de parole au conseil municipal (surtout devant les caméras !), démarrer et signer des pétitions, convaincre les gens verbalement et s’impliquer dans des associations locales et nationales. » Et, bien sûr, manifester en grosse gang, comme ces 200 000 personnes à Montréal au Jour de la Terre du 22 avril 2012, déjà si lointain !
Mais, pour y réussir, il faut s’exprimer avec constance et ténacité, en groupe, avec des gens articulés, des experts ou des célébrités, c’est encore mieux.
Les moyens d’action ne manquent pas, mais les ouvriers crédibles, fidèles et vaillants sont hélas trop rares.
Les Autochtones opposés aux barrages et aux coupes sauvages du Nord le savent et le crient : désormais, c’est de plus en plus clair que c’est notre survie en tant qu’espèce qui est en jeu, et encore plus celle de nos enfants et des leurs, comme nous le rappellent aussi nos vaillantes Mères au front de plus en plus nombreuses, et dont je fais partie, bien sûr !
Un adage populaire dit ceci : « Celui qui ne dit mot consent. » Par conséquent, observez, réfléchissez et faites votre part pour la terre, en ciblant vos priorités locales les plus criantes côté environnemental, et exprimez-vous clairement, individuellement ou en groupe, avant qu’il ne soit trop tard !
Avec le peu de nature sauvage restante à sauver, mobilisons-nous pour en préserver la beauté de même que notre santé, par le biais d’un air et d’une eau les plus purs possible.
À nous de tout faire pour garder accessibles à jamais ces si précieux dons de la nature et des territoires sauvages, hélas, déjà trop rares !
Garder la beauté et la santé, voire la survie, accessibles à tous !
Comme organismes vivants et conscients, en tant que mammifères soi-disant supérieurs, nous avons le devoir et le pouvoir d’agir positivement sur notre univers en transformation constante et j’ai confiance en vous, belle jeunesse si consciente en tête et au cœur, en votre capacité à y parvenir à votre manière, à point nommé !
Gardez aussi en mémoire ces belles paroles du grand philosophe phare intemporel que fut Johann Wolfgang Von Goethe : « Il n’existe rien dans la nature qui ne soit en relation avec le Tout. »
Laissez-vous souvent charmer par les beautés sylvestres de l’automne et tentez de préserver avec force et ardeur vos précieux boisés et marais locaux !