Plantes médicinales sécuritaires pendant la grossesse : est-ce possible?

Publié le 1 octobre 2024
Écrit par Sarah-Maria LeBlanc, HTA, MA

Plantes médicinales sécuritaires pendant la grossesse : est-ce possible?
Puresource mars/avril 2025

La grossesse est un moment précieux et initiatique. Naturellement, dans un élan de prendre soin de l’être qui grandit dans notre ventre, plusieurs insécurités peuvent émerger. Celles-ci sont malheureusement nourries par une vision médicalisée de la périnatalité. Considérant tout ce qu’on lit sur divers sites Internet et qu’on entend un peu partout sur le danger de consommer certaines plantes lorsque l’on est enceinte, soit des informations souvent contradictoires et parfois erronées, je peux comprendre la confusion. Ainsi, j’entends fréquemment les femmes autour de moi, dans ma pratique et mes relations, se questionner sur l’innocuité des plantes médicinales pendant la grossesse. J’essaierai donc ici d’amener un peu de clarté et de sécurité pour dissiper ce brouillard d’informations, en me fondant sur mes recherches et mon expérience de clinicienne.

 

Il faut savoir que lorsqu’on fait une recherche sur un moteur de recherche X sur Internet, on trouve de plus en plus d’articles qui citent telle ou telle étude scientifique pour corroborer les allégations traditionnelles concernant une plante médicinale. Or, il ne se fait que très peu de recherche scientifique sur les plantes médicinales et les femmes enceintes, et ce, pour plusieurs raisons. En premier lieu, ce n’est pas très payant de faire de la recherche sur les plantes, encore moins si ce n’est pas pour trouver un remède à une pathologie donnée, ce qui n’est pas le cas de la grossesse. En deuxième lieu, il est délicat pour des chercheurs ou des compagnies de prendre le risque de tester des plantes sur une population de femmes enceintes. Nous ne sommes donc pas très avancés, et la plupart des textes des recherches sur les plantes et la grossesse se terminent par « il n’y a pas assez d’études pour confirmer l’innocuité de telle plante, évitez de consommer pendant la grossesse et l’allaitement ».

 

Pourtant, les herboristes-thérapeutes traditionnelles, même lorsqu’elles travaillent de façon moderne comme je le fais, accordent une grande valeur à la connaissance empirique, celle des femmes qui utilisent depuis des siècles des plantes médicinales pour supporter leur grossesse et faciliter l’accouchement. S’il y a bien des plantes que nous connaissons intimement depuis la nuit des temps, ce sont celles qui facilitent la mise au monde de nos enfants! Une façon sécuritaire et douce d’utiliser les plantes médicinales lors de ce moment important, c’est de les concevoir d’abord comme des alliées, un peu comme de la nourriture. Pour ce faire, on les consomme de façon générale sous forme de tisane, simplement infusées dans l’eau, à raison de quelques tasses par jour.

 

Les plantes de premier choix : les nutritives

Comment favoriser la vie qui grandit doucement dans le ventre de la femme? En choisissant des plantes nutritives, riches en minéraux et vitamines. On peut penser ici au classique trio de la grossesse : ortie, avoine et framboisier. Commençons par les deux premières, pour traiter du cas du framboisier un peu plus tard, considérant les grandes questions qu’il soulève.

 

Ortie (Urtica dioica)

L’ortie est sans conteste une maman généreuse et aimante du monde végétal. Elle est d’ailleurs maintenant considérée comme un superaliment, contenant les vitamines A, B, C, K ainsi que du potassium, du calcium, du magnésium, du fer, du zinc et du sélénium. Hyper antioxydante, c’est une cure de jeunesse pour notre organisme. C’est souvent la plante de base dans mes formulations, particulièrement pendant la grossesse. Adaptogène légère et tonique générale, elle nous ramène au centre, nous donne envie de prendre soin de nous et nous donne de l’énergie. Récemment, des études ont mis en relief la possibilité que l’ortie ait un impact sur le système endocrinien en augmentant la globuline liant les hormones sexuelles (SHBG) ou en augmentant la prolactine. Ceci ne change non seulement pas son innocuité lors de la grossesse, mais va dans le sens de celle-ci. On peut utiliser l’ortie à raison de 5 ml ou 15 ml (1 c. à thé ou à soupe) dans une tasse d’eau chaude, infusée de 10 min à plusieurs heures, selon le type d’infusion souhaitée.

 

Avoine (Avena sativa)

Si je parle souvent de l’avoine dans mes chroniques, c’est que je la considère vraiment comme une alliée fondamentale et douce. Pour la femme enceinte, elle est géniale : à la fois nutritive, tonique du système nerveux et soutenant la digestion. Riche en magnésium, calcium, vitamines B et C, elle nous supporte en offrant les nutriments nécessaires à la vie qui grandit en nous. Les polysaccharides qu’elle contient et les bêta-glucanes sont des prébiotiques qui aident notre microbiote en adaptation lors de cette transition vers la maternité. Comme mentionné dans mon précédent article, cette plante « nous aide à retrouver une meilleure humeur, plus de vitalité et améliore les fonctions cognitives en général ». Les nuits du premier trimestre sont parfois difficiles. L’avoine est une bonne alliée en ce sens, lorsqu’elle est prise régulièrement. On utilise ses sommités fleuries en tisane ou en légère décoction de 15-20 minutes, 15 ml (1. c. à soupe) par tasse d’eau.

 

Le fameux framboisier (Rubus idaeus)

Parlons enfin de ce cher framboisier, qui suscite tant de discussions! S’inscrivant dans les plantes nutritives, elle contient comme les précédentes plusieurs vitamines et minéraux (A, B, C, fer, calcium, potassium) en plus d’antioxydants comme les polyphénols. Lors de la grossesse, nous voulons soutenir l’utérus afin qu’il soit une matrice forte et en santé pour le bébé qui grandit. C’est dans cette intention que nous prendrons un tonique utérin comme le framboisier pour accompagner notre corps dans ses changements. Nuance importante : « tonique » ne veut pas dire « stimulant »! Une plante tonique donne de la vitalité aux cellules d’un tissu, d’un organe ou d’un système. C’est pourquoi le framboisier est considéré comme la plante de la femme et de la grossesse. Contrairement à ce qui circule parfois, le framboisier n’est ni stimulant ni emménagogue. Cette croyance vient d’une étude in vitro de 1954 dans laquelle on avait isolé ses constituants, qu’on avait administrés sur des tissus utérins de cochons d’Inde et de grenouille. Ceci démontre entre autres une totale méconnaissance de l’herboristerie, dans laquelle on prend la plante entière et non un de ses constituants.

Par la suite, quelques études sont venues non seulement prouver son innocuité, mais également son efficacité dans la réduction de la durée de l’accouchement et de la nécessité de recourir à une césarienne ou à l’utilisation des forceps. Considérant que cette plante est antispasmodique, elle réduit les douleurs menstruelles, comme savent celles qui la connaissent. Je ne suggère pas de l’employer juste avant ou pendant l’accouchement, même si plusieurs le font, car elle peut dans certains cas diminuer les contractions. Le framboisier est donc une plante soutenante tout au long de la grossesse.

Ceci dit, des dizaines d’années de peur ont laissé des traces, et je comprends mes clientes qui souhaitent attendre le dernier trimestre avant de l’utiliser. L’important est de respecter nos propres limites afin de ne pas créer de stress inutile.

 

Soutenir les nerfs et la digestion

Pour soutenir les changements hormonaux et nerveux lorsqu’on est enceinte, particulièrement les trois premiers mois qui sont souvent plus délicats, nous pouvons utiliser des toniques nerveux ou des plantes calmantes. Habituellement, on choisira la scutellaire (Scutellaria lateriflora), la mélisse (Melissa officinalis) ou la camomille (Matricaria recutita) et encore une fois l’avoine (Avena sativa). Notre digestion peut être aussi perturbée par les changements hormonaux et physiologiques, notamment parce que notre foie doit métaboliser une grande quantité d’hormones et les intestins sont très près de l’utérus qui prend de l’expansion.

Lors d’inconfort, on choisira des plantes carminatives ou digestives, dont la mélisse et la camomille nommées précédemment, mais également le pissenlit (Taraxacum officinale) et les menthes verte ou poivrée (Mentha x piperita ou spicata). Attention! Il ne faut pas utiliser une certaine menthe lors de la grossesse, soit la menthe pouliot (Mentha pulegium) à cause de ses propriétés emménagogues. Heureusement, on n’en trouve que très peu sur le marché. Elle pousse à l’état sauvage, alors ne pas cueillir de menthe si vous ne les connaissez pas bien.

 

Choisir la sécurité

En fin de compte, très peu de plantes offertes sur le marché s’avèrent dangereuses lors de la grossesse. Cependant, la façon la plus sécuritaire de consommer les plantes pendant ce moment important est de les boire en tisane.

Ce n’est plus le moment de prendre de grosses doses de superaliments, des teintures, des huiles essentielles et des extraits standardisés de plantes. C’est plutôt le temps de se faire des boissons douces et médicinales qui accompagneront notre corps et celui de l’être qui y grandit. De façon générale, on évite de prendre de grosses doses de plantes qui sont très aromatiques et qui contiennent beaucoup d’huiles essentielles au profit de plantes douces et nutritives. En fait, comme le mentionne la sage-femme, herboriste et médecin Aviva Jill Romm, il n’y a pas de raison d’utiliser d’autres plantes pendant la grossesse que des toniques légères et des nutritives. Par contre, s’il on veut aller plus loin pour différents petits soucis qui peuvent survenir lors de la grossesse (nausées, constipation, acidité, etc.), une herboriste-thérapeute pourra vous guider, en conjonction avec la personne qui fait votre suivi de grossesse.

Il existe plusieurs livres éclairants abordant l’herboristerie pendant la grossesse, entre autres La naissance, voyage et création de ma collègue québécoise Marie-Soleil Larouche, le classique Le trèfle de vie de Susun Weed et The Natural Pregnancy Book d’Aviva Jill Romm. Sur mon site web[1], vous pouvez également trouver un tableau des plantes médicinales sécuritaires et contre-indiquées pendant la grossesse dans l’article « Plantes médicinales et grossesse ».

 

En conclusion, les plantes médicinales sont une façon douce et sécuritaire de soutenir notre corps dans ses changements lors de la grossesse. Il suffit de savoir quelles plantes choisir, comment les utiliser et de rebâtir le lien de confiance envers elles, qui sont toujours là pour nous, et ce, dans toutes les étapes de notre vie.

 

Les références sont fournies sur demande.

[1] www.sarah-maria-herboriste.com/publications