Points gâchettes myofasciaux : le lieu du mal n’est pas toujours la cause de la douleur

Publié le 8 juillet 2022
Écrit par Francis Létourneau

Points gâchettes myofasciaux : le lieu du mal n’est pas toujours la cause de la douleur

Lorsqu’on a mal au coude, le réflexe naturel est de toucher, de frotter ou de masser la zone. Cette réaction est normale. Bien que vous ressentiez de la douleur à cet endroit précis, est-ce possible qu’une autre zone contribue à cette douleur ou en serait la source ? On pourrait alors parler d’une douleur à distance du site d’origine, donc une « douleur référée ».

Dans un premier temps, on expliquera le concept de points gâchettes myofasciaux (PGM) et ses origines. Ensuite, on verra des exemples fréquents pour les douleurs au coude, au cou et à la plante des pieds. Pour terminer, on donnera quelques trucs qui pourraient vous aider à soulager ces inconforts.

 

Origines

L’idée qu’une zone pourrait emmener une douleur à distance ne date pas d’hier. La première chose qui me vient en tête est le concept de « points d’acupuncture » en médecine chinoise. Disposés sur des routes anatomiques qui parcourent tout le corps, ces points sont comme des bornes de repère. S’il y a une congestion à la borne 9 sur la route, appelée « Yang Ming de la Main », il est possible qu’une douleur qui relie cette borne à un autre endroit, comme au coude, au pouce ou même à la partie entre le pouce et l’index, apparaisse.

C’est intéressant de voir que le PGM du muscle brachioradial est près de cette borne et qu’il envoie une douleur référée à ces endroits. Coïncidence ? Peut-être. La médecine chinoise parle-t-elle de concepts d’une manière imagée, culturelle, traditionnelle propre à elle qu’on peut aujourd’hui expliquer avec des termes occidentaux et contemporains ? Possible.

 

On entend souvent dire que « tout est relié » dans le corps, et c’est facile à comprendre quand on s’y arrête quelques instants. Imaginez que vous ayez une douleur au pied. Cela pourrait être causé par une foulure, une fasciite plantaire ou un oignon douloureux, par exemple. Comment marcherez-vous ? Probablement en mettant plus de poids sur l’autre côté, qui compensera et changera votre façon de marcher pour un style décontracté.

Au-delà de ces différences dans votre façon de vous mouvoir avec élégance, cela peut occasionner des douleurs montantes se répercutant au genou, à la hanche et au bas du dos ! Votre conjoint aura beau alors vous masser le bas du dos (c’est certain que cela fera du bien), mais la source du problème n’est pas là.

Ma suggestion est qu’il vous offre un massage de 15 minutes par jour pendant 2 semaines minimum, mais pendant ce temps, vous consultez un professionnel de la santé, comme un acupuncteur, un physiothérapeute ou un ostéopathe. Ils s’occuperont de la source du problème, et vous, vous obtiendrez en même temps un massage chaque jour pendant deux semaines. Vous pourrez dire à votre douce moitié que c’est 100 % grâce à ses mains magiques que vous allez mieux ! Il n’aura pas le choix de continuer !

 

Points gâchettes myofasciaux

Voici les trois éléments clés à retenir :

1- Est un point hyper irritable ;

2- Est présent dans une bande tendue ;

3- Est situé dans le tissu musculaire ou son enveloppe de fascia.

La première personne qui aurait utilisé le terme PGM dans les publications scientifiques est la Dre Janet G. Travell (1901-1997). Fait intéressant, elle était la rhumatologue du président John F. Kennedy.

 

Les PGM se manifestent de différentes façons. Outre d’être douloureux à la palpation ou à la pression, ils peuvent causer une fatigue musculaire et aussi diminuer l’amplitude de mouvement. Les douleurs peuvent élancer, devenir diffuses, profondes, déclencher un patron d’irradiation à distance et même créer des fourmillements.

 

La théorie de la crise énergétique expliquerait la formation des PGM. Pour rendre cela simple, les muscles reçoivent une commande de mouvement (motrice) de la part d’un nerf. L’endroit où le nerf se connecte au muscle pour lui envoyer son influx nerveux se nomme la « jonction neuromusculaire ». De cette jonction se développera une activité électrique anormale. La fibre musculaire se contractant de façon anarchique comprime les petits vaisseaux sanguins et capillaires.

Si la zone est constamment tendue, cette congestion diminue l’apport sanguin en oxygène et en nutriments, destinés à la fibre musculaire. Il y aura toujours un apport sanguin, en oxygène et nutritif, mais il sera limité. C’est une « crise énergétique ». La douleur présente, la contracture musculaire permanente et l’accumulation de déchets métaboliques localement favoriseront alors l’apparition et le maintien des PGM.

 

En 2018, une étude intéressante, parue dans le Journal of Manipulative and Physiological Therapeutics, établissait une corrélation entre les douleurs au cou (cervicalgies) et le PGM du trapèze supérieur. La conclusion était la suivante : les patients souffrant de cervicalgie chronique avec une réduction de la température cutanée au site du PGM dans le muscle du trapèze supérieur présentaient aussi une réduction de l’amplitude cervicale des mouvements de flexion[1].

 

En 2020, une étude parue dans le Journal of Bodywork and Movement Therapies a établi une association entre les PGM de l’arrière de la jambe et les fasciites plantaires. Du côté touché par une fasciite plantaire, il a été observé que

  • Dans 98 % des cas, les PGM du muscle gastrocnémien (mollet) médial étaient actifs ;
  • Dans 69 % des cas, les PGM du muscle soléaire étaient actifs ;
  • Dans 42 % des cas, les PGM du muscle abducteur de l’hallux (gros orteil) étaient actifs.

 

Du côté non touché par une fasciite plantaire, les chiffres étaient intéressants aussi :

  • Dans 50 % des cas, les PGM du muscle long fibulaire étaient actifs ;
  • Dans 26 % des cas, les PGM du muscle gastrocnémien médial étaient actifs[2].

 

Traitements

En attendant votre prochain rendez-vous avec votre professionnel de la santé préféré, il est possible d’entretenir votre magnifique musculature pour prévenir ou diminuer l’impact des PGM. Ces recommandations sont générales, et ne remplacent aucunement les conseils de votre thérapeute ou de votre médecin.

 

1- Demeurez actif : être actif physiquement, bouger dans différents plans de mouvement (pas juste sur un plan avant-arrière), pratiquer une activité causant un essoufflement, etc.

 

2- Pensez à votre positionnement lors d’activités prolongées : travail à l’ordinateur, devant la télévision, lors des transports, en étant sur votre cellulaire, dans votre sommeil, etc.

 

3- Vérifiez votre respiration : avez-vous les épaules levées constamment ? Êtes-vous en mesure de prendre quelques bonnes inspirations qui font gonfler le haut de votre cage thoracique et étirer les muscles entre vos côtes ? Respirez-vous par la bouche ? Pratiquez-vous le mouth taping la nuit ?

 

4- Entretenez votre musculature : à l’aide, par exemple, de l’automassage, des compresses humides chaudes, du pistolet de massage, des balles de yoga, du rouleau en mousse, des bains contrastes, de la supplémentation en magnésium, des pommades chauffantes, des bains chauds avec du sel d’Epsom et du bicarbonate de soude, de la teinture de passiflore par voie orale (qui a un effet relaxant), d’une bonne hydratation, etc.

 

Avenues thérapeutiques

Les PGM peuvent être pris en charge par différents professionnels de la santé et traités par plusieurs techniques. En voici quelques exemples :

  • Acupuncture : elle permet de détendre très rapidement les tensions musculaires en général et même les PGM les plus tenaces.
  • Ventouses : elles sont parfaites pour décomprimer une zone tendue, collée et douloureuse.
  • Massothérapie : que ce soit le massage shiatsu, le massage suédois ou la kinésithérapie, plusieurs approches peuvent aider à soulager les inconforts causés par les PGM.
  • Moxa : provenant de la médecine chinoise, le moxa est un cigare d’armoise séchée. Sa chaleur douce et pénétrante permet de détendre les fibres musculaires les plus coriaces.
  • Ostéopathie : en redonnant au corps une meilleure mobilité et aisance, moins de tensions se créent, ce qui aura un impact indirect sur les PGM.
  • Bandage adhésif thérapeutique biomécanique et neuroproprioceptif : ces rubans de couleur, souvent vus sur les sportifs, permettent d’obtenir un impact intéressant sur le mouvement, la douleur et la circulation.

 

Conclusion

Le phénomène de la douleur est quelque chose de complexe montrant de multiples facettes.

En suivant quelques lignes directrices, énoncées plus haut, telles que la qualité de la respiration, l’activité physique, le positionnement lors d’activités prolongées et l’entretien de notre sublime musculature, il est possible de prévenir ou de diminuer l’impact inconfortable des PGM.

Plusieurs techniques et les professionnels de la santé peuvent vous aider à améliorer votre bien-être. Je vous invite à vous investir ! Votre corps est le seul véhicule que vous avez pour votre vie entière, donc prenez-en soin !

 

RÉFÉRENCES :

Myofascial Pain and Discomfort – The trigger point manual, Travel, Simons & Simons, Wolters Kluwer, 2019

[1] Association between trigger points in hamstring, posterior leg, foot muscles and plantar fasciopathy, https://pubmed.ncbi.nlm.nih.gov/33218537/.

[2] https://www.sciencedirect.com/science/article/abs/pii/S0161475416303116.